Mémoire collective 34

Malek Gnaoui à Dream City: Immersion mémorielle dans la Prison du 9 Avril

Au cœur de la Médina, à Dar Dey, maison abandonnée depuis des décennies, la mémoire d’un ancien condamné à mort, Naceur, détenu numéro « 0904 » de la prison civile du 9 Avril, surgît pour témoigner de la souffrance humaine et nous inviter à réfléchir l’enfermement et l’absurdité de la peine de mort. Voulant interpeller la mémoire de l’ancienne prison fermée en 2003 et démolie en 2006 à travers ce personnage, Malek Gnaoui, artiste plasticien, se retrouve confronté au silence et à la surdité de l’administration tunisienne. Il choisit alors de se laisser inspirer par les récits d’ex-prisonniers pour créer un espace où images, sons, oiseaux, cages et autres objets embarquent les visiteurs dans une rencontre avec l’homme décédé depuis de longues années dans une cellule individuelle.

Résistances : Quand l’art bande mou à Carthage

Décidément, l’art bande mou à Carthage. Au moment de la piqûre de rappel de la Fête des Martyrs en son 79ème anniversaire, la Présidence de la République met les bouchées doubles pour trompeter ténacité et résistance du peuple tunisien au cours de l’histoire. Organisée en collaboration avec les ministères de la Culture et celui de l’Education, Résistances se veut une exposition itinérante qui sillonnera toutes les régions du pays jusqu’à la fin du mois d’avril 2019. On aura beau tourner sa langue mille fois dans sa bouche, on a beau fouiner dans son vocabulaire, il n’y a pas d’autre mot pour qualifier cette initiative poussiéreuse d’une expo qui ne l’est pas moins : nulle.

On ne saurait libérer le présent sans libérer le passé

Les héros qui se sont exprimés vendredi sur nos écrans de télévision ne nous ont certes rien appris. Ils ont fait beaucoup plus que cela. De faits relégués à l’histoire des historiens, à moitié oubliés, déformés, tronqués, maltraités, noircis ou volontairement occultés par la parole bourguibiste, ils ont fait une histoire toujours vivante, une histoire présente, une histoire qui marche encore, une l’histoire réelle et vraie, parce qu’elle vit, qu’elle est présente et qu’elle marche encore, malgré ses béquilles.

L’IVD à Tataouine. En finir avec le négationnisme historique

Les souffrances coloniales endurées par les habitants de Tataouine seront exposées le 24 mars prochain dans une audition publique. Une audition qui mérite une mobilisation exceptionnelle de toutes les forces politiques qui considèrent qu’il est temps d’en finir avec le négationnisme historique de la tradition bourguibienne – et française – et de tous ceux qui sont convaincus que la question des réparations n’est ni anachronique ni réductible à un simple « pardon » qui ressemblerait fort aux excuses timides d’un mari brutal à une épouse dépossédée et copieusement battue.

À quelle heure se réveille la nation ?

Organisée par la fondation Rambourg au palais Ksar es-Saïd, à Tunis, L’éveil d’une nation. L’art à l’aube de la Tunisie moderne (1837-1881) se donne les bons moyens pour rafraîchir la mémoire sans l’escamoter. Geste nécessaire, mais qui n’est pas sans risques.

Célébration du 14 janvier sur les chaînes privées : Indifférence et opacité

Chaque fois qu’ils invitent des caciques de l’ancien régime, sans lien avec l’actualité, ils invoquent la mémoire nationale comme prétexte. Or, pour le 14 janvier 2017, El Hiwar Ettounsi et Attessia étaient aux abonnés absents. Place aux starlettes des productions maison dans Labess et à la Coupe d’Afrique des Nations sur Attessia. Quant à Nessma, l’initiative d’« un politique » se terre sous son édition spéciale.

Blessés et martyrs de la révolution : un combat contre l’oubli

Samedi 14 janvier 2017, à l’audition de l’Instance vérité et dignité (IVD), Moslem Kasdallah, Khaled Ben Nejma et Rached El Arbi, blessés de la révolution, prennent la parole pour faire revivre une vérité négligée par les médias dominants, le système judiciaire et les appareils répressifs de l’État. Les trois témoignages mettent à nu la cruauté et le sang froid avec lesquels les forces de l’ordre ont exécuté près de 338 personnes et en ont blessé 2174 autres.

Appartenir à Dhiba et Ben Guerdane, entre emblèmes et stigmates

Lorsque l’on interroge les habitants de Dhiba et Ben Guerdane sur leur perception du Sud tunisien, région à laquelle ils revendiquent appartenir, c’est la « marginalisation » tahmîch qu’ils évoquent en premier lieu. La forte perception de l’exclusion transcende les générations et le genre, même si elle est plus aiguë chez les jeunes chômeurs. Elle confirme l’affermissement, depuis la chute de Ben Ali, du tahmîch comme catégorie cognitive structurant la façon dont les populations rendent compte d’elles-mêmes, dans l’ensemble des territoires urbains et périurbains relégués dans le pays, à l’instar des quartiers populaires du Grand-Tunis ou du gouvernorat de Kasserine, à la frontière avec l’Algérie.

Bataille de Bizerte, l’enjeu des réparations

On se doute que la mise au jour de l’ensemble des dossiers concernant cet épisode tragique de notre histoire récente permettra également de faire toute la lumière sur les responsabilités des autorités tunisiennes dans cette affaire et en particulier du président Habib Bourguiba. Autrement dit, d’un point de vue politique, ce n’est pas seulement la France qui risque de se trouver sur le banc des accusés.

Pourquoi la Torture ?

Né en 1953, Fathi Ben Haj Yahia a été condamné par contumace à 2 ans de prison pour appartenance à El Amel Ettounsi. Arrêté le 20 mars 1975, il a été jugé à cinq ans et demi de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat, appartenance à une organisation non reconnue et traversée illégale des frontières. Cette expérience est l’objet de son premier livre El Habs Kathab (2009) traduit en français sous le titre La gamelle et couffin (2010). Loin des codes de la littérature des prisons, Fathi Ben Haj Yahia surprend par son style tragi-comique. Une de ses premières lectrices l’interpelle sur la question – douloureuse- de la torture. Il y revient pour proposer une réflexion sociologique sur une pratique dont les ramifications dépassent de loin les murs du milieu carcéral. Extraits.

« Mnēmē » de Nidhal Chamekh : l’art par temps de détresse

Se faire le chiffonnier de la mémoire des luttes. Nidhal Chamekh ne recule décidément plus devant cette tâche qu’il s’est fixée depuis « De quoi rêvent les martyrs ? » (2011). Mais à quel temps décline-t-il cette mémoire dans « Mnēmē », son exposition à Selma Feriani Gallery (29 octobre – 12 novembre 2016) ? D’une main, il ramène la virtuosité du dessin à un principe de délicatesse. De l’autre, il accorde la rémanence des formes et des luttes au retour du refoulé, où l’image se peuple de fantômes. Entre deux mains qui s’alternent, c’est la pratique du montage qui permet à Nidhal Chamekh de prendre la mémoire à rebrousse-poil.

La Révolution, l’Histoire et la Mémoire

La Révolution tunisienne était le résultat d’un long processus qui se présente comme une métamorphose profonde qui a marqué notre quotidien. De ce point de vue, une lecture psychanalytique de ce grand moment s’impose avec beaucoup d’acuité pour ne pas se limiter à une approche descriptive car on n’est pas encore habitué à parler de la mémoire collective, même par métaphore.

La révolution tunisienne entre mémoire et histoire

Si l’histoire de la révolution tunisienne a au plan du savoir un commencement distinct, marqué par Sidi Bouzid et Kasserine, voir des origines plus anciennes et plus symboliques comme les événements du bassin minier de Gafsa, ses problèmes majeurs d’écritures, et, pour le dire d’emblée, ses difficultés, ses embarras, lui viennent de plus loin. À ce niveau on peut constater l’existence d’un triple héritage