Lorsque l’on prend connaissance d’un centre tel que celui du Centre Culturel de Wessaïa, dans la région de Sbeïtla, nous sommes immédiatement interpellés, surtout présentement, où l’on entend plus parler de ces contrées et territoires montagneux que pour signaler multiples dangers ou décompter le nombre de martyrs, quotidiennement assassinés lors d’affrontements avec des terroristes, ou explosés sur des mines.
Ce centre à vocation culturelle et éducative, entre autres mis en place par l’ « Association les Collines », vit et se nourrit de sa réalité, particulière, en milieu rural, et en montagne souvent isolée et dont la nature est quelque fois hostile. Un centre sur un territoire dispersé, où le taux d’habitation reste relativement faible.
Sbeïtla est rattachée au gouvernorat de Kasserine, avec les mêmes données et caractéristiques sociales. Comme dominantes essentielles, environ 60% des habitants qui vivent sur les hauteurs, majoritairement chômeurs, demeurant sans emploi, dans une situation plus que précaire. Même l’artisanat et les métiers traditionnels, qui représentaient une source de revenus non négligeable, sont en chute libre. Notamment chez les femmes, connues pour savamment travailler la « halfa », cette plante herbacée sauvage, vivace et résistante, dont les sols arides de la région de Sbeïtla – Kasserine sont fertiles.
Si l’artisanat traditionnel trépasse de jour en jour, et que l’exil des natifs de la région se fait de plus en plus pressent, certains ont décidé de ne pas abandonner ces campagnes et ces montagnes qui se vident progressivement. Certains demeurent fidèles au poste. Ils sont encore là pour défier les rudesses climatiques, géographiques, économiques, sociales et humaines.
Alors comment faire pour insuffler de l’oxygène à une montagne qui crie sa solitude, ce malgré le potentiel de ses plaines et de son peuple ?
Comme beaucoup de tunisiens après le soulèvement du « 14 Janvier 2011 » et le processus révolutionnaire qui s’en est suivi pour se mettre en place dans les 24 gouvernorats de la Tunisie, certains collectifs de citoyens se sont rassemblés en association. Pour combattre ce que l’on qualifiât d’imbattable, ou au mieux d’insurmontable, à savoir la démission intellectuelle et culturelle environnante dans la montagne de Semmama, et le renoncement des autorités à changer la donne, l’association « Les Collines » a décidé d’intervenir. Avec ces membres fondateurs, Meriem Helali, Maher Ben Abbès, Wahib Ben Cherif, Adnen Helali, Dhikra Helali, et Mohamed Dabbabi.
Depuis Janvier 2012, date de sa création, avec ces différents partenaires et collaborateurs associatifs, « Les Collines » réitèrent inlassablement que les populations, « Là haut dans la montagne », ont besoin d’espace culturel, qui soit tout à la fois « club » pour les jeunes et les moins jeunes, avec tout ce que cela inclus d’animation pédagogique, éducative et même professionnelle. Afin de rester dans l’identitaire territoriale, un centre culturel de montagne paraît le mieux adapté. Pour la population de la région certes, mais également pour les visiteurs extérieurs, qui découvriront le « coin » autrement qu’en parcourant les faits divers des journaux et leurs gros titres mélodramatiques.
Ce, afin de créer une vie culturelle dans ces zones rurales oubliées, dans ce nord-ouest dépourvu d’art depuis de longues décennies, trop longtemps marginalisé alors qu’il regorge d’esprits et de talents qui attendent juste qu’on les regarde et que l’on leur prête un peu d’attention.
Comme l’explique Adnen Helali de l’association « Les Collines », le messager du flambeau fougueux du Djebel Semmama, et porteur du projet culturel du centre, « les premiers diplômés de la montagne ont étudié la littérature, l’art, la musicologie, la préservation du patrimoine. Ils sont partis travailler dans les villes ou pour vivre de petits boulots dans les installations touristiques de la côte. Mais depuis plusieurs années, ils ont décidé de revenir périodiquement quand ils le peuvent vers leur village d’origine pour essayer de le préserver du sous-développement en y créant une série d’activités culturelles, mais aussi sociales et environnementales. » Officiellement fondé par « Les Collines », celle-ci ne travaille pas seule pour le développement du centre culturel du djebel. D’autres associations et collectifs l’ont rejointe dans ce sens, et animent ce centre ambitieux à Wessaïa – Sbeïtla. Pour pérenniser temporellement et symboliquement ces activités, au poste : l’ « Association du Tourisme de Montagne », la « FTCA –Semmama : la Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs » qui y a crée un bureau, le premier dans le centre-ouest tunisien, la « Fédération Tunisienne du Théâtre Amateur », et le projet d’une association écologique qui sera prochainement fondée afin de compléter les efforts des autres associations.
Depuis 2012, les activités se sont succédées. Pour les principales et les plus significatives, quant au lieu où elles s’amplifient, nous retenons « Le Club de la Mémoire » qui vise à réaliser des documentaires sur les ruines et le patrimoine de la montagne, avec cet intérêt tout particulier à la documentation sur l’histoire et le patrimoine archéologique de la région ; les projections cinématographiques tous les dimanches qui permettent d’élargir le débat vers le 7ème art ; « Les Journées Théâtrales du Djebel », en collaboration avec la Fédération Tunisienne du Théâtre amateur (avec stages, expositions et spectacles) ; « La Chorale du Djebel », encadré par le professeur de musique Maher Helali ; la mise en place d’un tourisme de proximité et solidaire, afin de casser le système malade du tourisme de consommation de masse ; sans oublier, même en plein djebel, la réflexion intellectuelle, avec par exemple l’organisation de ce colloque essentiel sur « le Mouvement de la Résistance Tunisienne (Fallaga) », fondé au printemps 1952 par Chrayti, Jarbou’a et Lassoued dans la région.
Donnée séduisante et prometteuse pour l’avenir, l’équipe du centre envisage des collaborations avec d’autres associations dans les campagnes voisines, à Machreg Chams, à Gherablia, à Kallel. Ce, pour créer un réseau associatif actif dans le « Conseil du Djebel Semmama » pour envelopper les projets communs et les initiatives réunies de l’ensemble des régions avoisinantes.
Pour 2014, l’événement phare sera « La Fête des Bergers » à sa 3ème Edition, les 25, 26 et 27 Avril, au même centre culturel de montagne. A l’écart de toute démonstration folklorique, ce sera une juste occasion pour développer progressivement ce « concept » de « tourisme solidaire », qui pourrait englober, pour un week-end par exemple, avec cette fête, d’autres actions du centre comme la cueillette du romarin, le festival du cerf-volant, la moisson du blé, la cueillette d’Alfa, la Journée de la montagne, etc. Quoi de plus significatif pour sensibiliser l’individu à son environnement immédiat.
Partenaire l’année dernière de l’Institut Français de Tunisie, « La Fête des Bergers » aura également pour collaborateur cette année, « Les Salons de la Sorbonne », affilié à la célèbre université parisienne.
L’équipe du centre culturel de montagne ne courbe pas le dos, et continue de lutter à sa manière contre l’ignorance qui souvent sectionne et sépare les groupes d’individus. Tout dernièrement, début décembre, les grottes du mont Semmama ont entendu parler des « Ghar Boys » qui, malgré les circonstances actuelles désastreuses faisant de ces sublimes hauteurs une zone militaire avec danger de mort imminent, ont investi les grottes pour s’y faire l’écho du « rap ». Un choix très compréhensible lorsque l’on sait que le rap est toujours le message de ceux qui se sentent les plus délaissés et/ou défavorisés… Alors, depuis le 1er Décembre 2013, lancés par l’association « Les Collines » qui les parrainent, les jeunes « Ghar Boys », ou « Garçons des Grottes », enchaînent les répétitions pour raconter leur attachement à cette terre, qu’ils voudraient territoire artistique, et non pas territoire de la mort. Moktada, Helmi, Anwar et Adem, ont donc déjà fondé leur collectif. Ils seront certainement rejoints par d’autres jeunes épris par cet élan générateur d’énergies créatrices, en lieu et place du Mont Semmama.
Admirable….! S’il est vraiment une solution pour l’Afrique, c’est bien celle-là : Que les gens du “coin” s’investissent dans “leur” coin……
…..Si vous avez besoin d’un coup de main : N’HESITEZ PAS……!!!!
Plus qu’amicalement…..Imbert
[…] À quelques kilomètres du mont Chaambi, forteresse supposée du terrorisme, s’installe, depuis quatre ans, le Centre Internationale des Arts Contemporains à Kasserine, un des rares espaces culturels dans la région. Walid Khadraoui, fondateur de l’espace, a choisi de combattre la terreur par l’art dans un espace culturel privé et entièrement auto-financé. « J’ai réussi l’année dernière à avoir une subvention de 27 mille dinars de la part du ministère de la Culture. Une somme dérisoire par rapport aux immenses dépenses de l’espace. L’électricité coûte près de 2 mille dinars par mois sans compter le loyer, l’eau, la logistique, la maintenance et les salaires de mes collaborateurs… », énumère Walid en expliquant que la loi lui permet normalement une subvention annuelle pour ses activités. […]