Au bout de sa septième semaine, la contestation sociale prend un nouveau tournant avec l’arrivée du soutien de la société civile et le lancement, depuis le 27 février, d’un appel de soutien international avec les oubliés de la révolution. Malgré l’essoufflement des jeunes chômeurs et le silence des autorités, quelques sit-ins se maintiennent à Kasserine, Foussena, Gafsa, Jendouba, Guetar, Jebeniana, Ghar Dimaou et Kairouan.
Kasserine : le sit-in continue malgré la pression
Les jeunes chômeurs de Kasserine continuent leur sit-in devant le ministère de l’Emploi dans l’indifférence totale des autorités. Vendredi matin, les forces de l’ordre ont arrêté, vers 10h30, Mohammed Idoudi, représentant de la délégation de Foussana. Idoudi avait essayer de prendre rendez-vous, avec deux autres sit-ineurs avec un des hauts responsables du ministère pour ouvrir le dialogue. « Mais la police nous a accusé, à tort, de vouloir rentrer de force au ministère. Les agents en uniforme nous ont insulté et nous ont traité de tous les noms avant de tabasser quelques uns » explique Wajdi Khdraoui, porte parle du sit-in. Mohammed Idoudi a été libéré en fin d’après midi.
Les 23 jours de sit-in ont usé les jeunes chômeurs qui s’estiment peu soutenus par la société civile et l’UGTT. Interdits d’installer des tentes pour s’abriter du froid et de la pluie, plusieurs sit-ineurs perdent conscience au moindre effort physique. Quelques heures après l’arrestation de Idoudi, Chokri Dibaoui, ingénieur en mécanique au chômage depuis dix ans s’est évanoui. Une ambulance l’a transporté aux urgences. « Nous mangeons mal et nous ne dormons presque pas. Nous sommes très fatigués mais nous n’allons pas lâcher. Nous allons rester ici jusqu’à ce que nos demandes soient entendues » affirme Nadhem Moualehi, 30 ans, chômeur depuis 7 ans et diplômé des beaux arts.
Deux voitures de police contrôlent le sit-in depuis plusieurs jours. D’après les sit-ineurs, la police est de plus en plus agressive. « En plus des arrestations et de l’embargo fait aux militants, les policiers n’arrêtent pas de nous insulter en nous rappelant les vieilles pratiques de Ben Ali. Le chef de la police nous a même dit, estimez vous heureux qu’on vous a pas tous mis en prison. L’état d’urgence interdit les manifestations, a-t-il dit en oubliant que eux ils manifestent, occupent la Kasbah et menacent de déserter leurs fonctions en pleine guerre contre le terrorisme » s’indigne Wajdi Khadraoui.
Kairouan : Marche de trois jours à Tunis
Après trois jours de marche, huit diplômés chômeurs sont arrivés de Kairouan pour contester le chômage et la marginalisation de leur région. Rassemblés devant le ministère des Affaires sociales, ils insistent sur le caractère social de leur mouvement. « Nous avons tous plus de 35 ans et au minimum 8 ans de chômage. Nous sommes tous dans la nécessite et la plupart d’entre nous comptent des handicapés dans leurs familles » nous explique Oussema Mallat, 32 ans, diplômé en administration et communication de l’ISET de Kairouan, au chômage depuis 2008. Les forces de l’ordre ont interdit aux jeunes de rester devant le ministère des Affaires sociales. « Selon eux, la Kasbah est une zone interdite. Nous ne sommes pas nombreux et nous n’avons pas la force de résister. Je pense que nous allons rejoindre les sit-ineurs de Kasserine devant le ministère de l’Emploi ou se diriger vers le parlement au Bardo » nous dit Oussama.
Soutien de la société civile : pour la création d’une nouvelle dynamique
Le 27 février 2016, à l’initiative du Forum tunisien des droits sociaux et économiques, plusieurs associations ont lancé « un appel à la solidarité internationale avec les oubliés de la révolution tunisienne ». L’appel a été appuyé par une pétition en ligne. Parmi les premiers signataires, le Réseau Euromed, la Ligue algérienne des droits de l’homme, l’Observatoire marocain des libertés publiques et la Fédération démocratique de travail ( Maroc ). En soutien aux sit-ineurs de Tunis et des autres régions défavorisées, les ONGs signataires appellent les autorités à ouvrir le dialogue avec les jeunes chômeurs. Ils appellent, par ailleurs, au respect des droits des manifestants à la libre circulation et la liberté d’expression et de manifestation pacifique ainsi que leur droit au travail et au développement garantis par la constitution.
« Actuellement, nous essayons de réunir tous les mouvements afin de créer une dynamique nationale tout en respectant la spécificité de chaque région. Nous sommes à notre troisième réunion avec les jeunes de Kasserine, de Gafsa, de Jendouba et de Kairouan pour qu’ils s’entraident et unifient leurs actions. L’appel est ouvert à toutes les régions ainsi que les composantes de la société civile pour soutenir le mouvement et imposer au pouvoir le dialogue » a déclaré Alaa Talbi, directeur exécutif du FTDES.
lundi 7 mars à Gabes, Borhen Guesmi, militant de la société civile, comparaitra devant le tribunal de cassation après avoir été condamné à un an de prison ferme en première instance. Avec 29 jeunes militants, il est accusé de trouble à l’ordre public suite au mouvement social de janvier 2016. D’après le FTDES, une dizaine d’avocats y compris Radhia Nasraoui, Ayachi Hammami et Abdenacer Ayouni seront à la barre pour réclamer la relaxation de tous les détenus.
Il ne faut pas “prendre des vessies pour des lanternes” ou voir des mirages partout dans le désert: On ne peut pas appeler “contestation sociales” les sit-in de quelques groupes de jeunes qui ne constituent pas une classe sociale; surtout quand ils ne travaillent pas. Comme on ne peut pas aussi appeler “contestation sociale” un appel de soutien à des ONG aux motivations très douteuses, ou même à la société civile; cet ensemble floue d’associations qui brillent par leur passivité; et qui ne savent faire que diffuser des appels à l’aide et signer des pétitions bidons. Ces jeunes désœuvrées qui protestent pour tout et rien, qui se fatiguent vite, et dont certains de leurs meneurs sont au chômage depuis 7ans, sont en fait des enfants gâtés. Le travail existe, dans le bâtiment, et dans l’agriculture et beaucoup de régions, mais ces “jeunes toutous” veulent un travail facile ou peu fatiguant (comme dans l’administration publique). Le militantisme ne se réduit pas à lancer des slogans vides, ou a revendiquer à l’état qui n’est plus “une vache à lait”, de satisfaire non des besoins concrets et légitimes, mais des gâteries de petits enfants? La révolution c’est pas du bruit pour rien.