Contrairement à son premier coup d’Etat de 1987 et à la différence de la majorité des coups d’Etat fomentés de par le monde, le second coup d’Etat de Ben Ali a été annoncé publiquement en 2002, préparé au su et au vu de la population d’une part, et a reçu le blanc-seing, -en l’espèce leur soutien plus ou moins tacite, -des grandes puissances

Contrairement à son premier coup d’Etat de 1987 et à la différence de la majorité des coups d’Etat fomentés de par le monde, le second coup d’Etat de Ben Ali a été annoncé publiquement en 2002, préparé au su et au vu de la population d’une part, et a reçu le blanc-seing, -en l’espèce leur soutien plus ou moins tacite, -des grandes puissances, France en tête, sans l’aval desquelles aucun dictateur africain ne joue sa destinée, et dont les représentants ne cessent d’asséner sur tous les tons que le peuple tunisien serait, somme toute, éternellement mûr pour la dictature.

Car ce qui adviendra le 24 octobre n’a rien à voir avec une élection, un « scrutin », ou une consultation électorale. Il ne s’agit plus de dénoncer une « mascarade », même si elle se trouve être dans ce pays l’énième élection présidentielle remportée à 99% des suffrages officiellement exprimés. Le boycott n’est pas une « opération » dans tous les sens du terme. Peu importent les résultats du scrutin, le décompte des voix. Ce qui est réellement en jeu, dans le fait d’appeler ou non au boycott de cette échéance, ce n’est évidemment pas de tenter d’affaiblir un score insensé, c’est de légitimer ou non ce coup d’Etat.

La démonstration du caractère illégal, putschiste de l’opération a été réalisée magistralement par un collectif d’avocats et de militants [1]. Reste maintenant à adapter la seule réponse politique qui s’impose, le boycott, comme la résistance d’un peuple en danger face à la paupérisation, l’absolutisme, le nihilisme, l’amnésie et la mise à mort, préparées par dix-sept ans de dictature policière.

L’appel au boycott est en lui-même un acte de résistance, un appel au refus, une manifestation d’insoumission, un acte d’insubordination de citoyens en passe de devenir des sujets, gouvernés sur la base d’un arsenal antiterroriste faisant désormais office de loi fondamentale [2]. Il participe du mouvement massif encore à construire, qui jettera Ben Ali et le système-parti-Etat qu’il symbolise aux oubliettes de l’histoire.

L’appel au boycott d’un scrutin dont les circonstances de l’avènement ont signifié le 2 avril 2002 l’enterrement d’une Constitution acquise il y a un demi-siècle dans le combat contre la puissance coloniale, ce boycott implique par sa simple formulation l’appel à jeter les bases d’une seconde République, née d’une instance provisoire gouvernementale indépendante de tous les éléments du parti-Etat actuel, à laquelle reviendra le rôle, sur mandat populaire, de faire procéder à des élections libres, la première élection d’une assemblée constituante souveraine, un authentique « barlaman tounsi » enfin, au sens où sa légitimité lui aura été conférée par les citoyens, et non par Bush, Chirac ou Berlusconi.

notes :

[1] Un recours en annulation du référendum a été déposé par Maître Abdelwahab Maatar auprès Tribunal Administratif, contre l’usurpation par le Président de la République, (rendue possible par décret présidentiel), de la compétence du Parlement pour organiser une telle consultation.

[2] Les pièces maîtresses de cet arsenal sont les amendements au code Pénal (art 52 bis) et au code des Procédures pénales (art 305) de 1993, l’article 123 du code de justice militaire visant les actions terroristes commises à l’étranger remis à l’honneur, et, enfin, la loi-antiterroriste adoptée au lendemain du dernier acte de dépeçage de la Constitution, le 10 décembre 2003