L’ONU a décidé de tenir son Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) en Tunisie, du 16 au 18 novembre. Depuis, mobilisations et répression alternent sans discontinuer.

Dès le mois de février, l’annonce de la présence au Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) du Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a enflammé les universités. Les manifestants furent violemment réprimés, voire torturés. Un avocat, Mohammed Abbou, auteur de deux articles sur Internet, était kidnappé et condamné à plus de trois ans de prison. Les entraves à la liberté d’association se multiplièrent. La police procéda à l’arrestation et à la torture de plus d’une centaine de jeunes, inculpés en vertu de la loi antiterroriste de 2003, et qui ont rejoint en prison les cinq cents détenus politiques qui y croupissent, depuis quinze ans pour une partie d’entre eux. Des procès se sont succédé, visant une nouvelle génération, celle qui accède à la politique et qui se radicalise, essentiellement sur la question irakienne.

Le printemps fut marqué par la mobilisation inédite, massive et longue du barreau, qui occupa la Maison des avocats, à Tunis, pour réclamer la libération de leur confrère. L’été fut celui des grèves de la faim dans les prisons. Les détenus d’opinion ont politisé leur mouvement, transformant leurs traditionnelles revendications, individuelles et matérielles, en une seule exigence : leur libération immédiate.

L’approche de la tenue du SMSI a suscité de nouvelles mobilisations. Passée la dénonciation de la tenue de ce sommet dans un pays où aucune information ne circule, sinon celle de la dictature, la nécessité de saisir l’opportunité de la venue en Tunisie de délégations mondiales s’est imposée pour entrer en lutte. Le 18 octobre, huit dirigeants d’associations ou de partis politiques déclenchaient une grève de la faim illimitée pour les libertés d’association, de presse et pour la libération des prisonniers politiques, suscitant une large solidarité nationale et internationale. Le pouvoir a laissé faire, se contentant de réprimer les composantes de la société civile qui leur exprimaient leur sympathie (interpellations, tabassages).

La campagne pour la libération des internautes de Zarzis connut un second souffle(1) . Enfin, une nouvelle génération, décidée à en découdre, orpheline de représentants politiques, a initié un mouvement permanent de protestation, une manifestation en ligne(2) aux cris de « Ben Ali, yezzi ! » (« Ben Ali, Basta ! »), le départ de Ben Ali étant la condition sine qua non de la réalisation des revendications démocratiques.

Reste que la dictature ne vacillera pas si le mouvement de sympathie envers les grévistes ne se transforme pas en un mouvement de lutte pour leurs revendications, qui sont celles de tous, et si l’unité exceptionnelle qui a prévalu dans ces mobilisations n’est pas mise au service d’une coordination entre toutes ces initiatives. À nous tous d’œuvrer pour que cette grève ne soit pas celle de la fin, mais celle du début de mobilisations d’ampleur permettant d’en finir avec la dictature.

Luiza Toscane

Source : Rouge n°2133

(1) www.zarzis.org
(2) www.yezzi.org