Sans l’annoncer officiellement Le FDTL (Forum Démocratique pour le Travail et les libertés) semble de plein fouet dans la campagne pour les élections présidentielles de 2009. Le Dr Mustapha Ben Jaafar secrétaire général et candidat non déclaré du Parti a multiplié les déclarations d’intention dans ce sens sans expliquer ce qui retient le parti de prendre une décision officielle sur le sujet et mettre fin à toutes les spéculations.

L’annonce de cette « possible » candidature a été rendue publique par M.Hedi Jileni (porte parole du FDTL en France) depuis mi-novembre dernier lors d’une réunion organisée par le candidat du Mouvement Ettajdi M. Ahmed Ibrahim, et rapportée par Sami ben Abdallah dans son blog.

Confirmée par Le Dr Mustapha Ben Jaafar lui-même dans une interview publiée par suiss-info et reprise en affiche pour la première page du journal Mouatinoun dans son numéro du 10 décembre dernier. Le journal Jeune Afrique lui consacre la couverture de son dernier numéro de son édition consacrée à la Tunisie.

Il y a juste un mois, dans un éditorial du journal du FDTL (“Mouatinoun” N° 79 du 5 novembre 2008), Dr Khélil Ezzaouia, le numéro deux du parti et proche du Dr Mustapha Ben Jaafar écrivait sous le titre « ELECTIONS DE 2009 : QUEL OBJECTIF ?» :

« Il ne doit pas s’agir d’une bataille d’un parti ou d’une chapelle mais d’un mouvement d’ensemble en vue de changer réellement les choses. Si on nous donnait le choix entre une ouverture politique et une possibilité de candidature libre dans le contexte actuel, je pencherai sans hésitation vers la première.

La place d’un candidat de l’opposition aux présidentielles est actuellement peu enviable pour qu’elle donne lieu à tant de polémiques stériles. Il ne s’agit pas de soutenir ou de contrer tel ou tel (le) candidat(e), mais de rassembler pour une bataille démocratique que l’opposition doit mener en harmonie même si elle ne s’accorde pas sur un ou une candidate. L’enjeu est ailleurs que dans le leadership (quel leadership avec 0 ou 1 et quelque pour cent ?)…

Arrêtons donc de nous emmêler les pieds et les mains autour de telle ou telle option personnalisée et soyons à la hauteur des défis en mettant en marche un véritable rassemblement pour des élections démocratiques quelles que soient nos divergences et nos objectifs partisans pour ces prochaines élections. Les élections de 2009 sont presque derrière nous si nous ne savons pas engager une bataille commune en vue de redonner l’espoir au pays. »

Au point où nous sommes aujourd’hui, n’est-il pas légitime de se demander sur la cohérence de logique qui fait que cette « place d’un candidat de l’opposition aux présidentielles actuellement peu enviable pour qu’elle donne lieu à tant de polémiques stériles » devient en moins d’un mois un objectif prioritaire pour le FDTL et son candidat.

Reconnaissant qu’elle ne peut représenter aucun enjeu électoraliste ni pour lui ni pour son parti le Dr Mustapha Ben Jaafar qui a déclaré à Suiss.info qu’il ne croit pas à un dernier mandat pour le président Ben Ali, en dépit des dispositions actuelles de la constitution, justifie sa candidature ainsi : « La loi dit qu’il faut être élu, et je le suis. Mes pairs du FDTL m’ont choisi en tant que numéro un du mouvement. Je suis donc habilité à me porter candidat à la candidature pour l’élection présidentielle 2009 dans le strict respect de la loi. »

Il est certain que les Dispositions dérogatoires introduites par l’article 2 de la loi n° 2008-52 du 28 juillet 2008 à l’article 40 de la constitution relatif aux conditions de candidature à la Présidence de la République ne précisent pas une forme déterminée d’élection à la charge de premier responsable des partis d’oppositions.

« A défaut de remplir la condition de présentation du candidat prévue au troisième alinéa de l’article 40 de la constitution, peut se porter candidat à la Présidence de la République, à titre exceptionnel pour les élections présidentielles de l’année 2009, le premier responsable de chaque parti politique, qu’il soit président ou secrétaire général ou premier secrétaire de son parti, à condition qu’il soit élu à cette responsabilité et qu’il soit le jour du dépôt de la demande de sa candidature, en exercice de cette responsabilité, et ce, depuis une période qui ne soit pas inférieure à deux années consécutives depuis son élection à cette responsabilité. »

Les débats consacrés à cet amendement au sein du parlement ont consacré une interprétation largement diffusée par les médias et reprise par les candidats concernés eux-mêmes d’après laquelle l’élection à cette charge doit procéder d’un congrès tenu par le parti. Le parti du Dr Ben Jaafar ainsi que le parti des Verts pour le progrès de Mr M Khammasi n’ont jamais tenu de congrès depuis leur légalisation et ont été considérés de ce fait exclus du domaine de la dérogation.

En Clair, le débat qui anime actuellement le Forum démocratique dépasse la simple intention déclarée de candidature de son secrétaire général aux élections présidentielles de 2009 mais vise un changement total de stratégie en cherchant à dépasser une opposition ferme et résolue à la dérive sécuritaire que connaît actuellement le pouvoir pour accroître la pression en faveur d’une ouverture vers de nouveaux issues. Il est clair aussi qu’un tel changement de stratégie ne peut découler du simple constat de la situation actuelle de devisions et de crise que connaît actuellement l’opposition et qui a largement porté atteinte à cette stratégie.

En dehors d’un compromis avec le pouvoir, la candidature du Dr Ben Jaafar n’est qu’un remake de la tentative décriée de Me Najib Chabbi de se porter candidat au nom du parti démocrate progressiste malgré son exclusion sur le principe de la souveraineté de chaque parti de décider de son propre candidat à ces élections. D’un autre coté, et indépendamment des réserves qu’on peut avoir sur la personne ou sur la voie engagée par ce dernier, il serait injuste de ne pas lui reconnaître sa contribution à dévoiler l’aspect purement formel de ces élections d’après le scénario préparé à l’avance par les conseillers du président Ben Ali pour en faire un simple plébiscite consacrant l’autoritarisme et l’unanimisme ordinaire ambiant.

Sérieusement écorchée dans leur crédibilité par la campagne du candidat exclu du PDP (Parti démocrate progressiste), les élections présidentielles de 2009 n’ont pas seulement perdu beaucoup de leur intérêt à l’intérieur mais elles sont devenues un fardeau difficile à supporter telles qu’elles sont, même pour les soutiens les plus inconditionnels du régime tunisien en Occident. L’entrée en lice d’un quatrième homme en la personne du candidat du FDTL « à la fois ferme et pondéré, ce professeur de médecine formé en France et fondateur du syndicat des médecins hospitalo-universitaire et probablement l’homme le plus respecté sur la scène politique actuelle » face au président Ben Ali « donnera à la prochaine présidentielle un tout autre relief par rapport à celles qui l’ont précédée » écrit A Barrouhi sur Jeune Afrique cette semaine. Cette analyse doit rejoindre sans doute quelque part celle que font beaucoup d’hommes au sein même du pouvoir.

Sans préjugés préalables, l’entrée dans la course de Mustapha Ben Jaafar même si elle n’a qu’un effet symbolique sur la compétition peut constituer en elle-même une ouverture vers des horizons sans lesquels aucun renouveau politique ne peut réussir en Tunisie aujourd’hui. Le Forum démocratique après la cooptation du député Mustapha Bouaouaja dans ses instances dirigeantes a déjà pris pied au parlement et occupe aujourd’hui une position dans le paysage politique qui peut l’habiliter, indépendamment de son poids à jouer un rôle déterminant dans son évolution.

Yahyaoui Mokhtar – Tunis le 18 décembe 2008