Le contribuable tunisien, même sans le savoir, aime son Président et ne semble rien lui refuser. Ce qui permet à notre président de faire quelques folies. La dernière en date, lui a été livrée le 12 décembre dernier. Sa récompense pour avoir répondu aux appels des tunisiens de se représenter pour un 5e mandat à la tête du pays; un cadeau à la hauteur des sacrifices qu’il a consenti pendant les 22 dernières années : Un nouvel avion présidentiel.

Le nouvel avion de la présidence de la République tunisienne photographié le 19 décembre 2009 à l’aéroport Toulouse-Blagnac avant son décollage pour la Tunisie. Crédit photo : Terence Li. www.airliners.net.

Mais attention, pas n’importe quel avion : Un Airbus A340, flambant neuf, dans l’une de ses plus chères versions. Avec 68 mètres de long et 63 d’envergure, le modèle A340-541HGW (pour « High Gross Weight »), est un quadrimoteur qui peut franchir 16 700 km sans ravitaillement et peut décoller avec une masse maximale de 380 tonnes. Ça en fait des “choses” à transporter !

Un bijou qui figure au catalogue d’Airbus pour la modique somme de 237 M$, mais dont la version “VIP”, celle commandée par notre Président, peut atteindre les 300 M$ , soit près de 400 millions de nos Dinars. A ce prix, on comprend mieux les raisons pour lesquelles cet achat n’a pas fait la une des organes de propagande officielle. Il y a des moments où il faut avoir la dépense discrète.

La discrétion, n’a pas suffit à garder cette nouvelle acquisition au secret trop longtemps. Très vite, l’image de l’avion, estampillé “Présidence de la République Tunisienne”, a fait son apparition sur les sites d’amateurs de photographie aéronautique, les mêmes qui avaient permis au blogueur, Astrubal, de retracer les péripéties de l’ancien avion présidentiel. Encore une fois, la magie d’internet a opéré et l’image s’est retrouvée sur le net tunisien à travers Facebook et Twitter.



Quelques exemples de Tweets évoquant le nouvel achat présidentiel. Traduction (2e tweet): “Durant la visite de Sarkozy en 2008, Airbus a vendu 19 avions à la Tunisie dont un pour Ben Ali

Mais, au fait, notre Président, a-t-il besoin d’un nouvel avion ? Qu’en est-il de son Boeing 737, compagnon de ses voyages officiels et officieux ? Est-il trop vieux pour voler en toute sécurité ? En y regardant de plus près, on découvre que l’ancien coucou présidentiel ne vole que depuis le 20 août 1999, date de sa livraison, encore une fois, flambant neuf et en configuration “VIP”. Une dizaine d’années d’une exploitation plutôt occasionnelle lui donnait au moins deux décennies d’expoitation devant lui. Quelle mouche a donc piqué notre Président ?

La flotte de la présidence de la République comporte deux avions qui ont une moyenne d’age de 6,5 années tous deux en configuration “VIP”. Source : www.planespotters.net

La réponse nous viendrait peut-être de nos voisins algériens. En effet, en juin 2008, Airbus a livré le même model dans une configuration moins garnie, à la présidence algérienne qui en a fait commande 6 mois plus tôt. Pendant sa visite en Tunisie en février 2008, le président Bouteflika, aurait-il attisé la convoitise de notre président en vantant les mérite du nouveau joujou qu’il venait de commander ?

Et puis, le président algérien n’est pas le seul séduit par cet avion. Son homologue français, Nicolas Sarkozy a failli succomber aux paroles de Louis Gallois, président d’EADS qui lui conseillait un Airbus A340 avec un argument qui parle : « un quadrimoteur, ça en jette tout de suite plus ». Finalement le président français à du se rabattre sur un A330 d’occasion.

Mais l’idée a fait son chemin et l’argument de Louis Gallois a dû servir pendant l’accord pour une commande ferme de seize avions ainsi que trois options, dont une sur celui de la présidence, à l’occasion de la visite du président Nicolas Sarkozy en Tunisie en avril 2008. Quelques mois plus tard, l’avion présidentiel sortait des chaines de montage d’Airbus comme l’atteste sa date de fabrication. Mais il a fallu la visite du premier ministre, François Fillon, pour confirmer l’option mise sur l’avion. Sept mois plus tard, l’avion quittait les hangars de l’aéroport Toulouse-Blagnac.

Mais, en fin de compte savoir comment cela s’est passé ne répond pas à notre question : pourquoi un nouvel avion ? Il est fort à parier que, ni le parlement, qui a déjà voté cet achat, ni la Cour des comptes qui ne touche jamais aux comptes de la présidence, ne répondront à notre question. Car, la seule explication plausible est celle d’un caprice du Président. Après les millions de dinars dépensés pour la mascarade qui a mené à sa réélection, cette nouvelle dépense faramineuse, pour se donner une image qui “en jette“, est une preuve supplémentaire de sa mégalomanie.

Malek Khadhraoui Aka Punica Fides
www.nawaat.org