Uncategorized
Le général Rachid Ammar lors de sa visite au manifestants de la Kasbah le 24 janvier 2011. REUTERS/Zoubeir Souissi

Par Salah Kedidi

Cher Monsieur Abousouleymen Khaled Haddad

J’ai lu votre article du 28 janvier adressé au Général Rachid Ammar, intitulé « Non mon Général », et comme vous pouvez le constater il ne m’a pas laissé indifférent.

L’attitude du Général inspire plus que le respect. Elle suscite l’admiration. Comme vous l’avez mentionné, il s’est « … exposé à une traduction immédiate devant la Cour martiale, peut-être même à une sentence fatale sans procès …Cela n’était pas à la portée de tous … », il a «su» et il a « pu dire NON »

A mon avis, l’intervention du Général à La Kasbah n’a été ni « une incursion dans l’arène politique » ni une intervention dans « le débat politique ». Je la qualifierai d’un conseil d’un Sage, car comme on l’a souvent répété, la première victime d’une révolution est la plupart du temps celui qui l’a provoquée. Dans le cas de notre pays, c’est le peuple.

Je comprends votre peur du premier message lancé par le Général « Nous sommes fidèles à la Constitution et nous ne sortirons pas de ce cadre… », parce que vous êtes « convaincu que de toute façon nous sommes en dehors de la Constitution de 1959… ». Il faut aussi écouter le deuxième message où il affirme « Nous sommes les garants de la révolution des jeunes et veillerons à ce qu’elle arrive à bon port… »

Aujourd’hui, trois semaines après la publication de votre article, où en sommes-nous ? Des pillages que l’on n’arrive pas à arrêter, des occupations de logements et de terrains d’autrui, des constructions anarchiques sans autorisation préalable, des étalages anarchiques de marchands ambulants qui inondent les rues de toutes les villes, des grèves sauvages, des mutineries dans les prisons, des migrants par milliers qui fuient le pays, des frontières perméables… Ajoutons à tout cela une organisation de travailleurs, l’UGTT, qui essaye de se dégager du serment qu’elle n’a cessé de faire à Ben Ali pendant des années, de le faire oublier et de se racheter en provocant des troubles et en faisant de la politique. Une « opposition » irresponsable qui ne fait que critiquer le gouvernement en place et qui ne pense qu’aux postes qu’elle va essayer de conquérir bientôt. Des commis de du RCD qui se réjouissent des tourments du gouvernement de transition et de ses faiblesses.

Alors, où allons-nous avec cette anarchie? Qui va l’arrêter et de quelle manière? Est-ce la façon que « Le Peuple tient absolument à fonder une nouvelle République de Liberté » ou de montrer qu’il « est prêt à payer le prix fort, une fois pour toutes, afin que nos enfants – et les vôtres – vivent dans une République de la Liberté où leurs énergies seront libérées ». Nous voyons clairement comment les énergies sont en train de se libérer : un vrai gâchis. Ce peuple vaillant qui a su se débarrasser de la dictature risque fort de détruire son pays par ses agissements incontrôlés. Le moment est critique Monsieur Haddad. A force de ne pas être « pressés de trouver les solutions », nous risquons le chaos total et permanent.

Il est logique d’accorder aux Partis le temps de se former. Mais je crois que la meilleure façon pour ces rassemblements de se faire connaître en ce moment crucial que vit le pays, c’est d’appeler au calme et à la raison, et de contribuer à apaiser les esprits et non pas à attiser les haines secrètes. C’est ce que j’appellerai faire preuve de patriotisme ou au moins d’appartenance à ce peuple et à son pays. Un certain “opposant historique” annonce, bien avant de rentrer au pays, qu’il est déjà candidat à la présidence et le jour de son retour il va appeler les gens à manifester, alors que le désordre a commencé à battre son plein. Quand même, un peu de sens de la responsabilité s’impose.

Il est tout à fait normal d’avoir « besoin de savoir exactement ce qui s’est réellement passé pendant les cinquante dernières années », mais nous avons besoin aussi de voir immédiatement ce qui se passe un peu partout depuis le 14 janvier.

Oui, j’admets que « la Tunisie n’est pas l’Irak», mais il faut veiller à ce qu’elle ne le devienne pas. Elle n’est pas à l’abri de dangers externes et internes. Ce dont nous avons besoin au plus tôt, c’est de la sécurité, de la discipline dans notre comportement et du civisme. C’est à notre portée. Le peuple et les esprits malveillants de l’étranger doivent être conscients que l’armée, sans interventions directes, est garante de cette révolution.

Comme vous, j’aime mon pays. Comme vous, j’aime mon peuple et comme vous, je ne peux que nous souhaiter à tous un avenir prospère. Comme vous, je suis citoyen tunisien, mais je ne serai réellement et véritablement fier de l’être que le jour où le peuple aura montré qu’il a été à la hauteur et que nous deviendrons une vraie démocratie.

Le citoyen Salah Kedidi