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Par Chedly Ben Salem.

Mes frères tunisiens et chers compatriotes, Que nous soyons de gauche, de droite ou de n’importe quelle mouvance idéologique, ce qui nous unit c’est le même drapeau, la même terre et l’espoir d’une démocratie pour notre pays. Nous avons tous participé d’une façon ou d’une autre à la révolution tunisienne, et personne ne peut se prévaloir du mérite ou de l’exclusivité ; Chacun de nous y a mis son cœur ou ses larmes et nos martyrs y ont laissés leur sang et leur vie.

Nous arrivons à un moment décisif où la réussite de notre révolution dépend de ce qui nous unit et non de ce qui nous divise, et où les responsabilités de chacun seront cruciales pour l’avenir de tous les tunisiens. L a révolution a gagné un grand défi en aboutissant à une assemblée constituante et un projet de constitution qui sera porté par le peuple. Nous avons un nouveau gouvernement provisoire et indépendant qui n’est impliqué ni avec l’ancien régime de la dictature et le RCD ni avec les prochains enjeux électoraux, avec à sa tête un homme d’honneur que vous savez au fond de vous digne de confiance. Sans être partisan de quiconque, il serait plus que difficile dans cette phase critique de trouver quelqu’un à la fois fort politiquement, sans couleur ou ambition politique, et sur qui il y’aurait un consensus général. Notre situation exige des compromis. On sait tous que ce gouvernement est temporaire, et que le plus important est l’aboutissement à une vraie démocratie où chaque tunisien pourra exprimer aux urnes ses choix pour le pays avec les premières élections libres et transparentes de l’histoire de la Tunisie.

Il n’est pas question ici d’économie, nous avons entendu nos frères patriotes à Kasserine qui disaient qu’ils étaient prêts à affronter la faim et à se départager un bout de pain, mais qu’ils iraient jusqu’au bout. Il s’agit ici du dernier obstacle pour notre révolution et qui pourrait lui être fatal, cet obstacle c’est le blocage politique. Comme vous vous en doutez bien, le gouvernement de M Caïd Essebsi est la dernière alternative avant l’armée, et ce scénario qui cacherait des mauvaises surprises et autres manipulations, sonnerait le glas à une révolution qui voulait donner la liberté aux tunisiens et à la Tunisie. L’armée est le piège tendu par les ennemis de la révolution, qui depuis le début alimentaient et finançaient les dérives, le chaos et l’instabilité pour essayer de sauver leurs intérêts corrompus, et la loi martiale sera désastreuse pour la démocratie, les échéances électorales et la Tunisie en général.

A trop vouloir protéger la révolution avec un conseil, dont le nom indique des intentions plus que louables et légitimes mais ne faisant cependant pas l’unanimité, nous risquons de prendre cette révolution en otage et de l’asphyxier. Sans une représentation majoritaire et démocratique du peuple, qu’il est impossible d’avoir dans l’immédiat, toute tentative de prendre le dessus sur la gouvernance provisoire se soldera par des conflits d’intérêts, des contestations et un blocage. La seule issue c’est de travailler ensemble et d’avancer tous dans le même sens : la démocratie. Il ne s’agit plus ici de questions de leadership, d’égos, ou d’enjeux électoraux qui pourraient s’exprimer pleinement aux urnes, mais d’un enjeu plus capital encore : réussir la transition démocratique et donc notre révolution.

Ma voix n’est pas la seule, mes craintes sont celles de tous les tunisiens, et comme vous le savez, elles sont légitimes et fondées. La Tunisie est au-dessus de nos individualités et de nos intérêts personnels et l’intérêt national exige la sortie de la crise. Actuellement nous sommes près du but et avons presque gagné notre révolution, ne ratons pas tout par un jusqu’au-boutiste politicien, dans lequel nous serons tous perdants. La Tunisie a besoin de la dignité, de l’intelligence et du sens des responsabilités de ses hommes.