Venus des zones rurales de Tunisie, des manifestants occupent l'esplanade de la Kasbah depuis dimanche. (Finbarr OReilly / Reuters)

Les médias nous imposent chaque jour un nouvel héros, un personnage qui aurait vaillamment désobéi, et ce au péril de sa vie, pour sauver la patrie.

Ce personnage, à l’image du père toujours masculin, envahit dés lors nos écrans et, encensé à outrance, devient le porteur périodique d’une révolution que nous voudrions notre mais qui n’en est pas encore une…

Dans ce tourbillon de résistants créés de toutes pièces par les fantasmes populaires, nous avons eu tour à tour :

– Le général Ammar qui aurait refusé de tirer sur le peuple.
– Le commandant Kilani qui serait resté au sol pour ne pas laisser partir le clan Trabelsi.
– Maitre Laouini qui aurait bravé le couvre-feu pour crier sa joie.
– Farhat Rajhi qui se serait mis à dos les hauts gradés du M.I. pour le bien de l’Etat
– Mehrez le policier qui aurait rejoint le peuple.
– Et aujourd’hui nous avons Samir Tarhouni qui aurait pris l’initiative d’arrêter les Trabelsi à l’aéroport Tunis-Carthage.

Assujettis durant plus de 30 ans, et sous estimant notre droit et notre faculté à relever la tête, nous avons créé des héros, des leaders…de nouveaux patriarches.
Nous avons applaudi, admiré, aimé ces Hommes et leur désobéissance civile que nous avons assimilé à un courage qui nous aurait fait défaut.

Cependant, est-ce vraiment ces magistrats, militaires et autres agents des forces de l’ordre qui se sont soulevés ?

Qui a réellement dit “non” ?

N’est pas ce jeune adolescent qui durant toute la nuit, malgré le sifflement des balles, protégeait son quartier, cette femme et son enfant qui ont dormi à la Kasbah alors que l’état d’urgence interdisait la réunion de plus de trois personnes, ce père de famille qui a fait grève alors que son patron, homme d’affaires véreux l’attendait au bureau, ou cet employé qui a renvoyé son supérieur corrompu…

L’homme qui a dit “non” ce n’est ni Ammar, ni Tarhouni, c’est le Tunisien, c’est elle, lui, nous ! Arrêtons de croire que nous avons besoin d’un héros pour réussir ce que nous avons commencé. Les mouvements de décembre, janvier et février étaient des mouvements populaires spontanés, sans politiciens, ou autres meneurs avides de pouvoir.

L’Homme qui a dit “non” c’est toi…il te suffit juste d’agir, et d’arrêter de dire “oui”.