Aux "portes" du camp, se trouvent quelques cafés où les migrants peuvent acheter des boissons et des sandwich. Crédit image : Sana Sbouai - www.nawaat.org
Aux “portes” du camp, se trouvent quelques cafés où les migrants peuvent acheter des boissons et des sandwich. Crédit image : Sana Sbouai – www.nawaat.org

Le camp de Choucha est encore ouvert pour quelques mois mais en juin 2013 il fermera. D’ici là la plupart des personnes ayant le statut de réfugié et ayant bénéficié d’un programme de réinstallation seront parties. Restera à régler la situation des réfugiés non réinstallés et celle des personnes déboutées.

Lors d’une conférence de presse à l’occasion de la journée des migrants, au mois de décembre dernier, Adellatif Hedhlil, du Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux déclarait que : « La situation du camp de Choucha est aussi bien un problème humanitaire que juridique. Si le UNHCR s’est retiré le gouvernement tunisien doit prendre la relève. » Quand les infrastructures du camp seront démontées et qu’il fermera, il restera environ 600 personnes vivant sans cadre juridique précis en Tunisie. Pour celles bénéficiant du statut de réfugié elles seront toujours de la protection du UNHCR et seront accompagnées, pour celles déboutées la situation sera plus compliquée.

Selon les chiffres du UNHCR au 28 décembre 2012 il restait environ 1357 personnes dans le camp. Sur ces 1357 personnes, 212 étaient des migrants déboutés, 1023 des réfugiés et 22 des personnes demandeurs d’asile.

Par ailleurs environ 200 personnes du camp se sont déplacées par elle-mêmes et ce sont installées à Ben Guerdane et à Zarzis où elles vivent avec la population tunisienne et survivent par leur propre moyen.
« C’est important car c’est ainsi que l’on lutte contre les apriori que la population peut avoir sur les migrants et les réfugiés » explique Mathilde Tiberghien du HCR.

Il y a donc, de facto, un début d’acceptation de la présence de la population de migrants. Ce qui est une bonne chose au vu du fait qu’il reste une population résiduelle de 400 personnes, c’est à dire 400 réfugiés n’ayant pas pu bénéficier du programme de réinstallation et qui sont amenés à rester en Tunisie. Ces personnes restent sous le mandat du HCR et sont accompagnées afin de pouvoir être autosuffisantes en Tunisie, de pouvoir trouver un logement, subvenir à leurs besoins, aller à l’école pour les enfants… « Quatre vingt dix réfugiés ont d’ailleurs commencé fin décembre une formation professionnelle à Gabés et Ben Guerdane. Dans ces cas là nous nous sommes retrouvés face à une administration volontaire, qui a voulu aider ces réfugiés. Ils peuvent ainsi recommencer à penser à leur vie, à leur futur » explique Mathilde Tiberghien du HCR. Un pas d’ouverture de la part de l’administration, qui, au quotidien, essaie de trouver des solutions, en attendant que les autorités tunisiennes prennent des mesures.

Car un cadre légal pour les personnes réfugiées serait une sécurité pour ces personnes qui dépendent du bon vouloir du gouvernement. Pour l’instant acceptés, ces réfugiés ne sont pas protégés. Et même si jusqu’à présent la Tunisie n’a pas eu de politique d’expulsion, le gouvernement actuel peut changer d’avis, tout comme le prochain gouvernement peut décider de ne pas continuer avec la même politique « d’accueil ».

Dans son rapport sur l’année écoulée dans le camp La situation des réfugiés du camp de Choucha  le FTDES recommande aux autorités tunisiennes la mise en place d’un statut juridique stable pour toutes les personnes vivants dans le camp, qu’elles aient ou non le statut de réfugié.

En effet en plus des réfugiés non réinstallés les autorités tunisiennes doivent se pencher sur le cas des personnes déboutés, dont la situation est encore plus précaire. Elles se déclarent en danger dans leur pays d’origine, mais suite à l’examen de leur dossier, leur demande de statut de réfugié n’a pas été acceptée. Elles ne répondraient pas aux critères de la Convention de 1951.

Le rejet des dossiers de ces migrants ne signifie pas qu’ils sont abandonnés à leur sort. L’UNHCR et l’OIM ont travaillé afin de permettre aux personnes déboutées d’effectuer un retour volontaire dans leur pays d’origine, une manière de permettre à ces migrants de rentrer chez eux dignement et de ne pas se retrouver dans l’illégalité en Tunisie. En effet les autorités tunisiennes se sont positionnées lors d’un séjour d’une délégation inter-ministérielle en novembre 2012. Mohamed Monzer Belghith, représentant du Ministère des Affaires Sociales a alors déclaré « Leur présence (des personnes déboutées) sur le territoire tunisien est considérée comme irrégulière et nous les encourageons à profiter du programme d’appui au retour volontaire mis en œuvre par l’OIM afin qu’ils puissent rentrer chez eux en toute dignité et dans le respect des droits de l’homme » selon un communiqué émis à cette occasion. Le programme de retour volontaire permet au migrant de bénéficier de la prise en charge d’un billet d’avion, de l’octroi d’une aide pour le voyage à l’intérieur de la Tunisie, de l’émission des documents de voyage pour les personnes en ayant besoin et d’une aide matérielle de 700 dollars accordée à chaque personne afin de l’aider à mettre en place une structure pour travailler…. Mais le fait est que ces migrants ne veulent pas retourner dans leur pays d’origine car ils s’y disent en danger. Certains d’entre eux ont quitté leur pays d’origine il y a longtemps, ont construit une vie en Libye après avoir fuient des conditions de vie difficile. Dans ces conditions on comprend pourquoi ils demandent au HCR le réexamen de leur demande de statut de réfugiés. Ce qui ne peut être fait, la procédure d’appel ayant déjà été suivie.

Pour le FTDES la situation dans le camp est critique «  Il y a des gens enfermés et à qui ont déni des droits (…) il y a des gens qui n’ont pas de statut juridique en Tunisie et qui n’ont pas d’endroit où aller (…) c’est une politique d’expulsion et de rejet des immigrés qui s’applique en Europe et qui s’applique également en Tunisie » expliquait Nicanor Haon du FTDES, lors de la conférence du FTDES.

Le temps passe, le camp finira par fermer, les autorités tunisiennes devront alors trouver une solution pour les quelques migrants encore présents sur le territoire et qui n’ont pas pu bénéficier du statut de réfugié mais qui ne veulent ou ne peuvent pas rentrer dans leur pays d’origine. Car si ils ne sont pas accueillis en Tunisie, qu’ils refusent de rentrer chez eux, qu’ils ne s’embarquent pas pour l’Europe sur des bateaux clandestins, alors un des scénarios à craindre pour les migrants serait celui de reconduite à la frontière libyenne, au milieu du désert, balancés vers un pays instable où des milices enferment dans des prisons clandestines les immigrés subsahariens, accusés d’avoir appartenu aux troupes de Kadhafi.

Et si les autorités tunisiennes ne veulent pas légiférer, elles peuvent toujours délivrer des permis de séjour. Après tout ne devrions nous pas appliquer ici ce que nous exigeons des autres pays ? Beaucoup de nos dirigeants actuels ont été accueillit par des pays étrangers quand ils se sentaient menacé en Tunisie, pourquoi ne pas appliquer la tradition de l’hospitalité à notre tour ?

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