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L’affaire Weld 15 se poursuit mardi 25 juin devant le tribunal de première instance de Tunis. La condamnation à deux ans de prison ferme du rappeur a suscité l’indignation. En comparaison à d’autres arrestations dans différents pays pour des chansons, la Tunisie se démarque par la sévérité de son jugement.

Tunisie – El General emprisonné trois jours en décembre 2010

El General

De son vrai nom Hamada Ben Amor, le rappeur de 33 ans s’est fait connaître avec sa chanson Rais Lebled sortie en décembre 2010. Originaire de Sfax, il dénonce l’état policier de Ben Ali dans plusieurs de ses chansons dont Tounes Bledna qui lui vaut une arrestation à Tunis. Il est relâché après trois jours d’interrogatoire alors que la révolution tunisienne s’étend dans tout le pays. Bien avant la révolution, la ridiculisation de l’institution policière fait partie de la rhétorique des rappeurs qui n’hésitent pas à dénoncer la répression policière tout comme la violence :

«Je vois les flics/Taper sur des femmes voilées/Est-ce que tu accepterais ça pour ta fille ? /Ce que je raconte est malheureux/Puisque tu es un père/Et que tu ne voudrais aucun mal pour tes enfants 13/Alors dis-toi que ce message/T’es adressé par un de tes enfants/Nous vivons dans la souffrance/Comme des chiens»

Les rappeurs BMG, MC Bilele, DJ Costa, Psycho M et l’Imbattable avaient été également arrêtés puis relâchés aussi lors des premières contestations de la révolution.

Maroc – Mouad Belghouat alias El Haqed condamné à un an de prison ferme

Mouad Belghouat alias El Haqed

Le rappeur marocain Mouad Belghouat, a été arrêté le 9 septembre 2011 pour « coups et blessures » sur un manifestant. Très engagé dans le mouvement du 20 février, le rappeur est soutenu par de nombreux militants du mouvement mais il sera condamné le 15 janvier 2012 à quatre mois de prison, qu’il a déjà effectués depuis son arrestation, il est donc relâché. Il est arrêté de nouveau en mars 2012 et accusé cette fois «d’outrage à un officier public dans le cadre de ses fonctions ». Ce dernier procès rappelle l’affaire Weld 15 puisque le rappeur est en fait poursuivi pour une de ses chansons dans laquelle il dénonce la police marocaine et sa corruption. Sa chanson, curieusement, s’intitule « Klab Dawla » (Les chiens de l’Etat) . Dans le clip de sa chanson, un des policiers a même la tête d’un âne. Âge alors de 24 ans, il purge un an de prison ferme et sera relâché le 29 mars 2013. A l’époque les ONG et la société civile dénoncent un procès « contre la liberté d’expression ».

France – Kool Shen et Joey Starr condamnés à trois mois de prison ferme

Kool Shen et Joey Starr

Les deux chanteurs du groupe français NTM (Nique Ta Mère) sont condamnés à six mois de prison dont trois ferme et une interdiction de chanter sur le territoire français pendant six mois. A l’époque, la sévérité du jugement fait polémique. Ces rappeurs ont insulté la police en direct via le « concert des libertés » à la Seyne-sur-Mer. Les deux rappeurs de leurs vrais noms Bruno Lopes et Didier Morville, ont crié sur scène :

« Nique ta mère, je nique la police, j’encule et je pisse sur la justice, assurent un peu vivement les deux hommes. Où sont ces enculés de bleus et la justice qui nous emmerdent toute l’année? ».

La peine sera finalement atténuée en appel en juin 1997, et Kool Sheen et Joey Star devront finalement payer 50 000 francs d’amende et ont été sanctionnés de deux mois de prison avec sursis.

France- Abdul X condamné par deux fois à des amendes

Abdul X

La chanson « Tirez sur les Keufs » d’Abdul X crée des remous en France le 11 août 2010. Publiée sur les réseaux sociaux, cette chanson peu connue au départ, a des paroles très explicites

” Une balle dans sa race, une balle dans sa race. Tirez sur les keufs et sur le comico. Gros big up à nos reufs qui sont en GAV, qui sont au carpla à cause de tous ces tardba.”

La chanson suscite la colère du syndicat de la police qui demande à Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur à l’époque, de porter plainte pour outrage et injures. Le Ministre s’exécute estimant que le clip « constitue un véritable appel à la violence et, pire encore, un appel au meurtre ». Pascal Henry alias Abdul X est condamné le 7 mai 2011 par le tribunal correctionnel de Paris. L’homme dit avoir écrit la chanson quand il avait 15 ans après une garde –à-vue où les policiers l’auraient traité de macaque. Il s’excuse publiquement pour sa chanson mais il sera condamné à une amende de 200 euros. Il est relâché pour « faits d’injure » mais condamné pour « provocation à la commission d’atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité ».

Le 8 novembre 2012, le rappeur est de nouveau condamné à une amende de 3000 euros pour « injure publique envers l’ancien ministre de l’intérieur » contre qui il avait proféré des insultes. Par contre il est relaxé pour les paroles d’une autre de ses chansons sur la police « Tu sais qui on est » car le tribunal considère que

“malgré le caractère volontairement provocateur et grossier de ses propos ( …), ils ne dépassent pas les limites autorisées de la liberté d’expression dans un genre musical connu pour une certaine forme d’outrance”.

France – Hamé (La rumeur) poursuivi pour diffamation envers la police nationale

Hamé (La rumeur)

C’est en 2002 que le rappeur Hamé du groupe La rumeur est poursuivi en justice par le Ministre de l’Intérieur pour un texte critiquant la police “Les rapports du ministère de l’Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété. » Il est pourtant relaxé par la Cour de cassation le 25 juin 2010 qui estime qu’il ne s’agit pas d’un « délit de diffamation ».

France- Ministère A.M.E.R condamné à 38 000 euros d’amende

Ministère A.M.E.R

La chanson Sacrifice de poulets est sans équivoque: « Je dois sacrifier un poulet (…) pas de paix sans que le poulet repose en paix » jugée insultante envers les policiers est l’objet d’une poursuite judiciaire engagée par le ministre de l’Intérieur pour « provocation au meurtre ». Le groupe Ministère A.M.E.R constitué des rappeurs Passi, Stomy Bugsy, Hamed Daye, Kenzy et DJ Guetch, n’en est pas à son premier scandale. Leur titre « Brigitte, femme de flic » fait polémique et Charles Pasqua, le ministre de l’Intérieur en 1993, demande l’interdiction de vente de leurs disques, sans succès. Mais le procès pour Sacrifice de poulet en 1995 débouche sur la dissolution du groupe.

Depuis,en France,la plupart des rappeurs tenant des propos insultants envers la police ou dégradants sont en général relaxés ou sont condamnés à une amende comme dans le cas de Youssoupha (2012), Orelsan (2012) pour sa chanson Sale Pute ou Hamé (voir ci-dessus).

Etats-Unis – NWA  et la censure de « Fuck tha police »

Niggaz Wit Attitudes

Diffusé en 1988, le titre du groupe américain N.W.A (Niggaz Wit Attitudes) crée la polémique jusqu’à être censuré dans plusieurs pays. Les paroles explicites dénoncent les violences entre la jeunesse noire et la police ainsi que le stéréotype selon lequel les « noirs sont des criminels ». Certaines paroles sont dirigées directement contre les policiers

« Ils ont la permission de tuer une minorité/ Nique cette merde, parce que je suis pas le genre qui se laisse/ Par un enfoiré de merde avec un badge et un flingue/ taper dessus et balancer en prison (…) Je pète la tête de cette police(…)Ces pourris de policiers sont tous effrayés/un jeune négro sur le sentier de la guerre/ et quad j’aurais fini ce sera un cimetière/ de flics morts à Los Angeles.»

En 1989, une radio australienne Triple J est censurée par l’Autralian Boradcasting Corporation après avoir diffusée la chanson. Aux Etats-Unis le FBI émet un avertissement à l’encontre de la maison de disques qui produit la chanson. Celle-ci devient néanmoins un classique du rap et elle est reprise par les plus grands encore aujourd’hui. D’autres chansons ont dénoncé aux Etats-Unis la brutalité policière, chantées aussi bien par Michael Jackson que Bruce Springsteen sans poursuites judiciaires.

Inde – Une star de rap privée de concert pour « apologie du viol »

Honey Singh

Honey Singh, le rappeur indien de 28 ans, star du rap en Inde a dû annuler ses concerts sous la pression d’organisations féministes. En effet trois jours après la mort d’une étudiant à la suite d’un viol collectif, les paroles d’une des chansons du rappeurs passent mal dans une société en deuil. Dans une de ses chansons, il fait l’apologie du viol et c’est un policier  qui porte plainte contre lui après qu’une pétition ait circulé sur les réseaux sociaux. L’auteur de la chanson a nié les accusations portées sur les paroles de sa chanson.

Iran – Shahin Najafi, rappeur iranien menacé de mort pour blasphème

Shahin Najafi

C’est finalement l’Iran qui se place en tête des pays les plus répressifs pour les rappeurs. Shahin Najafi, rappeur underground installé en Allemagne a été menacé de mort en Iran pour sa chanson « Naghi » en mai 2012. Adressée au dixième imam du chiisme, la chanson critique la société iranienne, reçoit près de 130 000 vues sur Youtube et déclenche la colère des ultras-religieux qui réclament sa tête. Il vit depuis sous protection policière même si le régime iranien ne l’a jamais officiellement condamné.