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À l’approche de l’adoption d’une nouvelle constitution et de nouvelles élections, alors qu’un consensus avait été atteint sur pratiquement tous les sujets, alors que les trois personnalités qui se partagent le pouvoir dans le pays se félicitaient de l’avancement atteint, le pays a été soudain rattrapé par l’actualité régionale, guidée par une nouvelle orientation géopolitique ; ainsi, si l’oncle Ben décide que cet élan révolutionnaire qu’a constitué le printemps arabe doit s’éteindre, et bien ainsi soit-il ! Et contre toute attente (du moins, pour certains observateurs habitués au « ainsi soit-il »), la transition démocratique, encore fragile, résiste toujours à sa mise à mort.

Relativement aux assassinats sauvages qu’a connu récemment le pays, on peut en tirer quelques conclusions :

1. L’ANC n’a rien à voir avec ces assassinats

Elle regroupe toutes les forces politiques du pays (du moins celles qui ont eu la confiance des électeurs, et donc du peuple) ; elle les regroupe de manière légale et légitime. Cette assemblée est à deux doigts de terminer son mandat : formation des différentes instances, dont celle des élections, ainsi qu’une nouvelle constitution. Et oui, dans les différentes commissions au sein de cette assemblée, loin des caméras et de Facebook, cette assemblée a réussi, malgré tout, à atteindre un certain consensus sur les différents sujets. L’état actuel du pays, s’il est utilisé intelligemment, peut permettre l’atteinte d’un consensus sur les points manquants (dans le sens : arracher d’ultimes compromis). Et il semble que les membres de la troïka soient prêts à aller très vite pour l’atteinte d’un tel consensus.

Appeler à arrêter son mandat maintenant est donc totalement irresponsable et injustifié, et correspond clairement à une attaque de la transition démocratique, et donc de l’intérêt du pays !

2. Le gouvernement, notamment le ministère de l’Intérieur ainsi que le Premier ministère, est logiquement responsable (au moins politiquement) de ces assassinats

Aujourd’hui, le mieux pour notre pays est de disposer d’un gouvernement indépendant qui soit le fruit d’un large consensus (cela passera par un Premier ministre indépendant, à l’instar des quatre ministres régaliens qui avaient fait une certaine unanimité en mars dernier). Et ce consensus doit être discuté en assemblée. Ailleurs qu’à l’assemblée, c’est ouvrir la boite de Pandore ! Les autres forces dans le pays, dont l’UGTT, devraient être consultées sur le sujet. Et personnellement, pour le bien du pays (dans le sens : continuité des affaires courantes), je garderais tous les membres indépendants du gouvernement actuel (s’ils ont toujours l’appui de l’assemblée). Aussi, puisque la loi stipule que le gouvernement doit être dirigé par une personne désignée par le parti majoritaire aux élections, rien n’empêche ce parti de désigner la personnalité indépendante qui aura été choisie par consensus.

À mes yeux, le principal atout d’un gouvernement indépendant (dont le mandat se limite à la période fixée pour les prochaines élections) serait double :

a. être totalement indépendant aux prochaines élections ;

b. surmonter politiquement les prochaines crises éventuelles (y compris, malheureusement, des assassinats) avec un appui politique et donc populaire conséquent.

3. Aller dans le sens du chaos, c’est effectivement atteindre les objectifs des tueurs !

C’est évident ! Et je ne pense pas que les deux figures politiques qui nous ont quittées, et le sacrifice de nos soldats nationaux, auraient aimé voir s’imposer ce type de scénario à leur cher pays.

4. Ne pas aller (points 1 et 2) dans le sens du chaos va frustrer les commanditaires des assassinats

Ils ne baisseront pas les bras et il faudra malheureusement s’attendre à d’autres actions barbares ! Seule une union sacrée, au niveau politique, et donc au niveau populaire, pourra résister à de telles actions.

Au-delà de l’actualité

Seule la résistance à deux principes peut sauver un pays (faible politiquement et économiquement) du chaos total :

1. résister à la division du pays (du point de vue de l’ennemi (intérieur (malheureusement) et extérieur) de la patrie, il s’agira de diviser pour mieux régner) ;

2. résister à la violence produite par l’autre (du point de vue de l’ennemi de la patrie, il s’agira alors de miser sur le fait que la violence ne peut engendrer que plus de violence).

À cela, il faut mentionner un troisième principe :

3. ne jamais considérer que la fin justifie les moyens ; quelques soient les moyens entrepris pour établir une politique, il ne faut pas qu’ils se frottent à l’intérêt national du pays, dont notamment l’atteinte aux deux premiers principes.

Les exemples dans le monde de pays qui n’ont malheureusement pas su résister à ces points, sont nombreux, dont le plus triste aujourd’hui est l’Irak : division en différents clans, riposte de chaque clan par rapport aux autres clans, aucune limite quant aux moyens utilisés. S’il n’arrête pas ce cercle vicieux, le pays va vers son autodestruction totale ! En tant qu’arabes (en tant que berbères, pour ceux qui sont très pointilleux, en tant que sudistes, en tant que sous-développés, en tant qu’émergents (au choix !)), on ne pourra mieux faire !

En Égypte, au départ, Morsi et son parti n’ont pas su rassembler (ils ont donc failli au niveau:  « résister à la division du pays »). Aujourd’hui, après le coup d’État, ils résistent toujours à « la violence produite par l’autre », ce qui met l’Égypte à l’abri, pour l’instant, du chaos ; en espérant que la dictature militaire ne considère pas que « la fin justifie les moyens »… Rabi yostorhom !

En Tunisie, la constitution d’une troïka, en plus d’une ANC qui regroupe toutes les forces (et qui fait participer ces forces au sein de ses différentes commissions, avec pour objectif, à chaque fois, l’atteinte de consensus), a jusqu’à il y a quelques jours contré les plans de ceux qui voulaient diviser pour mieux régner ! Aujourd’hui, certains risquent de pousser le pays vers de véritables divisions, plus proches de celles encourues en Égypte, avec des défenseurs d’une nouvelle dictature, logiquement antidémocratique, et des défenseurs de la légitimé démocratique des urnes. Il faut donc tout faire pour ne pas atteindre cet état de fait qui risque d’affaiblir considérablement notre pays.

Aussi, en Tunisie, jusqu’à aujourd’hui, hamdullah, nous avons su résisté à « la violence produite par l’autre ». Sauf que ce principe est tributaire du premier : avec un pays bien divisé, ce sera plus difficile à assurer!

Pour terminer, un message à ces vieux gamins ennemis que sont les principaux protagonistes de la gauche tunisienne et de la droite religieuse : la fin ne justifie pas les moyens !