Semaine du 30 juin au 6 juillet, actualité sociale chargée avec plusieurs grèves dont on retiendra la plus grotesque, celle des agents pénitentiaires en colère contre une fiction TV de série B, et la plus inaperçue, celle du secteur de la Culture, annoncée pour le 9 juillet…
D’amnésie collective en anesthésie de masse
La première semaine de juillet commençait par ailleurs avec de plates excuses, celles de Mohamed Ghariani, ex-secrétaire général du RCD, qui accordait un entretien à Russia Today, drôle de choix de plateforme en soi pour un homme qui entend s’adresser à son peuple. Quoique dans ce média de propagande pro Poutine, l’homme n’était sans doute pas dépaysé.
Quelques mois avant de reprendre le pouvoir via Nidaa Tounes, du moins selon les derniers sondages, Ghariani demande pardon au peuple tunisien pour les méfaits du RCD. C’est somme toute bien pratique comme repentance : deux ans de prison, puis retour sur scène, business as usual.
Si l’on y ajoute le retour sans scrupules des niaiseries télévisuelles de Sami Fehri, 2014 a définitivement des airs de 2009…
L’abstention commence dès les inscriptions
75 000 personnes en deux semaines. C’est le rythme, « décevant » pour l’ISIE, auquel se sont inscrits les Tunisiens en âge de voter aux prochaines élections. À deux semaines également de la fin de la période impartie aux inscriptions, si cette cadence moyenne plafonne et reste inchangée, ce sont près de 150 000 Tunisiens de plus qu’en 2011 qui se seront enregistrés, autant dire une fraction négligeable des quatre millions d’électeurs qui ne s’étaient pas rendus dans les bureaux de vote pour l’élection de la Constituante, et une fraction infime des huit millions au total en âge de voter.
Persuadés que les voix des abstentionnistes d’hier leur seraient acquises en majorité, les partis dits progressistes sont ceux qui paniquent le plus, affolés par la léthargie ambiante ainsi que par quelques irrégularités touchant les instances régionales. Autre enjeu de ce mois des inscriptions, ceux qui n’étaient pas en âge de voter en 2011, particulièrement ciblés par les « démocrates ». Si rien n’est moins sûr quant aux abstentionnistes d’hier, il est vrai qu’une statistique universelle veut que les tranches d’âge les plus jeunes aient moins tendance à voter conservateur.
Si la situation en Égypte n’est pas toujours comparable à une transition tunisienne moins chaotique, le voisin égyptien donne une indication sur le désengagement progressif des populations du printemps arabe : 37% de taux de participation officiel aux dernières élections présidentielles après une rallonge de deux jours, 15% selon les Frères musulmans.
Sondages : triomphalisme du camp destourien
Le 5 juillet, on apprenait la naissance prochaine d’une radio et d’un journal « Nidaa Tounes », un organe qui aura à charge de se distinguer du quotidien le Maghreb en termes de ligne éditoriale.
Plus sérieusement, « Plus bas résultat historique d’Ennadha », jubilait en titre l’édition du samedi du Maghreb. Au coude à coude jusqu’au début de l’année avec Ennahdha, Nidaa Tounes affiche un invraisemblable 41,3% d’intentions de vote aux législatives, contre 24% pour Ennahdha, selon le dernier sondage Sigma en date.
D’après le même institut, Ennahdha ne conserverait sa suprématie que dans ses fiefs du sud-est et du sud-ouest, tandis que les écarts les plus importants en faveur de Nidaa sont relevés dans le nord et sur les côtes.
Indéboulonnable aux présidentielles avec 29,9% d’intentions de vote, Béji Caïd Essebsi a pourtant livré une prestation très convenue sur la TV nationale samedi, rabâchant invariablement les mêmes propos presque aristocratiques.
« Ecoutez, je ne le fais pas pour le prestige de la fonction, j’ai occupé le poste de ministre de l’Intérieur pendant de longues années, j’ai aussi occupé le poste de ministre des Affaires étrangères pendant de longues années, idem pour le ministère de la Défense, j’ai été ambassadeur en France et en Allemagne, ainsi que président de l’Assemblée nationale…, je ne suis mu que par l’intérêt de la Tunisie », répond l’octogénaire passablement agacé par la question « pourquoi briguez-vous une présidence de la République sans grandes prérogatives ».
Ainsi ce qui devrait constituer un handicap dans un contexte post révolution devient un atout, semble penser le leader de Nidaa. « Avez-vous une vision, un programme ? », rétorque la journaliste. « J’ai déjà exercé le pouvoir, je ne suis pas né de la dernière pluie », se contente d’affirmer « BCE ». Aucune allusion à la révolution de la dignité, si ce n’est de vagues paroles scriptée à propos du chômage et des inégalités en région qui passent en deuxième, derrière la sécurité, la « lutte anti terroriste », et les investissements étrangers.
Pour le 4 juillet, jour de célébration de l’Independence Day, l’ambassade US a encore une fois réconcilié toute la classe politique tunisienne… Un happy ending consensuel comme seul l’oncle Sam sait en faire.
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