L’annonce a été repoussée à minuit, dans la nuit de vendredi à samedi, comme pour conjurer le sort. Mais l’Histoire retiendra que le 7 novembre 2014, pour la 30ème session de son Conseil de la Choura, Ennahdha fut impuissant à donner une consigne de vote explicite en vue de la présidentielle. Ce n’est pas tant un coup de théâtre que l’aboutissement prévisible d’une realpolitik ponctuée de reculades chroniques. Or, il en va cette fois du devenir de la révolution et d’une démocratie naissante qu’on hypothèque.
« Ennahdha appelle les Tunisiens à choisir la personnalité la plus à même de conduire le processus démocratique… ». Malgré un sourire de circonstance, l’embarras de Fethi Ayadi annonçant la décision est perceptible.
Duplicité d’une non-consigne
Aussitôt, les interprétations fusent. Les réactions oscillent entre l’indignation et le mépris, en passant par le fatalisme. « Ils lâchent Marzouki » pour les uns, « subtile consigne de vote en filigrane » pour d’autres, ou encore « concession faite à Nidaa Tounes, premier pas vers un gouvernement d’union nationale » pour les plus résignés.
La vérité est peut-être tout cela à la fois. Au lendemain du 26 octobre dernier, le parti retrouvait sa « taille naturelle » dans le paysage politique tunisien, soit à peu de choses près la même qu’au scrutin de 1989 (~ 40%, un score qui décida Ben Ali à engager sa politique d’éradication). Sauf qu’en l’absence de l’équivalent d’un article 15 de 2011 sur l’exclusion, la peur, le « vote utile », la nostalgie sotte et l’argent politique aidant, la taille des forces à référentiel destourien est, elle aussi, restée virtuellement inchangée.
Diffusé cette semaine, le documentaire « Ennahdha, une histoire tunisienne » rappelle que, tout au long de sa genèse, le parti de Rached Ghannouchi n’a eu de cesse d’aspirer à une forme de reconnaissance par les autorités de l’ancien régime.
Quelques années avant la révolution, Moncef Marzouki lui-même expliquait que contrairement à lui, le leadership d’Ennahdha était moins dans une démarche d’opposition frontale au régime Ben Ali que dans une volonté d’être intégré au paysage politique, selon un désir de normalisation qui ferait du parti davantage un interlocuteur qu’un adversaire. La ligne Jebali, pragmatique ami rassembleur de la droite, est paroxystique de ce penchant « RCD-friendly ».
Aujourd’hui institutionnalisé, Ennahdha ne rentre pas dans le rang seulement par frilosité. Une partie de son identité, de son ADN politique, est profondément centriste et s’accommode du statut de raisonnable parti de gouvernance. Mais en cette phase de résurgence des forces de la restauration, le risque pour les dirigeants les plus autoritaires d’Ennahdha est de creuser la rupture avec ses propres bases.
Des bases militantes dont le leadership sait qu’elles sont majoritairement acquises à la candidature Marzouki, hormis quelques poches régionales favorables à Mohamed Frikha. La figure du défenseur historique des droits de l’homme reste en effet associée à la liberté de culte.
Marzouki, candidat tacite ?
Paradoxal au premier abord, l’engouement de l’électorat sociétalement conservateur (et souvent économiquement marginalisé) pour l’intellectuel Marzouki est une spécificité tunisienne qui n’a fait que se préciser durant cette dernière campagne. Le phénomène n’est pas si incohérent lorsqu’on tient compte de l’invariable tendance de la gauche tunisienne à pactiser avec l’ancien régime éradicateur de l’islam politique.
Énième épisode de cette maladie chronique, les appels du comité de défense de Chokri Belaïd à faire fermer les bureaux d’al Jazeera en Tunisie, à la satisfaction de Lazhar Akremi de Nidaa Tounes qui n’en attendait pas tant vendredi soir, sur un plateau TV à faire pâlir certains plateaux égyptiens des médias d’al Sissi.
Pour ce faire, il a suffi d’un documentaire certes orienté, et d’un climat délétère où chaque opération présumée terroriste dans les montagnes du pays a un impact psychologique énorme sur l’opinion publique et qui se traduira encore vraisemblablement en vote de la peur, une fois de plus, le 23 novembre prochain.
Autre illustration du mimétisme avec le paysage politico-médiatique égyptien, certains chroniqueurs n’hésitent plus à spéculer sur « une présence du Hamas en Tunisie via des formateurs en tunnels et explosifs ». Née aux Emirats Arabes Unis et en Arabie Saoudite, cette propension à diaboliser tout ce qui a un rapport avec les Frères musulmans, y compris la résistance palestinienne islamique, est caractéristique de l’esprit Tamarrod, un mouvement égyptien dont beaucoup de jeunes sont aujourd’hui emprisonnés par celui qu’ils ont contribué à porter au pouvoir.
Tout indique que le violent échange verbal avec Maher Zid est un avant-goût de l’atmosphère dans laquelle se dérouleront les travaux du prochain parlement. Même s’ils venaient à cohabiter comme l’appelle de ses vœux le journal d’Ennahdha al Fajr, des élus qui se vouent une détestation viscérale pourraient s’affranchir de la discipline de parti, en présence de contentieux idéologiques et juridiques non résolus, et au moment où l’IVD est plus que jamais menacée.
En attendant, deux conceptions du monde et de la lutte antiterroriste s’affrontent dans la course pour Carthage : celle de la lutte contre la pauvreté dont Marzouki a fait un slogan de campagne à Kairouan, et celle de l’apologie de l’ordre et d’un Etat tout puissant et réducteur des libertés prôné par le représentant du bourguibisme.
A quelque chose malheur est bon, pourrait se dire Marzouki qui, sans soutien officiel d’Ennahdha, est débarrassé d’une encombrante étiquette partisane au profit d’une candidature plus transversale.
Ce mec ne peut pas être pris sérieusement. Que veut-il dire par ‘opération présumée terroriste’?
Chercher à faire analyse une analyse sérieuse ne peut pas inclure une fantaisie de conspiration.
Enfin, son obsession avec les médias égyptiennes est risible. Je ne connais personne en Tunisie qui les suit, beaucoup moins qui s’y intéresse.
Ce mélange entre la situation en Tunisie et celle de L’Égypte est faux.
La situation tunisienne est comparable avec celle en Egypte simplement parce que les “laicistes” tunisiens ont pris ce qui s’est passé en Egypte en exemple.
ce n’est pas du tout une annonce surprise , c’était attendu officiellement , mais la réponse officieuse donnée à ses adhérents est en faveur de Marzouki qui est pour eux un candidat tacite n et bien sur tout ça rentre dans le cadre de son fameux double discours !
“Lutter contre le terrorisme” par la lutte contre la pauvreté ? Vous êtes qui au juste ? Alice aux pays des merveilles ? Et avec quoi votre candidat chéri luttera-t-il contre la pauvreté ? Avec ses 4 sièges au parlement ? Ou peut-être qu’il briguera la présidence d’Ennahdha. ça devrait marcher, vu l’engouement des jeunes de ce parti pour le nouveau messie des “libertés” salafistes.
Moi je crois une chose. Votre candidat chéri est un petit politicard opportuniste de la pire espèce. Il pactise aujourd’hui avec des extrémistes qu’il traitait il n’y a pas si longtemps de “microbes”. Et il n’hésitera pas, le jour où il aura réellement le pouvoir, à fouler aux pieds tous les idéaux des droits de l’homme qu’il a un jour semblé défendre. En fait, il n’a pas outrepassé ses pouvoirs depuis 3 ans car il était tenu en laisse par un parti RAISONNABLE.
Vous semblez regretter, en ce sens, l’absence d’affrontement entre les deux grands partis. Oubliant le contexte économique, social et régional dans lequel se situe la Tunisie et qui nécessite une accalmie.Votre candidat essaye bien sûr d’attiser certaines haines pour en profiter électoralement. Mais le jour où il y aura des dérapages réels, il ne l’emportera pas au paradis.
Pour finir, je dirais que si le combat électoral qui se profile est entre la liberté donnée aux extrémistes religieux de pratiquer leur extrémisme face à un Etat démissionnaire (le Schéma dit de la Troika et incarnée par votre candidat chéri) et la liberté donnée aux tunisiens modérés de vivre décemment sous la protection d’un Etat fort, le choix sera vite fait.
Ennahdha, comme on y est habitué, est décrit sous les traits d’un “…raisonnable parti de gouvernance” mu par “…une volonté d’ètre intégré au paysage politique”.
Au-delà de toutes ces considérations, ce mouvement populiste qui a des moyens financiers immenses de provenance obscure, sans que cela interroge les consciences éclairées, n’a eu de cesse que de tenter une compromis avec l’ancien régime. Pourtant, l’on disserte à son sujet sans la moindre réserve, oubliant -volontairement ou non- ses turpitudes passées et ses manoeuvres présentes suceptibles d’accréditer une seule hypothèse, le désir du pouvoir.
On parle plus volontiers de l’argent des autres partis, de leurs errements, collusions ou crimes dont ils auraient été les instigateurs, ces (ce) mème(s) parti(s) auquel Ennahdha fait les yeux doux.
Ennahdha n’est pas un mouvement politique, c’est davantage une confrérie dirigée par un groupe soudé par un désir de revanche et des appartenances familiales renforcées par des alliances au point de présenter toutes les apparences d’un clan. Les résultats recueillis dans leur région d’appartenance viennent conforter cette idée. Les collusions avec le terrorisme, les atermoiements de leur gouvernement face à son émergence et les trafics d’armes venus de Lybie en pleine déconfiture devraient leur étre opposés. Au contraire, on met en avant leur implantation dans les milieux déshérités, on évoque leur assise populaire pour en tirer argument contre leurs rivaux.
Les tunisiens ont fait preuve d’intelligence, ils n’ont pas confié le sort de leur pays à des personnages que la haine taraude contre tout ce qui ne partage pas leur vision du monde. A des gens dont on peine à voir en quoi ils furent fidèles à leurs engagements lorsqu’ils eurent le pouvoir et qui ont placé dans les divers rouages nombre de leurs affidés avec le seul objectif de noyauter les administrations.
Vous avez raison de relever leur désir du pouvoir, en quoi vous visez juste et pourquoi de nombreux citoyens, dont je suis, ne se laissent pas abuser par les harangues démagogiques aux relents religieux. Car, en ce domaine comme dans d’autres, leurs discours sonne creux et faux.
Ennahdha est un parti centristecomme Nidaa Tounes. Il n’a aucun modèleéconomique à proposer. Nidaa Touness n’apas demodèle économique aussi à proposer sauf de continuer d’appliquer le systèmede libéral, en sans la corruption et avec un Etat fort et dominant. Le danger d’Ennahdha c’est l’utilisation de la religion comme idéologie et ce qu’il y a derrière, c.à.d un modèle de société médiévall, rigoriste et conservateur qui cache un salafisme extremiste conçu par desesprits malades (wahabisme). Pauvre de nous, on doit choisir entre la peste et le cholera. Lesassises sociales d’un tel choix c’est une classe moyenne inproductive et extremement egoiste.