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Avec la nouvelle année, veille du quatrième anniversaire de Coup de son peuple, la Tunisie officialise une nouvelle donne politique. Elle se manifeste notamment par le retour des compétences, dont nombre de figures ayant servi sous l’ancien régime. En effet, leur place n’a pas été remplie par les cadres des gouvernements issus de la majorité islamiste et ses alliés supposés laïques ; or, comme la nature, la politique a horreur du vide.

Une centralité politique

Précisons tout de suite que le cours nouveau salué de partout comme exemplaire n’a été possible que grâce à une sagesse certaine des dirigeants du parti Ennahdha, osant faire montre de réalisme quitte à bousculer leurs troupes, heurter leurs caciques les plus dogmatiques et rompre avec une certaine vision de la politique.

Aussi, plus que jamais, le parti islamiste en Tunisie se trouve-t-il, moins au sein du pouvoir actuel en Tunisie, qu’au centre de celui qui doit s’installer progressivement en Tunisie : une démocratie paisible, ne reniant pas ses valeurs, mais attachées à un humanisme certain, car intégral.

En effet, malgré les apparences, le cheikh Rached Ghannouchi a réussi a sauver l’essentiel de ce qui devait être la bérézina pour son parti après son catastrophique passage par les plus hautes sphères du pouvoir au pays.

Or, il ne préserve pas seulement ses troupes de persécutions des ennemis des islamistes envisageaient pour ses troupes assez promptes — ne serait-ce que par réflexe contestataire — de verser dans le radicalisme. On en a eu une illustration éloquente avec les dérives de celui qui était pourtant supposé être au-dessus de tout soupçon intégriste, le président provisoire, ancien militant des droits de l’Homme.

Son alliance stratégique in extremis avec le chef du parti désormais aux commandes lui a permis de garder un poids politique certain dont il aura à user à bon escient afin de préserver les chances d’avenir pour l’islam politique en Tunisie.

En effet, l’avenir des islamistes en notre pays est loin d’être derrière eux ; il est même au-devant s’ils savent tirer profit de la nouvelle donne tout en allant de l’avant dabs leur mue démocratique.

Qu’est-ce à dire sinon que le parti Ennahdha doit être en proue du futur combat de larges spectres de la majorité actuelle pour les droits et les libertés. Il doit surtout continuer d’oser aller dans le sens d’une démocratie intégrale, y compris en montrant le chemin consistant à ne pas s’embarrasser de tabous éculés, consacrant la nature humaniste de la Tunisie.

En effet, dans la majorité hétéroclite au pouvoir, nombre de libéraux ont juste une conception étriquée du libéralisme, la réduisant au domaine économique, n’étant pas mentalement en mesure d’accepter son pendant social, politique et surtout culturel. Car le libéralisme est un tout.

Une centralité idéologique

Voici donc ce que pourrait faire cheikh Ghannouchi afin d’être aux premiers rangs des combattants des valeurs en Tunisie, celles qui doivent tôt ou tard s’imposer dans notre pays, car le sens de l’histoire le commande.

Ainsi confirmera-t-il que la réforme de l’idéologie islamiste au sein de son parti est réelle et effective, faisant d’Ennahdha la première Démocratie islamiste du Sud, à la manière de ses consœurs en Occident où les Démocraties chrétiennes ont su allier valeurs spirituelles et valeurs libérales.

Du même coup, il prendra assurément une longueur d’avance pour les échéances majeures à venir en se positionnant comme le meilleur garant contre tout retour en arrière ; or, la meilleure parade consiste dans le renforcement des droits et des libertés privées.

Ennahdha sera bien inspiré de rompre avec sa logomachie à propos de l’abolition de la peine de mort en se prononçant pour un texte consacrant le principe constitutionnel sacralisant le droit à la vie. Car cela impose ipso facto l’abolition de la peine de mort. Un texte en la matière doit être incessamment proposé aux députés ; que le parti islamiste, à défaut d’être son promoteur, l’appuie et ainsi veille à le faire adopter.

Mieux ! Ennahdha doit prendre l’initiative de proposer un texte de loi décidant le moratoire de toutes les lois liberticides, notamment celles qui se sont avérées scélérates, se prétendant inspirées par l’islam, alors qu’elles le violent en étant attentatoires des libertés privatives que consacre notre religion.

Il s’agit, par exemple, de la liberté de conscience, reconnaissant le droit d’apostasier, la liberté des mœurs, impliquant l’abolition des textes homophobes et a loi criminalisant le simple usage des drogues douces.

Osant aller le plus loin dans la manifestation de son esprit humaniste intégral, le parti islamiste pourrait prendre l’initiative de proposer l’égalité parfaite entre les sexes en matière d’héritage. En effet, l’islam ne rejette nullement cette égalité, lui qui a élevé le statut de la femme comme aucune autre religion. De fait, pareille égalité est inscrite dans la dynamique même de la foi islamique ainsi que le montrent ses visées qui la rendent même impérative aujourd’hui.

Sur ces matières à fort degré de symbolisme, le parti islamiste pourra démontrer avoir évolué non pas en reniant ses valeurs islamiques, mais en faisant enfin de notre religion une lecture correcte, conforme aux visées de cette foi œcuménique, rationaliste et humaniste.

Ainsi agira-t-il concrètement non seulement à son propre avenir en Tunisie, mais aussi au futur de la religion musulmane dans le monde qui, après les abîmes où l’a fait tomber Daech et l’esprit rétrograde des intégristes a besoin impérativement de renaître de ses actuelles turpitudes. N’est-ce pas ce qu’emporte le nom même du parti islamiste Ennahdha, la résurrection ?