Suivi de la mobilisation sociale en Tunisie : fin avril – début mai 2015

Par Ghassen Ben Khelifa, traduction de l’arabe par Henda Chennaoui.

Ce travail ne peut prétendre être exhaustif. Il serait impossible de faire un bilan exacte de la mobilisation sociale qu’a connu la Tunisie durant les dernières semaines. Ceci dit, cette liste couvre les événements les plus importants.

Grève de la faim et grève générale à Jebeniana (gouvernorat de Sfax)

Le 8 mai, Jebeniana a exécuté une grève générale en soutien à la grève de la faim, entamée le 25 mars 2015, par quatre diplômés chômeurs. L’état de santé des grévistes s’est détérioré après cinquante jours de leur grève de la faim. Rappelons que les quatre grévistes, qui occupent le local de l’UGTT dans la région, sont Jihed Wej (chercheur en philosophie), Lazehar Al Bani (professeur de français), Welid Al Merdassi (diplômé en aviation civile) et Najah Wej (niveau baccalauréat et seule personne capable de travailler dans sa famille). Le 9 mai, les mères des grévistes ont débuté une grève de la faim sauvage en soutien à leurs fils. Huit femmes ont appelé, à travers un communiqué, les composantes de la société civile et les partis politiques à soutenir les chômeurs de Jebeniana pour leur droit au travail et à la dignité.

Confrontation et procès à Tamaghza (gouvernorat de Tozeur)

Durant trois jours, du 29 avril au 1er mai, des confrontations violentes ont eu lieu entre des manifestants et les forces de l’ordre suite à un conflit personnel entre un agent de la police et un citoyen de la ville. La situation a dégénéré quand la police a procédé à des arrestations arbitraires de cinq jeunes sans l’autorisation du Ministère Public. L’assistant du procureur de la République, Maher Al Bahri, a déclaré que les arrestations ont été effectuées contre la volonté du Ministère Public. Ce dépassement clair de l’autorité de la justice par l’exécutif a provoqué une réelle crise entre les syndicats des policiers et l’association des juges. En effet, des policiers syndiqués ont fait un rassemblement devant le Tribunal de Première Instance de Tozeur pour dénoncer « la pression de l’assistant du procureur de la République sur le chef de la garde nationale de Tozeur ». En réponse, les juges ont fait, à leur tour, un rassemblement, durant la même semaine, pour dénoncer la pression de la police sur le Ministère Public et l’utilisation des armes durant leur rassemblement.

Confrontation à Fouar pour l’emploi et le développement (gouvernorat de Kebili)

Durant les 6, 7 et 8 mai, des confrontations entre les forces de l’ordre et des citoyens ont eu lieu dans la délégation de Fouar. Selon l’Union des Diplômés Chômeurs à Kebili, les demandes des citoyens de Fouar sont principalement la transparence dans la gestion du pétrole dans la région, le développement, l’emploi et l’amélioration de l’infrastructure. La réponse des autorités était la répression policière et les bombes lacrymogènes. Une grande polémique a suivi l’agitation de Fouar. En effet, nombreux médias ont déformé les demandes légitimes de la communauté ; le gouverneur a quant à lui accusé les manifestants d’avoir brûlé un poste de police.

Les anciens de l’UGTE en grève de la faim à Meknessi (gouvernorat de Sidi Bouzid)

le 7 mai, six anciens de l’Union Générale Tunisienne des Étudiants ont entamé une grève de la faim à Meknassi pour leur droit au travail. Les grévistes considèrent qu’ils sont parmi les militants politiques discriminés par le système et qui n’ont pas bénéficié de l’amnistie générale. La discrimination de la dictature de Ben Ali, selon eux, les a privé de leur droit de passer les concours nationaux et d’avoir un travail. Les grévistes demandent de régler leur situation dans le cadre de ce qu’on appelle « le dossier des 187 » (les diplômés chômeurs opposants de Ben Ali qui n’ont pas bénéficié de l’amnistie générale). Ils ont appelé tous les grévistes de la faim qui ont les mêmes demandes de conjuguer leur effort et de coordonner à travers toutes les régions.

La grève de la faim des chômeurs de Bouzayane continue

Sept diplômés chômeurs continuent la grève de la faim qu’ils ont entamé le 22 avril. Les demandes se résument au travail. Rappelons que les grévistes ont occupé les locaux de la délégation de Bouzayane dans l’espoir de se faire entendre par les autorités.

Sit -in des ouvriers de la société « Les Recycleurs » à Jedayda (gouvernorat de Manouba)

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le 1er mai, des dizaines d’ouvriers de la société « Les Recycleurs » ont débuté un sit-in devant leur usine. Après la décision de la direction de fermer l’usine, les sitineurs demandent un dédommagement aux mois de travail perdus depuis octobre dernier. Les ouvriers réclament une bourse de 100 dinars par mois de la part du ministère des Affaires Sociales en attendant le verdict du tribunal par rapport aux autres dus. Ce sit-in est soutenu par l’UGTT et la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme qui essayent de démarrer une négociation avec la direction de la société.

Sit-in des ouvriers de Missfat à Jedayda (gouvernorat de Manouba)

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Le 13 avril, des dizaines d’ouvriers de la société « Missfat » font un sit-in devant leur usine à Jedayda pour des revendications syndicales. Les grévistes contestent le licenciement de cinq ouvriers pour leur activisme syndical. Samir Ouni, syndicaliste et ouvrier, nous affirme qu’il faut revoir la classification de l’usine, chose qui va aider à résoudre le conflit qui les opposent à la direction de l’usine.

Le bassin minier : nombreuses grèves de la faim et sit-in

Procès et sit-in à Redayef : le jeudi 7 mai, Redayef a vécu des confrontations entre les forces de l’ordre et des citoyens suite à l’arrestation de trois jeunes accusés (parmi 50 autres personnes) d’avoir entravé la liberté de travail. Cette arrestation vient en réponse aux nombreux sit-in qui ont bloqué le transport du phosphate par les camions. Le procès des jeunes a été reporté pour le 14 mai mais. Un sit-in est tenu devant les locaux de l’UGTT pour dénoncer les résultats du dernier concours de la société de l’environnement.

Une grève de la faim de chômeurs et un sit-in pour le travail à Metlaoui : Depuis le 29 mars, une dizaine de chômeurs entament une grève de la faim pour revendiquer leur intégration dans la société d’environnement affiliée à la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG). Quelques grévistes s’étaient cousu la bouche avec un fil en signe de protestation à ce qu’ils considèrent comme injustice et humiliation. Les grévistes accusent le gouverneur ainsi que les délégués de trafic dans les résultats du dernier concours. Selon le militant Fatehi Titay, les habitants ont installé 103 tentes dans un sit-in sur les chemins de fer dédiés au transport du phosphate.

Grève de la faim à Zanouch : une dizaine de jeunes entament cette semaine leur 30e jour d’une grève de la faim pour le travail.

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Procès et sit-in à Medhila : 17 femmes et un groupe de jeunes poursuivent un sit-in, commencé depuis fin mars, pour les mêmes demandes que Metlaoui et les autres régions du bassin minier. Parmi les revendications, nous citons : revoir les résultats du dernier concours de la société de l’environnement. Les protestataires affirment que les 25 admis dans ce concours bénéficient d’une situation sociale aisée. Le militant Fatehi Titay nous a indiqué que 47 jeunes de la région ont été arrêtés pour avoir « empêcher la liberté de la circulation ».

Rassemblement de chômeurs à Gafsa : Devant le gouvernorat de Gafsa, des dizaines de chômeurs se sont rassemblés pour revendiquer leur droit au travail. Les manifestants ont installé une potence symbolique devant la porte du gouvernorat pour exprimer leur désespoir.

Sit-in à Belkhir (gouvernorat de Gafsa) : 29 citoyens de la délégation de Belkhir (la plus pauvre de toute la région) continuent un sit-in qu’ils ont commencé le 8 février dans les locaux de leur délégation. Les demandes concernent le travail (4 diplômés chômeurs depuis 2005), le concours d’embauche dans la société de l’environnement (8 chômeurs qui attendent leur intégration dans cette société) et l’amélioration des conditions sociales de la ville. Sassi Smida, un jeune participant au sit-in, nous explique que son nom qui figurait pourtant dans la liste des admis au concours de la société de l’environnement « a curieusement disparu après ».

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