Il est à peu près évident que ceux qui soutiennent la peine de mort ont plus d’affinités avec les assassins que ceux qui la combattent. Rémy de Gourmont
Le meurtre effroyable du petit Yassine, enlevé puis égorgé, a ému l’opinion publique. Lors des funérailles de la victime, des manifestants ont soulevé des pancartes en faveur de la peine capitale et scandé : « à mort, nous voulons la peine de mort pour le tueur de Yassine ! ». Dans les médias, de nombreux intervenants se sont prononcés pour le maintien de cette peine, tout en dénonçant le manque de sévérité de l’État face aux délinquants sexuels et aux tueurs d’enfants. Cet événement a donc été l’occasion de relancer le débat sur l’effectivité de la peine de mort en Tunisie et son degré d’efficience.
En marge de la doxa, certains Tunisiens désapprouvent cependant la peine de mort, rejoignant ainsi la poignée de militants des droits de l’homme qui luttent pour son abolition. Pour ce faire, ils se basent sur un ensemble de points qui feraient de la peine capitale une sentence ambivalente, populiste et inhumaine ainsi qu’une entreprise arbitraire et risquée, portant préjudice au devenir d’un être humain.
A quoi sert la peine de mort ?
Ariel Dorfman, écrivain et militant des droits de l’homme argentin, brosse le portrait d’une peine symbolique qui procurerait l’illusion de se débarrasser de l’infâme. En ce sens, il affirme qu’en tuant les criminels, la société pense tuer le crime, alors qu’il n’en est rien. Les chiffres d’Amnesty International démontrent, en effet, que la peine capitale n’a jamais été dissuasive dans la mesure où le nombre de meurtres n’a pas baissé dans les pays où l’on exécute les prisonniers. Plus encore, selon le même organisme, beaucoup d’exécutions sont pratiquées à la suite de procédures judiciaires non conformes aux règles internationales en matière d’équité des procès, dont les « aveux » sont arrachés par la torture et d’autres formes de contrainte. La peine de mort est de plus une affaire de classe : elle concerne beaucoup plus les condamnés issus des classes populaires et du sous-prolétariat.
Peu efficace, la peine capitale serait un instrument politique servant à apaiser le délire collectif et à assouvir la vengeance populaire. Or, la justice républicaine, censée être une haute instance morale, ne devrait pas être un lieu où se pratiquent des lois ancestrales (la vendetta ou la loi du talion) et où s’assouvissent les pulsions de la masse.
Répondre à la violence illégitime par la violence légitime, au meurtre barbare par le meurtre « policé », supposent également des magistrats ayant pleinement conscience de leurs actes. Et pour cause, ces magistrats, supposés être aux antipodes des condamnés et des valeurs criminelles, vont à leur tour ôter la vie à une personne. Dans ce cas, si la justice se targue de défendre la victime à titre posthume et de calmer la douleur de sa famille, il reste qu’elle a la lourde tâche de décider d’annihiler l’existence d’un individu ou de l’épargner, quitte à exécuter un innocent.
C’est ainsi que de nombreux condamnés sont conduits à l’échafaud par erreur et que, des années après, d’autres investigations viennent prouver leur innocence. Entre temps, le mal est fait. Le condamné sort de la cour menotté et tête baissée, sous les applaudissements du public et avec la certitude inébranlable de sa culpabilité. Accablé par la douleur insupportable de l’injustice, il mourra en clamant son innocence. Innocenté plus tard, celui qui a décidé de lui ôter la vie se trouve dans l’incapacité de la lui restituer et aurait ainsi détruit la vie d’une personne, voire celle d’une famille entière.
La frontière entre le normal et le pathologique est tellement serrée qu’il suffit de quelques centimètres pour basculer dans l’horreur. Enfant, parent, cousin peuvent se retrouver dans le box des accusés. Crierons-nous alors « à mort ! » ? Déclarerons-nous être en faveur la peine capitale ? Ecrirons-nous un manifeste en sa faveur ? Patrick Henry, premier condamné français ayant échappé à la guillotine, n’était-il pas dans les premiers rangs des manifestations pour la peine de mort avant de tuer un enfant de sept ans ? Nous sommes tous des états limites latents, enclins à commettre l’irréparable et ce qui est arrivé à l’autre peut, un jour, nous arriver.
Votre article a donné une idée générale sur l’inhumanité de la peine capitale. Cependant, je me suis attendu à un argumentaire plus développé concernant pourquoi cette punition légale serait aussi délétère sur la société que le crime commis et authentifié. Vous parlez de gens innocents qui pourraient être à tort exécuté, mais parlez vous du fait que ce crime abominable a été bel et bien commis (kidnapping, séquestration, viol, meurte prémédité, preuve du meurtre ramène au domicile) ? Que devons nous faire dans ce cas? Lui donner une 2eme chance ?
Bonjour,
Un internement est la mesure adéquate à ce cas.
En tout cas :
– La peine capitale, tout comme elle ne rendra pas le petit Yassine, ne soulagera pas vraiment la peine de la famille.
– La vie est un droit. L’ôter en représailles d’un meurtre est analogue à voler les biens d’un voleur : ça n’a pas de sens.
– On n’est jamais sûr et de manière absolue de la culpabilité de quelqu’un alors que la peine capitale est une peine absolue et irréversible.
– Je trouve que l’article met le doigt sur les vrais problèmes. Pour moi, ce schizophrène a été désigné bouc émissaire de l’affaire. Il était plus facile de le tuer qu’assumer avoir permis les conditions de ce meurtre, dont cette question de santé publique.
Oui, à quand le statut du psychologue clinicien dans le code la santé publique ? Comment se fait-il que le psychologue, dans un hôpital, est doté du statut d’infirmier, ce qui, sur le plan administratif et des responsabilités, ne lui donne la possibilité d’assumer son avis dans les staffs préopératoires ? Pourquoi les psychologues cliniciens doivent-ils galérer afin d’obtenir une patente et pratiquer ainsi leur métier de psychothérapeute au bénéfice des Tunisiens dont 50% dit-on souffrent de troubles mentaux ? La CNAM rembourse-t-elle leur consultations ?
Votre commentaire résume tout en effet
Devrait-on répondre à l’abominable pas l’abominable? vous réfléchissez en termes de vengeance et non de raison
Voilà une belle discussion de salon au sujet d’un faut problème qui est devenue une véritable masturbation intellectuelle. S’il arrive à l’un de ceux qui sont contre la peine de mort de vivre la douleur de voir un de leur proche (leur conjoint, leur parents, un de leur enfants, un frère ou une soeur….etc) assassiné pour n’importe quel motif, il penserait autrement? Et puis abolir la peine de mort transformerait toute société en une jungle ou on s’entretuerait pour rien? Et le meilleure xemple c’est les USA ou le massacre d’un gosse de 10 ou 15 de ses copains est devenu monnaie courante?
Il semble que vous n’avez pas lu l’article. Les chiffres démontrent que la peine de mort n’a jamais contribué à la diminution des homicides, en revanche un système judiciaire et carcéral qui perçoit le condamné comme un être humain fait diminuer les crimes, comme l’atteste l’expérience norvégienne. Dois-je vous rappeler monsieur que la peine de mort existe dans la plupart des Etats américains? Pire, les mineurs sont condamnés au même titre que les majeurs. La preuve que la peine de mort de marche pas c’est que le massacre des enfants aux Etats Unis comme vous dites continue malgré tout.