Notre cerveau, parfois, fait des rapprochements qui peuvent sembler incongrus. Mais il les fait. On peut donc en déduire que ces rapprochements ne sont pas si arbitraires qu’il y paraît. C’est en tous cas ce que je pense. Il y a deux ou trois jours, comme il m’arrive chaque fois que j’ai des tas de choses à faire que je n’ai pas envie de faire, je lisais et relisais pour la millième fois des fichiers de notes et de croquis à la recherche d’une idée de dessin qui ferait de moi un homme riche et célèbre. Je suis tombé comme ça sur des extraits d’un article que j’avais notés à tout hasard il y a quelques années concernant un homme souffrant d’une terrible et incurable maladie avec laquelle, certes, il avait appris à vivre. Ce pauvre homme, âgé d’une soixantaine d’années, n’avait jamais pu reconnaître un visage. N’ayant aucune mémoire de lui-même, il ne se serait pas reconnu s’il s’était rencontré au coin d’une rue ou dans un bistro. Dans son miroir, il voyait un type. C’est tout. Juste un type. Il savait bien que ce ne pouvait être que lui-même, il savait bien aussi qu’à travers le miroir il ne voyait que sa propre image inversée, mais il n’était pas question qu’il se reconnaisse. Ce cas, d’une tristesse incroyable, m’a immédiatement fait penser à un mot que nous utilisons fréquemment, en l’occurrence la dignité.
Révolution et dignité
Longtemps, je me suis demandé, en effet, comment comprendre la dignité. Pourquoi préférons-nous mourir de faim que de honte ? Pourquoi en Europe jusqu’au XIXème siècle, un noble malchanceux préférait-il être pauvre plutôt que d’occuper un emploi bien rémunéré et peut-être même devenir un jour riche commerçant, banquier ou industriel ? Pourquoi la faim peut-elle provoquer des grèves, des révoltes, des émeutes, des insurrections mais jamais des révolutions ? Pourquoi une révolte ou une émeute ne devient révolution qu’à la condition de dépasser ses raisons premières pour les intégrer dans une volonté collective de dignité ? Et pourquoi, à l’inverse, la décomposition de cette volonté en ses éléments premiers est-elle le signe que la révolution recule, que le peuple se disperse, qu’il est désormais sur la défensive, voire que tout est foutu ? Pourquoi les révolutions, toutes les révolutions, la nôtre comme celles qui l’ont précédée et suivie, et celles qui viendront, sont-elles des révolutions de la dignité ?
La réponse, je crois, est que l’individu veut se reconnaître lui-même et reconnaître les autres, et qu’il veut se reconnaître à travers les autres. La réponse est que le peuple veut se reconnaître lui-même quand, le matin en se brossant les dents, il se regarde dans un miroir. Et, pour le peuple, à juste titre, ce miroir vers lequel il tend son visage pour se reconnaître en tant que peuple n’est autre que le pouvoir.
Dans « Les Damnés de la terre », Franz Fanon note que, pour le colonisé, la notion de dignité « n’a rien à voir avec la dignité de la ‘personne humaine’. » Si le colonisé veut être l’égal du colon, c’est uniquement dans le sens où il veut le détruire et le remplacer. De même, quand les peuples pris dans le tourbillon de la révolution arabe ont dit que leur dignité exigeait la chute du pouvoir, ils n’exprimaient rien d’autre que leurs volontés d‘être eux-mêmes le pouvoir. En cela, la dignité est révolutionnaire. La dignité est insécable ; elle est la seule exigence qui ne se négocie pas. Un salaire est négociable, une quelconque liberté politique l’est aussi, un privilège l’est tout autant, un « droit humain », un territoire, une frontière, ne le sont pas moins. La dignité, non. Elle n’est jamais seulement individuelle ou seulement collective. On ne peut pas la décliner en parties dont on concéderait certaines, même à titre provisoire, en attendant des jours meilleurs. On ne peut pas en bénéficier ou en jouir pour un quart ou pour moitié. On ne peut pas découper une portion de dignité comme on le ferait d’une pastèque ou d’un melon. La dignité n’est pas susceptible de concessions ni de compromis. En cela, la dignité outrepasse la politique. Même si elle n’advient que par la politique.
La dictature du mépris
L’un des plus grands crimes de Ben Ali et de ses complices n’est pas le vol et le brigandage à grande échelle, il n’est même pas le système de coercition généralisée. Il est d’avoir institutionnalisé le mépris, d’avoir promu le système de l’indignité généralisée, d’avoir fait de nous, collectivement, des gens qui n’osent pas se regarder dans un miroir de crainte de ne pas se reconnaître. Un temps, un temps héroïque, notre pouvoir dans la rue et partiellement dans les institutions élues nous a fait retrouver, avec le souvenir de ce que nous sommes, la fierté de ce que nous sommes. Trop momentanément, hélas ! Les revers ont suivi. Et avec les revers, les retournements de vestes. La contre-révolution s’est emparée de la révolution pour la défigurer. La révolution ne se reconnaît plus.
A l’orgueil d’être le peuple de la nouvelle révolution a succédé l’auto-dévalorisation et le discrédit de l’idée même de révolution. On ne dit pas « la révolution a connu un échec », ou « elle a été défaite par ses adversaires », on dit « il n’y a pas eu de révolution » ou pire, quoi que moins bête : « finalement, la révolution est une mauvaise chose ». On ne crache plus sur les ennemis de la révolution, on crache en l’air et on attend que le crachat nous retombe sur la figure : « Nous, les Tunisiens, et plus généralement les Arabes, nous sommes les victimes d’un destin implacable, accablant, qui nous condamne à l’impuissance. Et le nom de ce destin est la médiocrité. Notre propre médiocrité ! » Voilà ce que l’on dit ou pense désormais. Nous voulions le pouvoir politique. Nous voulions que nous, le peuple, disposions du pouvoir politique comme instrument de notre dignité. Peut-être même comme son équivalent. Et aujourd’hui, que faisons-nous ? Nous LEUR abandonnons le pouvoir politique.
La réconciliation : un outrage au peuple tunisien
LEUR ? Qui sont ces LEUR ? Eh bien, LEUR – pour l’heure – renvoie à tous ceux contre lesquels s’est faite la révolution, ceux qui, autour de Ben Ali, complices de Ben Ali, relais de Ben Ali, ont participé activement à l’instauration de la dictature de l’indignité. La révolution n’a eu de cesse de les écarter ; la contre-révolution n’a eu de cesse de les rétablir. Ou, à tout le moins, de s’en faire des alliés. L’élection de Béji Caïd Essebsi a été leur victoire politique. La loi sur la réconciliation sera leur victoire morale. Quand bien même il serait amendé pour que d’inconstitutionnel il devienne constitutionnel, ce projet demeure irrecevable. Ni réconciliation, ni pardon !
« Nous ne pardonnerons pas ! » n’est pas seulement un mot d’ordre politique mais un impératif moral. Pour se regarder dans la glace sans rougir. Nous ne pardonnerons ni aux anciens benalistes ni à ceux qui les ont ramenés au pouvoir. Ni nos frères, ni nos sœurs, ni nos camarades.
« Nous ne pardonnerons pas ! », un impératif de mémoire, parce que se reconnaître, c’est aussi se souvenir.
« Nous ne pardonnerons pas ! », peut-être le dernier soupir d’une révolution défaite. Ou l’écho anticipé des révolutions à venir.
سؤال غبي،طبعا متأخرون جدا جدا …
Oui plusieurs sont dans la logique de faire regretter au peuple tunisien sa révolution, de la liberté et de la dignité…
– Plusieurs aussi sont dans la fabrication de la culture du non regret, des militants de la société civile, des artistes, des comédiens, … Ils sont un petit nombre, certes, mais ils font un travail de fond, c’est rassurant, quand même !
– À travers eux et bien d’autres, nous allons réussir, à fabriquer, chanter, publier, … une littérature, une culture de non regret de la révolution, et ce qui va impulser en nous la résistance, avec différents outils démocratiques et de militantisme pacifique, …
– Alors, écrire une mémoire de la révolution et des éléments qui ont poussé le peuple à dépasser les slogans des simples contestations et révoltes, pour atteindre le sommet (liberté, dignité, travail, démocratie) et au même temps, le départ du régime, devient inéluctable et nécessaires. Ces écrits, articles, bandes dessinées, pièces de théâtres, théâtre de rue, théâtre action, chants, livres, … Seront à côté des manifestations et des actions des la société civile dans le cadre de HAMLET _MANICH_ IMSSAMAH, et bien d’autres, un plus afin que le peuple continue à pouvoir se regarder dans le miroir, et surtout pour ne pas laisse le terrain ouvert aux antis révolution, pour avancer comme ils le souhaitent, …
Aujourd’hui, il faut mettre la révolution numérique au service de la culture révolutionnaire, … créer des médias alternatifs, …
Personnellement, je suis 100 fois convaincu que les antis révolutionnaires sont très très forts et n’hésiteront devant rien, mais ils n’auront pas le dernier mot,… se regarder dans une glace ne sera jamais, plus jamais un droit exclusif pour eux …
Leur rappeler toujours que ben Ali harab, est une forme de lutte,… et je sais de quoi je parle !
Bonne fin de ramadan.
لقد أهدى إلينا من كان يسمى رئيس الجمهورية و رجل التحول أعظم هدية : هروب ، لم نرى مثله ، و أبناء التجمع المنحل و من يساندهم اليوم ، لنا عليهم حق و واجب التذكير بأن : بن علي هرب .
انها أيضا حرب نفسية .
يجب أن نفهم أيضا أن، في الحالة التي تمر بها البلاد اليوم ، أن الثورة هي معركة أفكار و معركة نفسية .. ربح معركة الأفكار ، ربح المعركة النفسية .. ثم يأتي التغيير درجة درجة …
بن علي هرب .
1- Citation: “Pourquoi préférons-nous mourir de faim que de honte ?”
Qui sont “nous”? le pipel tunizien comme l’appelait jadis l’illuminée Sonia Ben Toumia? ou bien “moi”, “vous” et peut-être “lui”, la personne physique identifié par un nom et un visage?
Commençons par le commencement, premier point d’orgue, coté lexique: Ce constat -résumé dans la citation ci-dessus- ne peut s’appliquer si l’on ne précise pas son objet, le “nous”. S’il reste vague, inclusif, large, ce “nous” devient sans identité et donc mène à un résultat faux! En guise d’exemples, devrais-je vous rappeler que le “nous” que vous avez défini a voté massivement pour le grand retour du “LEUR”? et encore, devrais-je vous rappeler les résultats des derniers sondages indépendants (menés par des institutions qui se respectent comme Gallup) qui démontrent que votre “nous” soutient massivement et prêt encore une fois à élire le “LEUR”?
Bref, le “nous” comme vous le définissez, n’est pas animé par la “dignité” mais plutôt par l’intérêt, un peu d’idéologie et beaucoup de régionalisme / corporatisme / clanisme. Ce “nous” ne voit aucun inconvénient que la loi dite de “réconciliation” économique soit adoptée si les bénéficiaires (le LEUR) continue à garantir le système de privilèges et de clientélisme installé dans ce maudit pays depuis des lustres. La dignité est contradictoire avec une telle attitude mesquine, arriviste et immorale (de mon point de vue bien sûr).
2- Citation: “Pourquoi les révolutions, toutes les révolutions, la nôtre comme celles qui l’ont précédée et suivie, et celles qui viendront, sont-elles des révolutions de la dignité ?”
Une révolution de dignité est menée par un peuple ou une population digne. Pas de dignité donc pas de révolution! Du coup, on comprend mieux pourquoi le LEUR est encore au pouvoir! En Tunisie, il n’y avait pas de révolution, parce qu’une révolution ne fait que balayer le système en place. Une fois le LEUR écarté, le succès ou l’échec d’une révolution se mesure par son aptitude à créer un nouvel ordre qui réalise les aspirations collectives des révolutionnaires. Il est indéniable que notre “LEUR” est encore en place, fort comme jamais, et surtout épaulé par le pouvoir idéologique et régionaliste de son ancien ennemi, les islamistes. Notre “LEUR” était là du temps des Beys, de la colonisation, de Bourguiba et de Ben Ali. il est encore en place! Déboulonnez-le d’abord puis on discutera de l’échec ou du succès de cette hypotonique révolution tunisienne!
3- Citation: “Nous voulions le pouvoir politique. Nous voulions que nous, le peuple, disposions du pouvoir politique comme instrument de notre dignité.”
Faux et archi-faux! Celui qui cherche le pouvoir politique comme instrument de dignité ne le cède jamais à l’instigateur de la “dictature de l’indignité”. Si c’est le cas, le mobile du premier ne peut être la dignité. Les insurgés de 1978, 1984, 2008 et 2010/2011, ne demandaient pas le pouvoir. Ils demandaient uniquement leurs parts dans le système des privilèges et de clientélisme mise au point par la dictature d’indignité. Imaginez une seconde quelqu’un qui se révolte pour avoir sa part d’indignité! Tragi-comique, n’est-ce pas?
Conclusion: les définitions et les éléments de langage sont d’une importance capitale quand on veut qualifier les phénomènes socio-économico-politiques. Premièrement, il faut éviter de prendre ses rêves pour une réalité. Le fait qu’on aspire à une révolution de dignité qui combat la corruption, l’oppression et les passe-droits, ne veut pas dire que tous les tunisiens le veulent. Deuxièmement, il faut faire attention à la réalité du terrain avant de lancer des théories sur des phénomènes socio-économico-politiques assez complexes. En effet, le peuple tunisien n’est pas animé par un dessein politique ou un quelconque idéal universel (de dignité, justice, liberté ou égalité). Il n’a ni la conscience ni les connaissances pour le faire. Il est plutôt animé par les désirs d’existence et de subsistance représentés par la base du pyramide de Maslow. Autrement dit, notre “grand” peuple n’a pas encore dépassé les besoins de son ventre pour que désormais se focalise sur les éléments de sa reconnaissance propre et par les autres!
Une ambition dont on n’a pas les moyens est un crime, aurait écrit Chateaubriand.
Aurions-nous dû davantage nous reconnaître dans le visage de monsieur Marzouki? Et, lui confier notre destin?
Qu’y aurions-nous gagné et quelles perspectives alternatives avantageuses nous aurait-il proposé, lesté de ses soutiens ou commanditaires qui gouvernent aujourd’hui sans lui?
Si le visage que nous renvoie notre miroir nous paraît étrange au point de ne pas nous y reconnaître, peut-être faut-il ne pas incriminer l’image mais déciller les yeux.
Aucun peuple n’est élu à vie, ni damné pour l’éternité.
Nous vivons d’autant plus heureux que les gouvernements sont déplorables.
Il est indéniable que MM Marzouki n’est pas représentatif de la “révolution de la dignité” telle que définie par l’auteur de l’article ci-dessus. Toutefois, il a jouit des votes de 45% des électeurs du deuxième tour. Est-ce que le pays aurait pu être mieux avec lui qu’avec le parrain des mafieux? Sans aller dans les comparatifs entre un vieux sénile, bourgeois et conservateur aux yeux bleus, descendant d’un majordome venue de Corse il y a plus d’un siècle et serviteur d’une longue règne dictatoriale, et un autre médecin populaire et populiste, intellectuel mais déséquilibré, descendant d’un père youssoufite décédé en exil, venant des confins de la Tunisie oubliée, les yeux noirs, la peau grise et les dents rouillées des eaux peu potables, opposant historique d’une dictature oligarchique et kleptocratique sans nom, je dirai que la crise aiguë dans laquelle le pays s’enlise graduellement n’est pas la conséquence du choix d’un homme qu’il soit bourgeois chic ou indigène mal vêtu! Il s’agit plutôt d’une crise plus profonde et plus globale: une crise de conscience, de valeurs, d’idées, d’idéaux, de personnalité, de dignité, de confiance en soi, d’abnégation, d’espoir, d’existence tout court ! Il s’agit d’un mal qui ronge des pans entiers de la société et par transition des institutions, des régions et des politiques. BCE et MMM ne en sont que d’infimes symptômes!
De quels commanditaires parlez-vous ? Si c’est d’Ennahdha, alors vous avez tout faux. Il n’a jamais été leur marionnette mais au contraire leur “caillou dans la chaussure”, celui qui leur a tenu tête à de multiples reprises malgré des prérogatives limitées. Et certains auraient gagné à voter pour lui, la situation aujourd’hui serait autre.
Quant à votre dernière phrase, qui se veut énigmatique…
@ Tounsi: vous connaissez sans doute mieux que moi le proverbe arabe: “le poisson pourrit par la tête”. Si MMM avait été élu, cela n’aurait peut-être pas changé tout de suite la majorité des tunisiens mais le fait d’avoir un homme intègre à la tête de l’Etat, capable d’impulser la lutte contre la corruption et de montrer l’exemple en matière de valeurs morales aurait pu entraîner petit à petit une sortie de cette sorte de désespérance dans laquelle les tunisiens sont aujourd’hui en train de plonger en voyant la corruption qui règne à la tête de l’Etat.
L’attribution du prix Nobel de la Paix en octobre 2015 a eu, en ce sens, un effet très délétère : certaines des personnes ainsi couronnées sont connues pour être des corrompus de premier ordre. La présence d’un Hédi Jilani, beau-père de Belhassen Trabelsi, à la cérémonie de remise du Prix est la cerise sur le gâteau. Ce Prix est vraiment celui de la honte et, malgré les apparences et les réjouissances officielles, il a contribué à aggraver la désespérance des tunisiens. Si même le Prix Nobel est attribué à des corrompus, alors à quoi bon essayer de mettre en pratique des valeurs morales en Tunisie aujourd’hui ?
Les soutiens qui furent ceux de monsieur Marzouki se recrutaient dans les rangs des activistes islamistes. Certaines de ses positions, comme sur le voile, ne me paraissaient pas très progressistes.
Je ne porterai pas de jugement sur ses partisans et garde, pour moi, le droit de m’en défier. Ce que j’ai fait sans illusion et sans regret.
L’islam politique donne à voir tout le mal qu’il est capable de faire et les musulmans en sont les premières victimes, ici et ailleurs. Ce qui suffit en soi pour s’en éloigner.
Quant à l’hypothèse d’une politique autre et plus attentive aux humbles, ce qui a lieu en terre d’Islam démontre le contraire.
Parmi ceux qui supportaient ce candidat, il y en a qui gouvernent le pays. Tout à leur succès comme fit la troïka en son.temps, avec une assurance digne des cancres.
@Zenobie: Sur un plan individuel et personnel, si vous me demandez de choisir entre BCE et MMM. Il est clair et certain que je choisisse MMM puisque pour moi, BCE, tout comme son amoureux Ghannouchi, n’est qu’un vulgaire criminel au costard-cravate (costard-barbe pour son complice) qui n’est bon qu’au mieux pour une cellule de 5m2 dans le quartier haute sécurité de la prison El Mornaguia. Je ne fais aucune illusion à cet égard! Toutefois, sur un plan purement politique, je ne peux privilégier MMM à BCE. Tous les deux sont destructeurs et mesquins.
En effet, c’est vrai que MMM est un homme intègre. Ses collaborateurs (ou la majorité parmi eux) le sont beaucoup moins (Affaires Maater et Ben Amor comme exemples). C’est vrai que MMM prone la lutte contre la corruption (BCE le fait aussi). Mais quand il était aux affaires il n’a rien fait de concret. Prérogatives limitées me dites-vous? Pourquoi il a accepté une présidence avec de telles prérogatives si ce n’est pour l’ambition personnelle et la revanche de l’histoire? Le crime le plus grave de MMM, selon moi, c’est sa trahison de ses électeurs (moi compris) en vendant 30 sièges de l’ANC à Ghannouchi et ses sbires pour une présidence vide de sens et au dépens des intérêts suprêmes du pays. Il a du moins empêché l’émergence d’une troisième voie (voix) qui permet d’esquiver la peste islamiste et le choléra bourguibo-novembriste!
En plus, c’est vrai que MMM est un défenseur des droits de l’homme, des libertés, des principes démocratiques, etc. Il a tout défendu dans ses livres et ses écrits. Il l’a fait beaucoup moins quand il était dans les chaussures du “président”. Rappelez-vous sa position des événements du 9 avril 2012 où police de la dictature et milices nahdhaouies s’entraident à casser les os de tous les manifestants, y compris Mohamed Brahmi yar7mou, ou pendant les événements de Siliana où des dizaines de manifestants ont perdu la vue par les tirs de chevrotine, ou encore pendant que les blessés de la “révolution” se font massacrés sur les pas du ministère d’un certain Samir Dilou, etc. etc. Quel était sa position pendant ces événements? Au mieux un silence complice, au pire une prise de position claire du coté de la police et du gouvernement!
MMM a esquivé les questions de justice transitionnelle. Un certain Ayoub Messoudi raconte qu’il disait “mouch we9tou” concernant la reddition des comptes des RCDistes. Il est allé même jusqu’à recevoir des caciques de Ben Ali au palais. Il a pris des positions peu responsables dans plusieurs dossiers concernant la politique étrangère du pays (Syrie, Égypte et autres). Il faisait les yeux doux jusqu’au bout au guide suprême des nahdhaouies dans l’espoir qu’il soit reconduit à la tête du pays. Mais trop tard, ses élucubrations insensées ont fait de lui un fardeau insupportable. Il est désormais le temps du Tawafo9 entre les deux vieux pour une alliance stratégique Nahdha/Ancien Régime dans l’option de bâtir un pouvoir stable et indéboulonnable, couvert par les puissances occidentales et les bailleurs des fonds. Les deux vieux savent que l’explosion sociale est imminente et il faut faire front commun: Administration bourguibo-novembriste, police terroriste et islamistes bien ancrés, pour (1) briser toute éventuelle insurrection syndicale et (2) profiter des bases nahdhouies pour encadrer la rue si nécessaire. Si cela ne peut vous convaincre, je vous rappelle deux fameuse citations de responsables nahdhouies: la première “Si Ben Ali avait reconnu Ennahdha, jamais la révolution n’aurait lieu” (Rached Ghannouchi, Février 2015 au micro de Shems FM), et la deuxième “Ennahdha met ses bases à la disposition de l’état pour assurer la sécurité du pays” (Un certain Imed Hammami durant les manifestations de Kasserine). L’image est-elle plus claire menant?
Conclusion: MMM est bon, trop bon pour un intellectuel de salon. Il est zero, nul, vide et même dangereux comme politique et encore plus en tant que commis de l’état. Si vous voulez une sortie de crise, ne cherchez surtout jamais du coté MMM.
La position de MMM sur le voile est celle de la tolérance. En clair, “laissez tranquilles les femmes voilées” et passez à autre chose.
Quant à dire que ses soutiens se recrutaient parmi les activistes islamistes, c’est un peu fort de café quand on sait à quel point les islamistes l’ont lâché justement, à commencer par les plus actifs.
Enfin, je serai curieuse de savoir qui, parmi les soutiens de MMM, fait partie aujourd’hui du gouvernement ?
Chère @zenobie, le texte de monsieur Khiari suscite mon intérêt par ses qualités propres:humour, provocation et ironie.
Dans les moments désespérés, l’humour peut s’avérer l’arme unique pour garder une fenêtre ouverte sur le futur.
Monsieur Marzouki et d’autres, seraient une parenthèse dans l’histoire du pays, et la vie des gens m’importe plus que ces piètres personnages.
Pour le reste, tounsi vous fait une réplique bien circonstanciée à quoi je ne veux rien ajouter, même si elle ne recueille pas toute mon adhésion sur la forme, et quelles que seraient mes réserves sur des éléments rapportés.
Avoir recouvré la liberté de s’exprimer, de lire ou d’écrire sans péril est en soi un signe que les temps ont changé.
C’est le début d’une nouvelle ère. À nous d’oeuvrer pour que cela, au moins, ne soit point sacrifié.
Vous avez vos raisons pour soutenir votre point de vue, que je ne partage pas. Pour autant, je dialogue avec vous, comme avec d’autres.