Zine El Abidine Ben Ali avec Nicolas Sarkozy à Paris lors du sommet \"Processus de Barcelone: Union pour la Méditerranée\" le 13 juillet 2008.

Le régime de Tunis, indépendamment du chef de gang en exercice, tout au long d’un demi-siècle est indiscutablement devenu un grand professionnel en faux et usage de faux. Avec tant de temps il a fini par réunir toutes les caractéristiques méphistophéliques inhérentes à une bande de gangsters. Des gangsters qui agissent avec une énorme dextérité. Ils sont sûrs d’eux-mêmes, conscients d’être à l’abri de tout rendement de compte, et, surtout immunisés de toute poursuite en justice.

Il n’y a aucun doute que ce régime et tous ses membres jouissent de la protection et de la bénédiction constante des puissances occidentales. Ce sont elles et particulièrement la France, depuis celle de Mendès France jusqu’à celle du plus anti-arabe et le plus islamophobe Nicolas Sarkozy. Quant au reste des membres de l’Union Européenne, tous sans exception aucune, sont disposés à prêter main forte au régime avec tous les moyens en cas de « danger ».

À partir de là reconnaître à ce régime des “réussites éclatantes” sur tous les plans, économiques, sociaux, droits, justice etc. reste très peu de chose, une bagatelle, à côté du matériel de répression tous azimuts y compris celui médiatique qu’ils lui fournissent sous différentes formes.

Sarkozy a déclaré à plusieurs reprises qu’il va de la sécurité de la France et des français d’aller combattre les “Talibans”, à plus 10.000 lieux de Paris, en Afghanistan. Que dire dès lors si jamais cette fameuse sécurité qui veut dire – doit dit en passant- tout à fait autre chose, se trouve un jour, comme au temps d’Hannibal ou d’Hamilcar Barca, menacée par des nouveaux carthaginois. N’est-ce pas une raison de poids pour toute l’Europe de maintenir le Sud de la Méditerranée totalement neutralisé pour tous les siècles possibles ?

Et qui de mieux que ces individus, de la pire espèce, à asseoir confortablement au pouvoir, les approvisionner de tout le matériel et de toutes les munitions indispensables afin de maintenir le peuple hors d’état de nuire?

– Lors de l’installation sur le “trône” du tsar Ben Ali, la France de Mitterrand et l’Italie des mafieux Andreotti et son compère Bettino Craxi, allaient entrer en guerre. Chacun revendiquait les attributs de ce qu’on appelle le “coup d’état médical” comme prouesses de ses propres services secrets et par conséquent c’est à lui que revient le mérite de s’approprier la plus grande part du gâteau.

Voir le régime tunisien en dehors de cette optique, c’est faire abstraction de la plus grande partie de la vérité et réduire la question à un dictateur parfaitement souverain de la nature, par exemple, d’un Franco en Espagne. Hors ce n’est pas du tout le cas. Le général Franco était réellement un général sur le terrain. Le terrain d’une guerre civile qui va durer trois ans (1936-1939) et faire plus de 800 mille morts et 350 mille exilés. Mais une fois cette guerre terminée et Franco sorti vainqueur, il va installer l’Espagne sous une dictature réelle qui va durer 40 ans. Pas un an de moins. Le côté, sans aucun doute horrible et tragique, d’une guerre civile et la non moins horrible dictature n’enlève rien au fait que l’Espagne était durant tout ce temps un pays parfaitement souverain. En tout cas ne recevant des instructions d’aucune nature d’aucune puissance. Même la brève rencontre qu’il a eu avec Hitler n’avait en rien entamé sa détermination pour en ce qui concerne l’intégrité du pays sous son impitoyable dictature.

Aucun des pays, aucune des institutions européennes n’étaient en mesure de toucher à cette souveraineté même dans les moments les plus durs car la souveraineté reste le pilier fondamental dans la vie d’un peuple ou d’un pays. À présent et la satisfaction des deux parties c’est chose faite. L’Espagne a – depuis 1986 – intégré, pour le bien et pour le pire, l’Union Européenne.

Mis à part les américains des États-Unis, qui avaient échangé quelques subsides économiques contre des bases militaires, destinées à faire face au bloc de l’Union Soviétique de l’époque, mais en aucun cas pour s’immiscer dans les affaires du pays ni de dicter au dictateur des instructions quelconques. Avec toutes les retombées négatives de la guerre civile, la misère était immense en Espagne, mais la fierté d’être souverain ne dépendant d’aucune puissance étrangère ni européenne, ni autre, était – comme elle devrait l’être pour tout pays et tout peuple digne une valeur inestimable dans son présent comme pour son futur. Donc durant quarante ans aucun pays européen n’a apporté la moindre collaboration économique à l’Espagne. Le seul pays qui a en quelque sorte soulagé les populations de la faim c’était l’Argentine du général Péron. D’ailleurs tous les pays européens ensemble ont tout fait pour l’isoler et la mettre en quarantaine comme s’il s’agissait d’un pays pestiféré. Les français ont considéré durant tout ce temps qu’au-delà des Pyrénées, c’est l’Afrique ! Et que ça crève. Tous invoquaient à l’unisson, comme argument majeur, le caractère dictatorial du régime. Et il s’est agi effectivement d’un authentique dictateur.

Quand Franco est mort, le 20 novembre 1975, tout le monde savait que le glas de la dictature avait bien sonné en Espagne. C’était une réelle dictature que dirigeait un homme et avec sa mort elle s’est immédiatement effondrée. Il est vrai que l’Espagne postérieure à Franco, soit devenue, matériellement parlé, immensément prospère, mais il est une vérité indiscutable qu’elle ait troqué la souveraineté propre contre une nouvelle. Celle de toute l’Union avec ce qu’elle implique comme l’arrogance agressive qui caractérise tout l’Occident envers tous les autres peuples de la planète. Au nom de la démocratie, espagnole, européenne ou occidentale, les troupes et les mercenaires espagnols se trouvent aujourd’hui aux quatre coins de la planète et particulièrement dans les pays arabes et musulmans. La « Reconquiste » n’est pas achevée ! Pour ce qui est de la très loin Amérique du sud, les espagnols, leur roi en tête, se la disputent aux américains comme étant leur arrière cour ou leur patio historique. Pour s’en convaincre par exemple de ce fait, il n’y a qu’à voir comment sont traités, ou plutôt trainés dans la boue, les dirigeants indigènes du Venezuela, de l’Équateur Rafael Corréa, du Nicaragua Daniel Ortega ou celui de la Bolivie Evo Morales. Dans tous ces pays et beaucoup d’autres de ce continent, les multinationales espagnoles, eh oui il y a aujourd’hui des innombrables multinationales espagnoles aussi avides de profits que les autres occidentales et qui sont pour tous ces pays de véritables vampires. En tout cas, il y aura je pense d’autres occasions pour entrer dans les détails et les tentacules de la nouvelle et « démocratique » Espagne. Mais revenons à présent au sujet qui est à l’origine de ces réflexions.

En Tunisie les racines du mal ne se trouvent pas ni à Carthage ni à Tunis, elles se trouvent bel et bien dans les bureaux de l’Élysée, ses services secrets, son « Pentagone » et dans toutes les autres instances et chancelleries européennes qui se qualifient pompeusement d’institutions démocratiques, pérennes, au-dessus de tout soupçon et en plus incorruptibles. Alors que la corruption en Occident n’est ni circonstancielles ni de date récente, elle est parfaitement structurelle.

La France de Sarkozy qui maintient son bouclier français dit “l’Épervier” dans tous les états africains, autrefois directement colonisés et le sont aujourd’hui aussi bien et parfaitement comme d’ailleurs c’est le cas de toute l’Afrique. L’Afrique colonisée hier et recolonisé de nos jours saigne de partout. Elle continue à être impitoyablement massacrée déchiquetée et surtout pillée pire qu’avant. Oui par l’homme blanc européen, le même homme de tous les temps.

Non content, monsieur Sarkozy qui a promis de faire mieux que ses prédécesseurs dans le domaine y compris celui de « l’amour » dans sa version plutôt pornographique, a ouvert des nouvelles succursales militaires pour les marines français au cœur même du monde arabe et musulman. En effet les troupes françaises campent à leur aise à Qatar, en Arabie dite “Saoudite”, aux Émirats dites arabes, et ce, sans parler ni du Liban, ni du Maroc, ni de la Tunisie ni même de l’Algérie de son “ami” Abdelaziz Bouteflika. Une amitié bien insolite en tout cas. Tant pis pour le million et demi de martyrs. De toutes manières les « forces armées » autochtones dans ces dernières régions arabes représentent, pour la France en premier lieu et pour le reste des occidentaux par la suite, plus de garanti que la présence sur le terrain de leurs propres troupes ou mercenaires.

De toute manière le même scénario de faux usage de faux et escroqueries de toutes les dimensions, dont il est question à Tunis, se répète avec la même froideur et la même infamie dans tous ces pays arabes, musulmans ou africains. Et l’ogre ne lâche pas prise. La féroce voracité de l’homme blanc est toujours aussi vive. Elle n’a pas changé d’un iota depuis des siècles. Ce ne sont que les moyens utilisés, pour la même finalité, qui changent selon les circonstances du moment et les stratèges de chaque époque. Ou encore mieux l’homme occidental maintient toujours la même règle du jeu vis-à-vis des autres peuples : Pile je gagne, face tu perds !

Aucun de ceux qu’on appelle les dictateurs arabes n’a les caractéristiques d’un authentique dictateur comme l’était le général Francisco Franco.

Les espagnols depuis qu’ils se sont installés dans leur démocratie et surtout dans leur fraîche opulence, ils ont retrouvé le même appétit impérial d’antan et agissent avec la même agressivité et avec des instruments de duplicité encore plus sophistiqués que leurs autres coreligionnaires européens et traitent les Ben Ali, les Kadhafi, les Sultans du Golf et surtout Abdelaziz Bouteflika (Le « propriétaire » à l’instar des sultans du Golfe, du gaz de Hassi Massoud qui y est pour beaucoup) sans oublier Sidi Mohammed VI, comme des authentiques dirigeants élus au suffrage universel.

Dans le cadre de ce qu’ils appellent les consultations bilatérales, tous passent périodiquement par Madrid, comme c’était le cas, il y a quelques semaines de Monsieur Ghannouchi, le premier ministre de Ben Ali, sans pour autant soulever le moindre sentiment de répulsion d’aucune nature, même pas au niveau de ces fameuses “ONG” locales.

Probablement les termes qui qualifient leur réelle espèce à tous, une espèce qui dépasse de loin, dans l’horreur jusqu’à la nausée, le fait dictatorial, ce sont probablement les termes comme “Pinochet” “Batista” ou “Somoza” car les noms de ces abjects individus sont réellement des synonymes de toute la vilénie et de l’infamie humaines. Le stade le plus bas, dans l’horreur, que pourrait atteindre l’être humain. Pourtant le lexique propre à l’intelligence occidentale résiste encore à les intégrer en tant que tels. Il y a même ceux qui pensent, à titre posthume, à la réhabilitation pure et simple de ces exécrables personnages. Et tant que l’Occident est ce qu’il est, c’est à dire loin, très loin de renoncer à sa féroce avidité, on a des Pinochet et des, Batista et des Somoza, dans le monde arabe et ailleurs encore pour longtemps.

Finalement nous n’avons pas affaire à des dictateurs, nous avons affaire à de puissants mercenaires. La différence est énorme. Il n’y a aucune comparaison.

Le fait qu’il y ait des dizaines de « dictateurs » dans le monde arabe prouve parfaitement qu’on n’a pas affaire à des dicteurs, mais bien à des mercenaires au vrai sens du terme. Un seul dictateur, de la trempe d’un Franco, dans tout le monde arabe aurait été réel, suffisant et aussi amère soit-il, parfaitement plausible pour ne pas dire acceptable. Avec un seul dictateur dans le monde arabe, la délivrance aurait pu être depuis très longtemps acquise…

C’est sûr qu’il y a aura un prochain mandat pour Ben Ali, jusqu’à 2014, et ce n’est un acte de pessimisme de ma part. À moins que la crise actuelle ne soit beaucoup plus qu’une crise mais une fin de monde. Un certain monde. Ou la fin d’un monde qui n’a jamais cessé d’être incertain pour la plupart de ceux qui ont habité cette planète depuis Christophe Colomb.

Note : Cet article est une version un peu plus approfondie et améliorée du commentaire que j’ai fait le 20 novembre dernier à l’article “Encore une escroquerie de la TAP via l’International Herald Tribune” posté par M. Astrubal.