EditoLouis XVII, répondant à une députation de la Chambre « ultraroyaliste » de 1815 chargées de lui présenter un projet de loi, avait dit : « qu’une pareille Chambre semblait introuvable », tellement ravi de se trouver en parfaite communion d’idées avec ses députés. Mal élus et s’exerçant exclusivement à se concilier les bonnes grâces du régime, cette Chambre était l’expression la plus outrée de la réaction royaliste. C’est bien à ces hommes, qui allaient plus loin que le roi lui-même dans la voie réactionnaire, que convenait l’expression si souvent répétée : plus royaliste que le roi. Prés de deux cent ans plus tard et au risque de démentir le roi de France, notre président, vient de trouver sa « chambre introuvable ». Et signe de l’excellence tunisienne, il en a même trouvé deux !

A peine quelques jours après les inévitables festivités du 19ème anniversaire du « changement », et alors que le président venait de s’engager à « réformer le système politique, aujourd’hui étroitement contrôlé, pour l’ouvrir à une « concurrence équitable » », La chambre des députés et celle des conseillers, excusez du peu, ont accouché d’une déclaration commune pour appeler « l’actuel président Zine El Abidine Ben Ali à renouveler sa candidature aux élections présidentielles de 2009 pour briguer un cinquième mandat de cinq ans » !

Aussi tôt, le bien nommé, Mr Ben Dhia, répond la bonne nouvelle en l’annonçant au peuple tunisien, on n’y allant pas avec le dos de la cuillère, pour dire tout le bien qu’il pense de cet appel solennel et bien évidement spontané. La suite a déjà des airs de déjà-vu. Le patronat, les cadres du parti, les intellectuelles patentés et les opportunistes de tous bords vont rivaliser d’ardeurs « patriotiques », évoquant des raisons aussi diverses que discutables à l’instar de son proche conseiller, qui justifie cette fièvre partisane par la reconnaissance que nous devons à son président « pour les acquis enregistrés en Tunisie grâce à sa politique judicieuse et éclairée ».

Que c’est il alors passé ? Pourquoi lancer maintenant et à peine à mi-mandat, cet appel qui semble-t-il et selon des sources bien informées, a surpris même au plus haut niveau ? Est-il la réponse à l’invitation lancée par le président aux « politiques, les organisations nationales et les intellectuels », à « approfondir leur réflexion » et à « exposer leurs points de vue et leurs propositions » ? Si c’est le cas le président ne peut qu’être ravi de savoir qu’il n’a même plus besoin de penser à sa réélection. D’autres s’en occupent à sa place. Il peut également se réjouir que les seules propositions qui s’expriment soient celles qu’il attendait. Ceux qui lui sont opposés préfèrent l’indignation de circonstances aux propositions concrètes.

Voilà où nous en sommes ! Le pouvoir corrupteur du système est tel qu’il n’a plus besoin d’exercer la moindre contrainte sur ces sujets. Ces derniers réclament leurs chaînes et revendiquent leurs soumissions au nom du peuple mais en réalité aux seuls bénéfices de leurs propres intérêts. Ils sont tellement dépendants d’un schéma de pensée, d’une certaine construction mentale, qu’ils sont incapables de se voir autrement qu’en bons petits soldats au service de cette formidable machine du « changement démocratique ». Pire encore, ils sont devenus, des farouches défenseurs d’un système dont-ils sont plus dépendant qu’il ne l’est d’eux. C’est à ce demander s’ils ne constituent pas en réalité, le véritable obstacle au véritable changement.

Il est clair que ceux qui ont soutenu et permis au régime en place de s’installer et de prospérer deviennent aujourd’hui ses plus fidèles gardiens. Non pas, par amour pour ses tenants, ni par patriotisme exacerbé mais tout simplement par instinct de survie. Les avantages qu’ils en tirent et les manquements qu’ils ont commis pour les obtenir, les rendent non seulement « plus royaliste que le roi » mais également plus dangereux et plus néfaste pour les intérêts du pays, que « le roi » qu’ils acclament.

Malek Khadhraoui
http://stranger-paris.blogspot.com