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Par Ali GUIDARA, conseiller scientifique

Citoyen tunisien

À la veille de la célébration du 63e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, notre assemblée nationale constituante a fait preuve de génie – génie rétrograde s’il en est – en votant l’article 8 avec une majorité malheureusement très confortable. Écartant d’emblée un bon nombre de nos concitoyens à la candidature présidentielle, cet article nous rappelle en effet de vieux souvenirs douloureux, ceux de l’exclusion arbitraire d’une partie des Tunisiens.

Alors qu’une révolution d’une grande civilité a fait naître l’espoir de rentrer de plain-pied dans le XXIe siècle et qu’une grande majorité de Tunisiens espérait voir émerger une démocratie nouvelle moderne et avant-gardiste, de préférence sans les défauts ni les faiblesses de certaines démocraties vieillissantes, nos élus ont choisi de nous garder collés à un modèle périmé.

Pendant que la mondialisation offre une plus grande ouverture sur les cultures, les différences, la mobilité et les citoyennetés ouvertes et transnationales et pendant que des démocraties fortes accordent de plus en plus le droit de vote aux résidents étrangers, nous faisons un bond en arrière en créant deux catégories de citoyens, des vrais… et des moins bons !

Faisant preuve d’une imagination fertile – et d’un grand écart moral –, nos élus n’ont pas hésité à évoquer certains modèles démocratiques occidentaux pour justifier le cumul de mandats, tout en omettant ces modèles lorsqu’il s’agit de candidatures à la présidentielle de binationaux ou de Tunisiens issus de couples mixtes, ou encore de citoyens non musulmans. Dans les sociétés évoluées, cela s’appelle de la discrimination et la constatation première que l’on peut en tirer est que notre assemblée constituante n’arrive à nous proposer qu’un embryon de démocratie primitive, dans une vision étriquée de l’avenir et de la modernité.

Tout le monde sait que, dans les faits, la candidature à la présidentielle ne concernera que bien peu de binationaux. Mais c’est une question de principe et de respect des droits fondamentaux, auxquels les Tunisiens aspirent depuis trop longtemps.

Espérons que ce faux-pas sera réparé dans l’élaboration de la version finale de la constitution. Sinon, c’est la porte ouverte à ce que l’État tunisien soit traîné devant la  justice internationale pour non-respect de ses engagements internationaux en matière de droits humains.

Soyons vigilants. Les droits humains ne sont pas négociables.