La Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) est consternée par l’extradition vers la Libye de l’ex Premier Ministre du régime de Muhammar Khadafi, M. Mahmoudi Baghdadi, malgré les nombreux appels des organisations de défense des droits de l’Homme nationales et internationales de ne pas l’extrader compte tenu des risques qui pèsent sur la sécurité et l’intégrité physique de sa personne dans son pays.

Mr. Baghdadi était détenu illégalement en Tunisie depuis fin septembre 2011 après avoir été arrêté alors qu’il se rendait par la route en Algérie. Ses avocats contestaient la légalité de sa détention. Dans une lettre ouverte adressée aux autorités le 21 juin 2012, la FIDH s’est inquiétée de la légalité et des conditions difficiles de sa détention et a déploré le fait que ses avocats ainsi que des membres de sa famille aient été empêchés de lui rendre visite. La FIDH avait également demandé instamment aux autorités tunisiennes de ne pas procéder à l’extradition de Baghdadi.

Outre le fait qu’elle contredit la volonté de la Tunisie de se conformer à l’état de droit, la décision du gouvernement tunisien de livrer M. Baghdadi aux autorités libyennes sans l’accord du Président de la République et sans en informer ses avocats constitue une violation flagrante des obligations internationales de la Tunisie ainsi que du droit interne tunisien. En effet, l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ratifiée par la Tunisie en 1987 dispose qu’ « aucun Etat partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ».

De plus, l’extradition de M. Baghdadi, demandeur du statut de réfugié auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, est aussi contraire à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, à laquelle la Tunisie a adhéré, dont l’article 33 (1) intitulé “Défense d’expulsion et de refoulement” dispose qu”Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

D’autre part, l’extradition est une affaire de politique extérieure de l’État et de ce fait devient contraire à l’article 11 (1) de la loi constitutionnelle portant organisation provisoire des pouvoirs publics qui dispose : “… le Président de la République et le Président du gouvernement se concertent et fixent par consensus la politique étrangère de l’Etat.

Enfin, le code de procédure pénale tunisien, toujours en vigueur, prévoit dans son article 324 que « lorsque l’avis est favorable, le gouvernement est libre d’accorder ou non l’extradition. Si l’extradition est décidée, le secrétaire d’État à la justice propose à la signature du Président de la République, un décret autorisant l’extradition. ».

La FIDH rappelle que Mr Baghdadi devra répondre de sa responsabilité dans les violations graves des droits de l’Homme qui ont été commises sous le régime de Muhammar Khadafi, mais s’inquiète que les conditions d’un procès équitable ne soient pas réunies en Libye.

La FIDH demande aux autorités libyennes de s’engager publiquement à protéger l’intégrité physique et psychologique de M. Baghdadi et à lui garantir un procès équitable conformément aux standards internationaux.

La FIDH considère que le gouvernement tunisien a engagé la responsabilité internationale de la Tunisie en procédant à une extradition contraire à ses engagements internationaux.

Elle demande au gouvernement tunisien de faire savoir s’il a obtenu des engagements du gouvernement libyen concernant la sécurité et l’intégrité physique de M. Baghdadi, le cas échéant de les rendre publics, de même que le dispositif de suivi qu’il aurait mis en place ou serait prêt à mettre en place pour s’en assurer.