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Ennahdha014

Par Abdelmajid Haouachi

Une quasi unanimité règne chez les observateurs avertis au sujet de la journée historique du 8 février 2013, celle des funérailles de Chokri Belaid.

Le magma humain qui a envahi Tunis à l’occasion des adieux au martyre témoignait d’un scrutin populaire mille fois plus expressif que celui du 23 octobre 2011. Un million quatre cent mille Tunisiennes et Tunisiens étaient là de leur plein gré pour dire qu’ils ont vomi Ennahdha et ses appendices.

L’occasion était peut-être là pour marcher sur la Constituante. Le cas échéant, l’on se demande s’il n’est pas encore temps de revendiquer un référendum populaire pour se prononcer sur la légitimité d’Ennahdha incarnée par cette institution tragi comique qui n’a plus rien d’une constituante.

Promptement, Béji Qaid Sebsi le chef de Nidaa Tounes a revendiqué la dissolution de la Constituante. Il faut avouer que ça aurait été un coup de maitre d’un stratège politique s’il n’a pas hésité et fini par renoncer à une alternative on ne peut plus opportune. Mais c’est de Hamma Hammami et du front populaire que la déception est, encore une fois, survenue. Déclinant l’éventualité du grand assaut populaire sur la Constituante, la direction du Front Populaire s’est contentée d’un appel à un congrès de salut débouchant sur un gouvernement de crise.

Parbleu ! il fut un temps où nous poursuivions notre rêve de la Révolution qui a failli s’évaporer en chimères. En ce temps là nous n’avions de cesse à supplier le peuple pour qu’il se ranger de notre coté contre la dictature.

Ironie de l’histoire, aujourd’hui, c’est le peuple qui persiste à nous exhorter, à Sidi Bouzid, à Siliana, au Kef et notamment le 8 février à Tunis à rejoindre le vrai combat.

C’est que les élites, ceux qu’on a coutume de dénommer « classe politique », faute de défier leurs adversaires dans l’arène la plus digne de la Révolution, ont choisi les escarmouches de l’échiquier politicien, des tractations et des manœuvres sur le remaniement ministériel qu’Ennahdha est en train de mener pour torpiller et dissoudre la grogne populaire.

Les politicards toutes tendances confondues au lieu de faire valoir la volonté du peuple se sont occupés des basses besognes de la chose publique et il n’est pas étonnant que certains d’entre eux changent le fusil d’épaule et se rangent du coté d’Ennahda !

Au même moment, les milices d’Ennahdha et de la Salafia sont en train de se positionner dans les quartiers populaires pour avorter toute insurrection dans ces lieux et se mettre fin prêts à toute éventualité de guerre civile. Arrêtez donc messieurs vos hypocrisies et vos craintes sur les intentions de ces derniers de « remplacer les forces de l’ordre ».

Pourtant, le 6 février, j’ai vu la grandeur de mon peuple. Le 8 février j’ai encore mesuré cette grandeur. C’est dans une clinique du quartier huppé d’Ennasr que Chokri a été conduit d’urgence. A sa mort j’ai vu les sanglots des femmes, leurs évanouissements, leurs lamentations et leurs chaudes larmes. Moi qui suis originaire d’un quartier populaire et qui a tant défendu mes convictions de gauche, j’ai réalisé ce jour là combien sont futiles les clivages de classe devant cette communion de mon peuple dans le choc émotionnel, la douleur et le chagrin. Et que dire encore du 8 février ?

L’enseignement politique était là et sans appel pour les militants authentiques. Seule une fusion des formations avec l’âme de ce peuple, poignardé dans le dos, devait donner la mesure aux terroristes. Le Front populaire et Nidaa Tounès devaient, sans hésiter, s’unir et s’identifier aux revendications populaires pour évincer le fascisme nahdhaoui. Il faut battre le fer quand il est chaud diriez vous, quel gâchis ! Mais il reste peut-être une chance : celle de défier les fascistes et d’appeler à un référendum sur la dissolution de la Constituante qui, ne l’oublions pas, est l’accoucheuse du gouvernement.

Une telle alternative pourrait être discutée et imposée par l’union de toutes les forces démocratiques, voir même avec l’obédience de l’armée nationale. Au demeurant, une chose est certaine, la Tunisie a désormais à son actif un rempart démocratique contre le fascisme constitué d’un peuple intelligent , lucide et vigilant. Après le 8 février, le rejet du fascisme est l’attitude la mieux partagée des Tunisiennes et Tunisiens. Mais pourvu que les politiques s’élèvent au niveau de cet élan historique consacré le 8 et les 6 février derniers.