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Les liens historiques entre les Frères musulmans égyptiens et Ennahdha existent depuis la création du parti islamiste. Influences, liens intellectuels et historiques, la relation entre les deux mouvements est mise à l’épreuve depuis la chute du président Morsi en Égypte et la crainte d’un scénario à l’égyptienne.

Un lien « émotionnel », c’est ainsi que l’on pourrait décrire la liaison Frères musulmans et Ennahdha. Forts d’un héritage commun, les deux partis se sont influencés l’un l’autre au fil des années, bien que les trajectoires aient été différentes. Même répression, même exil forcé pour certains, même difficulté à se faire accepter sur la scène politique, même victoire aux élections post-révolutionnaires, les analogies entre les deux partis sont aisées. Surtout lorsque des membres fondateurs d’Ennahdha, comme Abdelfattah Mourou ou encore Rached Ghannouchi, avouent volontiers avoir lu et digéré les écrits d’Hassan Al Bana, le fondateur des Frères musulmans en 1928.

Proximité idéologique et historique, ce lien entre les deux mouvances est mis à l’épreuve lorsque, le 3 juillet, le président Morsi est renversé par l’armée égyptienne et que commencent les affrontements entre pro-Morsi et anti-Morsi. Tout en affirmant une distance politique avec les Frères musulmans, le parti islamiste se doit de montrer une certaine loyauté mais tout change lorsque l’assassinat de l’opposant Mohamed Brahmi pousse également Ennahdha à faire face aux militants d’un “renversement” et parfois même d’un “scénario à l’égyptienne”.

A force d’amalgames dans les discours, le parti Ennahdha et celui des Frères ne font plus qu’un, or la comparaison montre aussi des divergences historiques et politiques.

La « tunisianité », un facteur de différenciation

Sur le plan idéologique et politique, les Frères musulmans et le parti Ennahdha se sont en effet distanciés depuis plusieurs années. Si Rached Ghannouchi s’inspire allègrement des Frères musulmans en rentrant de ses études à Damas pour fonder Ennahdha dans les années 70, avec l’Association pour la sauvegarde du Coran dès les années 80, la rupture est consommée lorsque le mouvement veut devenir un parti politique. En 1987, Habib Mokni, représentant du Mouvement de la tendance islamique (MTI) en France, déclarait dans une interview que la différence majeure entre les Frères musulmans et le MTI était «l’adaptation à la réalité », et décrivait déjà la société tunisienne comme bien différente de la société soudanaise ou égyptienne, où les Frères musulmans étaient implantés.

La spécificité du parti est marquée par plusieurs facteurs, comme le souligne Vincent Geisser dans son livre écrit avec Michel Camau, Le syndrome autoritaire, politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali (2003).

« La valorisation de la tunisianité (distanciation consciente par rapport au modèle des Frères musulmans égyptiens), l’obsession du légalisme dans l’action (la volonté d’être reconnus par le pouvoir), le rapport ambivalent à la violence (utilisée mais considérée comme un tabou suprême), l’adhésion à un certain féminisme sociétal (discours sur l’égalité des sexes et promotion des femmes au sein du mouvement) et la vocation unanimiste, voire monopolistique (la difficulté à se détacher du complexe de l’État-parti). »

Vingt ans plus tard, c’est cette notion de « tunisianité » qui semble être encore choisie par les différents membres d’Ennahdha lorsque certains comparent le scénario égyptien au scénario tunisien. Riadh Chaibi, membre du bureau exécutif du parti Ennahdha et auteur d’un livre récent sur les Frères musulmans, « Al hiwar elfikri-essyassi » (2013), parle d’une problématique qui parcourt la mouvance depuis des années : « Comment être au plus proche des coutumes des Tunisiens ? Comment aller vers la tunisification du parti ? »

Début juillet, juste avant la chute de Morsi, le Premier ministre Ali Larayedh déclarait dans un entretien sur France 24 : « La Tunisie n’est pas l’Égypte ». La volonté de se distancier des Frères sur le plan de la réalité politique est explicite.

Or, face aux événements, le parti doit également montrer sa solidarité avec les Frères, avec qui il entretient un lien symbolique via son leader Rached Ghannouchi.

Rached Ghannouchi et Youssef Al Qardawi

Le leader d’Ennahdha a été très influencé par la pensée des Frères, et il reste encore aujourd’hui membre de plusieurs organisations en lien avec le mouvement, comme le Conseil européen de la fatwa. Le président du Conseil n’est autre que le célèbre prédicateur Youssef Al Qardawi.

Pour la chercheuse et islamologue tuniso-allemande Khadija Katja Wohler, cette proximité entre les deux cheikhs témoigne d’une allégeance indéniable aux Frères . « le livre récent de Rached Ghannouchi, « Al-ouasatiyya 3inda Youssouf al-Qaradhaoui » (La voie du juste milieu chez Youssef al-Qardawi), où il présente avec une grande admiration, sans la moindre critique, les grand traits de l’idéologie de Qardawi, banalisent totalement ses positions extrémistes et laissent sous-entendre une adhésion inconditionnée. »

Pour un jeune membre d’Enanahdha, cette fascination pour le cheikh Qardawi reste à relativiser dès lors qu’il s’agit du parti Ennahdha :

« Il y a certainement une influence spirituelle incontestable sur le parti. Notamment sur la notion de consensus entre l’ensemble des courants idéologiques et communautaires, considéré par Qardawi comme une exigence à l’émancipation de la « nation musulmane. Au-delà de ça, il n’y aucun lien structurel ni décisionnel.»

Pour le jeune membre, même Rached Ghannouchi n’a pas un pouvoir de décision sur tous les débats au sein du parti, qui reste animé par des tendances très diverses. Le parti n’est en effet pas divisé entre une aile dure conservatrice en phase avec les idées des Frères musulmans et une aile plus modérée, mais il est traversé par plusieurs influences, avec des références plus ou moins fortes aux théories des Frères.

« Au sein de notre parti il y a déjà trois courants principaux : celui qui s’inspire de l’idée fondatrice des Frères musulmans, un autre qui représente les courants de la Zitouna, un autre plus rationnel qui s’illustre dans le groupe des islamistes progressistes de la revue 15/21. » résume Riadh Chaibi.

Sur la question de la Charia, qui avait fait débat lors de la rédaction de la constitution en 2012, le parallèle entre les Frères musulmans et Ennahdha était aisé à faire. En effet, mis à part des divergences sur le statut de la femme, la conception de l’Islam est la même pour les Frères et le parti islamiste tunisien. En se prononçant pour une inspiration de la Charia dans la future constitution, le parti se situe dans la droite ligne des Frères, qui veulent imposer la Charia dans la constitution égyptienne.

” Nous partageons le référentiel et la stratégie de sa contextualisation. Toutefois, nous avons des divergences dans l’expression de cette stratégie au sein de l’espace politique, notamment sur notre rapport aux autres courants idéologiques”, selon le jeune militant d’Ennahdha.

Le parti finit par se prononcer contre cette référence, avec un vote au sein de la choura avec une forte majorité pour la non-référence, s’écartant ainsi une fois de plus des Frères. Rached Ghannouchi continue pourtant de jouer un rôle ambigu face aux frères Musulmans, il s’est déplacé en Egypte afin de faire la médiation avec l’opposition comme il l’a révélé dans une interview au Monde le 5 juillet 2013 Il a pourtant admis que les Frères n’avaient pas entendu les revendications de l’opposition, deux semaines avant la chute de Morsi notamment sur les réformes politiques:

C’est ce que nous avons nous-mêmes fait en Tunisie en nommant des technocrates à la tête des ministères régaliens pour garantir le consensus national. J’ai pensé que cela était possible aussi en Egypte, mais les Frères musulmans n’ont pas accepté ces demandes et il s’est passé ce qui est arrivé.

Encore plus récemment alors que les violences augmentent en Egypte et que la répression vise majoritairement les Frères musulmans, Rached Ghannouchi admet dans une conférence de presse que “le gouvernement a commis des erreurs”. Face à l’Egypte, le leader tente d’adopter une position d’autocritique là où les Frères avaient échoué.

La rupture sur le plan idéologique

Pour les quelques jeunes d’Ennahdha, la différence majeure réside dans l’évolution historique de la pensée d’Ennahdha. Interrogés, la majorité ont plus été influencés dans leurs lectures par les livres de Ghannouchi que par ceux de Sayyid Qutb (un des principaux théologues des Frères) ou de Hassan El Bana (parmi les membres fondateurs des Frères musulmans), selon Yassine Kelboussi, jeune militant d’Ennahdha.

Pour un autre jeune d’Ennahdha, la rupture n’est pas seulement générationnelle, mais aussi historique. Elle date des années 80, à partir du moment où le parti Ennahdha a décidé de faire une demande de légalisation de ce qui s’appelle à l’époque le Mouvement de la tendance islamique.

« Dès les années 80, le mouvement a reconnu la possible conjugaison entre Islam et démocratie et s’est prononcé comme étant favorable à l’égalité citoyenne entre hommes et femmes. Une position bien différente de celle des Frères musulmans, qui interdisaient l’action partisane, considérant la démocratie comme étant une déviation des fondamentaux de l’Islam, voire, pour certains, un blasphème. »

Une autre stratégie politique

Contrairement aux Frères musulmans, l’acceptation du pluralisme politique fait aussi parti de la pensée d’Ennahdha. Dans son interview, Habib Mokni lance d’ailleurs une phrase très éloquente à l’époque, dans laquelle il décrit le mouvement comme « jeune » et « pluraliste » :

« Notre mouvement n’est pas un mouvement religieux mais un mouvement jeune qui a choisi un islam jeune, adapté à une réalité déterminée. Le seul fait d’accepter les communistes nous distingue déjà des Frères musulmans égyptiens ou soudanais. »

Dans la pratique, le parti Ennahdha n’a gagné que 40 % des sièges à l’Assemblée et a dû compiler une stratégie politique avec deux autres partis, formant ainsi la Troïka.

Si au cours des deux dernières années l’opposition a fréquemment dénoncé « l’imposture » d’une Troïka « commanditée » par Ennahdha, cette « domination », réelle ou non, a trouvé ses limites après la mort de l’opposant politique Chokri Belaïd le 6 février. Face au mécontentement populaire, le parti a dû accepter l’initiative de son Secrétaire général, Premier ministre à l’époque, Hamadi Jebali : dissoudre le gouvernement et nommer de nouveaux ministres aux postes régaliens.

« Il y a eu une prudence chez Ennahdha que les Frères musulmans n’ont pas eu, pensant que la légitimité des urnes suffisait », commente Larbi Sadiki, politologue tunisien basé en Angleterre.

Aujourd’hui, certains arguent qu’à défaut d’avoir tous les ministères sous son joug, Ennahdha aurait une mainmise sur l’administration et même sur une partie du ministère de l’intérieur. C’est ce manque de neutralité dans les rouages de l’état et la reproduction d’un système trop bien connu de l’ère Ben Ali qui a poussé l’opposition à aller demander un gouvernement “apolitique”.

Pour Khadija Wholer, les compromis n’exclut pourtant pas un nouveau soulèvement populaire en Tunisie, à cause notamment du manque de réformes et de changements dans la société :

« Le meurtre de Chokri Belaid, l’enquête traînante contre ses assassins, le refus de dissoudre les Ligues de protection de la révolution impliquées dans des actes de violence et de harcèlement, l’abstention à signer des accords contre la propagation de la violence, la distribution de postes clefs à des membres d’Ennahdha, les tentatives de saper les libertés dans la constitution, les hautes pénalités pour de simples délits de conscience, la focalisation exclusive sur la religion et la négligence presque totale du lancement de l’économie, ne sont en fait pas des démarches qui constituent confiance. »

Si la comparaison entre l’armée égyptienne et l’armée tunisienne est à évacuer (différence de moyens et d’implications politiques), les contextes égyptiens et tunisiens, propices à des soulèvements populaires, offrent ainsi des similitudes.

Quelle influence des Frères aujourd’hui ?

Si les Frères musulmans, tout comme Ennahdha, ont gagné leur légitimité par les urnes, en se basant surtout sur la base sociale des électeurs délaissés par les dictatures, la stratégie de gouvernance a différé. Dans un entretien accordé au journal Réalités en 2011, Hamadi Jebali déclare avant les élections de 2011 que si le parti reste proche des Frères Musulmans sur le plan de l’Islam, il prend désormais pour modèle le régime turc.

« Nous faisions partie du Mouvement des Frères musulmans, et on y est encore d’une certaine manière. Nous avons participé, avec d’autres, à faire évoluer sensiblement le mouvement des Frères musulmans. Nous avons bénéficié de l’héritage des Frères musulmans et nous voulons profiter aussi de l’expérience turque en particulier et des expériences asiatiques en général, comme ce qui se passe en Malaisie », déclare-t-il.

Le parti Ennahdha semble donc se situer désormais comme un courant traversé d’influences multiples. Pour Yacine Kelboussi, c’est aussi l’attitude face à l’opposition qui différencie le parti des Frères : « On ne met pas toute l’opposition dans le même sac. Que ce soit à l’Assemblée ou dans les meetings, il y a des discussions. »

Traversé par une histoire politique et des référents identitaires très marqués, le parti Ennahdha se distingue de facto des Frères. Pourtant, aujourd’hui, il manifeste un soutien inconditionnel aux militants égyptiens et semble tiraillé entre deux attitudes.

De la dénonciation d’un « coup d’État » à la peur de la répression

C’est ce qui a pu pousser Hichem Larayedh, fils d’Ali Larayedh, à exprimer un tweet rageur à l’encontre des anti-Morsi.

« Ce qu’il se passe en Égypte est un combat entre l’Islam et les mécréants. »

Ce cri du cœur, pour un membre de la Choura pourtant assez discret sur la scène politique, montre une lecture émotionnelle mais aussi politique de la situation égyptienne. Le parti enchaîne les débats à huis clos et tarde à publier un communiqué sur les événements. Il finit par condamner fermement ce qu’il dénonce comme un « coup d’État militaire » et appelle le peuple égyptien à défendre la « légitimité » du président Morsi.

Aujourd’hui, face aux violences égyptiennes, le parti continue d’entretenir un lien émotionnel aux événements via des déclarations sur des pages Facebook et le partage quotidien des images qui font l’actualité égyptienne. Une autre peur semble s’être substituée à la peur de la perte de légitimité. Celle d’un retour à la répression et aux années d’exclusion politique vécues sous Bourguiba et Ben Ali. Selon le politologue Vincent Geisser,

les Nahdaouis vivent dans la hantise d’un retour à la répression, voire même de repartir en prison. Il existe donc une sorte de peur quasi existentielle et d’une identification affective avec le “cas égyptien” même s’ils veulent éviter d’en parler. Par ailleurs, la dimension “réseaux d’amitiés” entre Frères musulmans égyptiens et Nahdaouis s’est largement vérifiée avec la répression des derniers jours. Sur Facebook et les sites internet proches d’Ennahdha, ils publient des photos des victimes de la répression qu’ils ont connu personnellement dans leur parcours militant. Il existe donc un puissant sentiment de co-appartenance à un même univers politique, idéologique et militant, en dépit d’une volonté des Nahdhaouis de se distancier à tout prix des Frères Musulmans.

Les leçons à tirer du scénario égyptien

Depuis la chute du président Morsi en Égypte, le discours du parti Ennahdha a en effet évolué vers une certaine radicalité, qui s’est révélée dans les propos tenus en juillet dernier par Sahbi Aatig, président du groupe parlementaire d’Ennahdha à l’assemblée. Devant quelque milliers de militants réunis pour manifester à Tunis en soutien au président Morsi, l’homme a crié que si certains « piétinaient la légitimité, la légitimité les piétinerait à leur tour. »

Cet appel à la violence reflète un sentiment d’inquiétude du parti, qui voit d’un mauvais œil les parallèles faits par l’opposition entre la situation égyptienne et la situation tunisienne. Pourtant il semble que l’inquiétude soit plus tournée vers la portée symbolique de l’échec des Frères que vers la peur d’une contagion.

« Il s’agit plus d’un regard inquiet par rapport à la trajectoire des révolutions arabes. La légitimité électorale n’est pas exempte d’une contestation et d’une critique. La situation en Égypte a secoué les militants, mais ils restent dans une certaine autocritique, car ils ne peuvent pas non plus couper tout lien avec l’Égypte », commente Vincent Geisser, pour qui le parti Ennahdha est désormais tiraillé entre sa solidarité historique avec les Frères et une « realpolitik » qui le forcera à cohabiter avec le prochain gouvernement égyptien.

« Toute la question est de voir aussi comment Ennahdha saura tirer les leçons de l’Égypte. L’enjeu est lourd pour le parti. Il faut voir si ses membres sauront construire une vision politique sur le long terme, ce qui n’a pas été le cas des Frères, trop assis sur l’acquis électoral. En Tunisie, il existe un besoin impératif de réconciliation nationale. Ennahdha sera testé sur sa capacité à aller vers cet impératif », ajoute Larbi Sadiki.

Actuellement Ennahdha est aussi visé pour son rendement au gouvernement sur le plan sécuritaire et économique, des reproches qui avaient aussi été faits aux Frères. Pour Riadh Chaibi, membre du bureau exécutif d’Ennahdha, l’inquiétude est aussi dirigée vers l’aboutissement de la révolution égyptienne, qui pourrait jouer un rôle clef dans les futures élections tunisiennes:

« Les deux révolutions ont le même destin, donc d’une manière ou d’une autre la révolution égyptienne doit réussir. Il est encore tôt pour parler d’un véritable échec, mais ce qu’il se passe aujourd’hui va influencer le parcours électoral d’Ennahdha. »

Une théorie se confirme pourtant depuis la mort de Chokri Belaïd. Contrairement aux Frères, qui ont refusé une certaine adaptation, le parti Ennahdha est en perpétuel mouvement, ce qui en fait un “parti en transition”, comme l’analyse le chercheur italien Fabio Merone. L’attitude que le parti Ennahdha adopte et adoptera face à ce qu’il se passe en Égypte semble jouer désormais un rôle crucial dans sa politique.

Entre les menaces de certains contre ceux qui contesteraient la légitimité et la prudence des autres qui tentent de se tourner vers le dialogue national, les membres du parti, d’habitude unanimement d’accord en public, montrent leurs divergences sur un sujet qui force à une remise en question. Le Premier ministre Ali Larayedh a d’ailleurs condamné les propos de Sahbi Atig dans une interview donnée à plusieurs chaînes de radio. Et le leader d’Ennahdha a rencontré un de ses ennemis jurés, Béji Caïd Essebssi la semaine dernière en marge des pourparlers avec l’UGTT.

Aujourd’hui, contrairement aux Frères Musulmans, Ennahdha a encore le choix. Le parti s’agripe au pouvoir comme le montre la décision du Conseil de la Choura ce week-end de refuser le gouvernement de technocrates. Mais son discours a changé. Au lieu de défendre la légitimité des urnes, le parti semble défendre aujourd’hui l’intérêt national en communiquant sur l’urgence d’une feuille de route vers les élections et la nécessité que l’assemblée achève une partie de ses travaux.

Contrairement aux Frères Musulmans qui s’inscrivent dans un contexte de poursuite du processus révolutionnaire au prix de leurs vies, le parti Ennahdha semble se placer désormais dans un processus de transition. Reste à savoir si face à la pression persistante de l’opposition, il saura instaurer un mode de gouvernance qui permette de stabiliser temporairement la question sécuritaire et économique pour permettre un terrain favorable aux élections, à la manière du gouvernement de transition qui avait suivi la période révolutionnaire.

Dans les jours qui viennent, le mot d’ordre de l’opposition reste “Dégage” avec une “semaine de la colère” qui commence le 24 août.

Le Premier ministre Ali Larayedh a déclaré à l’agence TAP qu’il n’y aurait “aucune hésitation ou recul face à ceux qui, par le terrorisme, l’anarchie ou la révolte, porteront atteinte aux institutions de l’État” faisant craindre un recours possible à la violence dans les répressions des manifestations. A cela s’ajoute les derniers pourparlers entre la force syndicale et Ennahdha.

Ces deux événements doivent signer la sortie de crise ou bien l’enlisement définitif dans un bras de fer qui dure depuis plusieurs semaines.