Alors que l’opposition continue de mener des actions à caractère essentiellement symbolique, le marasme politique est toujours de mise, cinq semaines après l’assassinat de Mohamed Brahmi. Nous sommes le 1er septembre, et le cataclysme promis par l’opposition n’a pas eu lieu.
Non content de s’être arrogé le titre d’« homme providentiel » de la dernière semaine politique, Slim Riahi poursuit sur sa lancée du Grand Chelem en s’adjugeant l’Assemblée qu’il foule, sur son 31, reçu mardi par Mustapha Ben Jaâfar. A défaut d’être pris au sérieux, l’homme d’affaires semble prendre goût à l’exercice de la médiation politique.
En sortant du bureau du président de l’ANC, il réitère le « cœur de sa proposition » : la démission des trois présidences, et la désignation de Béji Caïd Essebsi comme président de la République « pour la prochaine étape ». En clair, Riahi est venu poliment demander à Ben Jaâfar de démissionner.
Ironie du sort, le tout figure sur la page officielle du milliardaire, où le contenu politique est intercalé entre deux actualités du mercato du Club Africain… Pour le marché des transferts politiques, la saison devra encore attendre sine die.
Manœuvres constitutionnelles, Ennahdha plaide la coïncidence
Mercredi le bloc Ennahdha à l’Assemblée constituante n’oppose plus les conditions de l’âge (- de 75 ans) et de la non binationalité comme obstacles à la candidature à la fonction suprême, la présidence de la République. Ce qui alimente les spéculations sur une décision politique : la normalisation des rapports avec les deux partis de Béji Caïd Essebsi et de Hechmi Hamdi.
Sommes-nous en train d’assister aux machiavéliques retombées d’un accord tacite entre Ghannouchi et Essebsi ? Ennahdha s’en défend via Meherzia Labidi, pour qui l’alignement de son parti s’inscrit dans une volonté de consensus antérieure à la détente avec Nidaa Tounes.
De son côté le CPR ne l’entend pas de cette oreille. Lors d’une conférence de presse convoquée la veille, Imad Daimi n’a pas eu de mots assez durs pour ses « futur ex » alliés : « Les propos de Rached Ghannouchi n’engagent que sa personne et ne nous engagent en rien », a-t-il martelé, tout en insistant sur l’attachement « plus que jamais » de son parti à la loi d’immunisation de la révolution, double référence à la désormais célèbre rencontre secrète du Bristol et au renoncement de Ghannouchi à la loi en question.
Signe que la rupture est consommée avec le leadership d’Ennahdha, le secrétaire général du CPR ajoutera que « faire des deals sous la table » n’est pas le genre de la maison.
Comme pour enfoncer le clou, la page officielle Ennahdha se mettait cette semaine aux couleurs de la campagne d’affichage patriotique « Loyaux seulement à la Tunisie ».
« Je t’aime, moi non plus »…
Mercredi, Nessma TV renoue avec le rôle, controversé pour certains, d’organisateur de la vie politique. La chaîne mettait en scène la réponse de Béji Caïd Essebsi, éternel bon client, à son homologue d’Ennahdha.
On y apprendra que le rendez-vous parisien avait été fait à la demande de BCE. C’est que dans les rapports tumultueux des « deux cheikhs », chacun tente de démontrer qu’il a la maîtrise des événements.
Evoquant « l’intérêt supérieur de la Tunisie » dont il aurait le secret, Essebsi dira même à ce propos : « Je ne demande jamais l’avis de personne, moi », dans un parfait style old school vaguement autocratique.
Même le d’habitude très hostile Lotfi Zitoune ira de son petit éloge de l’octogénaire, confirmant ce que d’aucuns qualifient déjà de lune de miel. « Je suis convaincu que l’Egypte a profondément changé la donne », se réjouit Lazher Akremi.
Complexe, le rapport entre ce qu’il conviendrait d’appeler la droite « sebsiste » avec la droite religieuse oscille entre pragmatisme et exclusion. Quand Nidaa Tounes et Ennahdha ne se font pas la guerre et se retrouvent autour de certaines affinités, leurs bases respectives continuent de s’exécrer allègrement.
N’ayant visiblement toujours pas intégré la donne révolutionnaire, Béji Caïd Essebsi resservira la vieille rengaine du prestige de l’Etat pour se distancier du mode d’action de ses récents alliés du Front populaire, jugés trop anarchistes dans leur semaine du « rahil ».
Hamma Hammami était quant à lui critiqué par les siens pour s’être attablé avec l’ambassadeur américain. L’impasse dans laquelle se trouve le dialogue national attise logiquement l’interventionnisme des chancelleries occidentales, qui ne badinent pas avec leurs intérêts dans la région.
Au milieu de cette cacophonie, Afek Tounes renaissait de ses cendres néolibérales le 28 août, avec une équipe resserrée autour de l’ambitieux Yassine Brahim. En s’affranchissant de la tutelle al Joumhouri, le parti vient étoffer une « offre » centre-droit déjà pléthorique.
« War on terror » made in Tunisia
L’événement majeur de la semaine, c’est le retour aux sources du ministère de l’Intérieur, avec une conférence de presse consacrée à Ansar al Charia, annoncée en grande pompe 24 heures plus tôt par Ali Larayedh.
A l’ordre du jour, l’état d’avancement de la lutte antiterroriste : coups de filet, attentats déjouées, aveux filmés et liste noire mise à jour, aussitôt dénoncée pour son approximation.
Au-delà du timing de ce bilan sécuritaire, vraisemblablement dicté par un impératif politique, ce type de mise hors la loi du groupe djihadiste constitue « une ingérence de l’exécutif qui empiète sur le judiciaire », s’inquiète notamment Human Rights Watch.
Le succès relatif sur le front du terrorisme peine à cacher une situation économique qui n’en finit plus de décliner. Pour boucler son budget, le gouvernement a fait appel fin août à l’assistance macro-financière de l’Union européenne, un mécanisme du dernier recours selon des économistes qui regrettent un « recours humiliant ».
Entre temps, c’est la guerre des ultimatums politiques. Le premier, celui de la démission du gouvernement, fixé par l’opposition au 31 août, se solde par une énième opération bon enfant : une chaîne humaine du Bardo à la Kasbah où prime une fois de plus l’aspect carnavalesque.
L’autre date butoir a été décidée par les élus siégeant encore à l’ANC qui montent le ton contre Ben Jaâfar. Selon une pétition signée par 77 d’entre eux, si les travaux de la constituante ne reprennent pas mardi 3 septembre, une motion de retrait de confiance sera votée contre le président de l’Assemblée.
Nous saurons alors avec certitude si Ennahdha se cherche une nouvelle majorité en remerciant ses anciens alliés pour bons et loyaux services, ou si au contraire tous ces atermoiements ne sont que de la poudre aux yeux.
[…] la revue politique de la semaine écoulée sur Nawaat ,qui , pour ne pas changer raille […]
Bonjour,
Les plus à plaindre dans ce spectacle sordide, ce sont les vrais militants de base, et notamment ceux du PT. A voir leur renégat de “leader” s’acoquiner avec le diable devrait leur causer de vrais troubles. A quand le dégagement de HamHam?
60 ans d’une dictature mafieuse sous Bourguiba puis Ben Ali ont contribué à une dégradation sérieuse de l’environnement en Tunisie. Hélas, plus de deux ans se sont passés depuis la révolution sans que le souci environnemental devienne une priorité. Les déchets du bourguibisme et du benalisme continuent à remonter à la surface et à aggraver la pollution. Sans une décontamination urgente on va continuer à patauger dans la merde.