La semaine politique du 23 au 29 juin a connu les répliques du mini séisme du putsch interne au dernier Conseil national Nidaa Tounes. Le parti de Béji Caïd Essebsi affine sa position sans convaincre les plus crédules parmi ses alliés, tandis que la gauche tunisienne hors Front Populaire joue désormais « le maintien », telle une formation sportive qui sait qu’elle a raté la saison en cours et qui doit se préparer pour les échéances ultérieures. Il faut dire que même la gauche de cette gauche, le PSG, s’était résignée à front chapeauté par Nidaa.
« L’initiative de la coalition électorale Union Pour la Tunisie n’a pas trouvé l’enthousiasme escompté ». C’est en ces termes plutôt évasifs et nonchalants que Lazhar Akremi a justifié vendredi à Sidi Bouzid le choix de se présenter sous l’étiquette individuelle Nidaa aux prochaines élections, lors d’un rassemblement qui n’a lui-même pas mobilisé grand monde.
Un stéréotype en matière de dysfonctionnements inhérents aux démocraties modernes veut que l’argent soit le nerf de la guerre en matière d’élections. Ainsi il est utile d’écouter les financiers des grands partis, en l’occurrence Faouzi Elloumi, pour mieux comprendre les décisions souvent verticales prises en coulisses. « En démocratie, les coalitions sont gouvernementales, elles se font en aval, à la lumière des résultats des élections, et non en amont », a argumenté Elloumi lors de la même réunion.
Les appels de retour à la raison d’al Massar restent lettre morte. En clair, la composante la plus puissante au sein du parti, que l’on désigne selon l’euphémisme « destouriens », a compris que la donne a changé et que Nidaa Tounes ne gagnait plus grand-chose à partager un pactole qui peut lui revenir entier.
Au-delà d’un certain cynisme politique et d’une suprématie affirmée avec condescendance, plusieurs donnes ont effectivement changé depuis l’époque où l’alliance des libéraux-libertaires était pensée sur la base d’un affrontement autour du mode de vie : pseudo modernisme VS conservatisme religieux.
Ennahdha ayant abandonné le pouvoir et Nidaa Tounes n’ayant pas pu court-circuiter les institutions élues immédiatement après les assassinats politiques, nous sommes aujourd’hui dans le schéma avéré et plus simple d’une lutte contre-révolution décomplexée VS forces pro révolution.
Il suffit de constater le design des fraîchement conçues bannières de campagne Nidaa Tounes pour comprendre que celle-ci sera placée sous le signe du révisionnisme. On peut y lire en effet « Vous voulez rectifier le 23 octobre 2011 ? Inscrivez-vous le 23 juin 2014 ». Le premier scrutin libre du pays est présenté tel un faux pas, une erreur historique, comme pour mieux légitimer la « restauration ».
Cet état d’esprit mi-nostalgique mi-triomphaliste était palpable en outre jeudi 26 juin à la réception donnée par l’ambassade égyptienne à l’occasion de la fête de la République d’Égypte et où Nidaa Tounes fut l’un des invités d’honneur. On frise l’indécence lorsque vendredi 27 juin le site officiel Nidaa publie un courrier dans lequel le maréchal al Sissi répond aux félicitations de Béji Caïd Essebsi en s’auto proclamant le dépositaire des « vraies valeurs de l’islam ». Les victimes de Rabâa Adawiya et des récentes peines de mort de masse apprécieront.
Un passage en revue des différents messages vidéo des politiques à l’occasion du ramadan est édifiant par ailleurs sur l’obsession électoraliste des uns et des autres.
Rached Ghannouchi y endossait le rôle du cheikh avec un prêche consacré aux dérives du consumérisme. Dans son allocution le président Marzouki a glissé un message aux Tunisiens de l’étranger, une façon de mener campagne de manière officieuse. Quant à Béji Caïd Essebsi, dans une vidéo de 3 minutes ’30, 45 secondes seulement sont consacrées au ramadan, le reste étant une digression incitant les Tunisiens à s’inscrire sur les listes électorales.
Quelques jours auparavant, la dissidence à l’intérieur de Nidaa prenait un peu plus d’ampleur, particulièrement dans la section France en proie à une guerre ouverte avec le clan Raouf Khammassi. Signée des « militants et cadres de l’aile progressiste de Nida Tounès », une tribune dénonce « le maintien d’une organisation unilatérale, autoritaire et archaïque ».
Pour ajouter à cette confusion, les néo-libéraux d’Afek Tounes se joignaient vendredi à Nidaa Tounes le temps d’une réunion remarquée, après que le parti de Yassine Brahim ait fait des appels du pied à ce qui reste de l’UPT la semaine précédente.
À voir la progression risible des inscriptions sur les listes électorales au terme d’une semaine de campagne de sensibilisation de l’ISIE, force est de constater que le spectre de l’abstention se précise, un désengagement déjà pressenti dans les sondages à travers les chiffres de l’indécision.
Au 26 juin 2014, seules 7500 inscriptions ont été enregistrées par l’ISIE dont 750 inscriptions via le web depuis l’étranger et 1900 par service de messagerie SMS, soit 10 fois moins que les attentes.
La politique nationale intéresse de moins en moins des Tunisiens las d’une gauche économiquement libérale et sociétalement libertaire qui a échoué à incarner les demandes sociales de la révolution, las aussi de manœuvres politiciennes dont cette gauche sort grande perdante, tentée qu’elle fût par des raccourcis de survie, en acceptant d’exister à l’aune des réseaux de l’ancien régime.
Plus que jamais, l’étau géopolitique aidant, les prochaines élections se jouent, en somme, entre Ennahdha et l’ex RCD.
tellement vide de sens! je ne peux même pas commenter.
Il est bon cet article, très bon même. Je partage l’analyse de S. Soudani et ses prédictions / anticipations en ce qui concerne l’abstention.
Les forces pro-révolution, et la contre-révolution…une gauche libérale économiquement et sociétalement libertaire…au passage est implicitement située dans le camp de ceux qui seraient hostiles à une “révolution” portée par Ennahdha et consorts.
Très sérieusement, ce genre d’assertions mériterait des éléments de preuve.
Les islamistes ont pris le train en marche pour se proclamer “révolutionnaires”. Ils portent le fer contre l’ennemi, avec la violence terroriste organisée et financée par leurs réseaux et fraternités, dont on peine encore à éradiquer les soubresauts. Cet ennemi étant tout ce qui ne partage pas leurs visions et projets d’une société, tout entière sous la férule d’un Islam ausssi vieux et obscurantiste que les idées pronées et financées par “les hommes du désert”, que la Providence a gratifiés d’une manne pétrolière dont les retombées sont volontairement consacrées à des opérations dispendieuses lorsqu’elles mériteraient de servir d’autres causes.
On aimerait tant identifier leurs affidés et serviteurs dans le camp du progrès économique et social. Au contraire, leurs forces et moyens incommensurables se limitent à monnayer, en sous-main, les achats de voix et les actions en tout point contraires à leurs “prèches”.
La démocratie leur est si étrangère, et leurs moeurs en sont si éloignées que cela leur est plus aisé de proclamer des idées générales, bien confortablement installés dans leur chaire, créant les conditions d’un affrontement au sein de la société.
Il n’est pas utile d’en dire davantage tant chacun peut en faire le constat et en observer les effets.
Exactement… La réponse de M. Houcine illustre la hantise de la gauche libertaire et libertine, càd son attachement à un combat à mot avec les islamistes sans prendre le recul pour observer le pays. Le terrorisme n’est qu’un problème occasionnel qui peut sûrement susciter l’indignation, l’engagement d’un jenot par ci et d’un soucieux de préserver son mode vie par là, s’il à un mode de vie bien sûr, et servir en chemin d’un sujet de rhétorique enflammée. Mais, pour le commun des mortels, ce n’est q’un sujet périphérique loin derrière la cherté de la vie, le chomage et les études de ses enfants, le logement, le transport… des sujets qui n’ont jamais été abordés sérieusement par notre gauche absorbée dans sa rhétorique et ses discours ronflants.
La gauche n’est jamais prise au sérieux par le citoyen lambda à cause de sa tendance à finir souvent dans les souliers du pouvoir perdant ainsi la capacité de contituer une alternative à quoi que ce soit, ce les islamistes ont exploité à fond au 23 octobre 2011.
Maintenant, tout se vérifie encore une fois, on n’a pas gauche en Tunisie mais une prétendue gauche bourgoise et parvenue.
@ Ahmed: +1
Certes! La cherté de la vie, les privations avec tous leurs effets sur la population ne me laissent jamais indifférent. Et, pour ètre du camp de cette prétendue gauche que vous pensez inexistante, je n’ai pas l’honneur de me compter dans les rangs des parvenus ou des bourgeois.
Je crois que je peux exhiber d’un engagement avec et auprès des plus modestes, dont ma trajectoire de vie porte le témoignage, et c’est à la faveur de cette expérience que que j’ai acquis la conviction et l’attachement à la démocratie sociale et politique.
Ce n’est, me semble-t-il, pas ce qui apparait comme la première qualité chez les tenants d’un retour à un Islam peu respectueux des pauvres et des humbles, eux qui préfèrent la Zakat à la une justice sociale et économique comme cela se vérifie sur le terrain, si je vous comprends bien lorsque vous évoquez les difficultés matérielles vécues par la plupart.
Ne peut-on invoquer la responsabilté des gouvernants sous la houlette des islamistes ou des gouvernements qu’ils dirigèrent directement dans ce que vous relevez?
Quant à la terreur, elle me parait aussi présente dans leur rhétorique, tout comme elle s’exerce par les armes contre le peuple ou les forces de sécurité. Et, cela me parait aussi bien contraire à l’esprit d’un Islam tel qu’il me fut enseigné et transmis en Tunisie, qu’à tout esprit démocratique.
Enfin, que la gauche ne soit pas prise au sérieux, comme vous l’affirmez, relève de ces assertions gratuites qui n’engagent que vous. Car, un pays dont l’histoire récente est d’essence anti-démocratique, qui voyait en tout homme de gauche un communiste, et dont les dictateurs, pantins de l’Occident et jouets du capitalisme, peut se révéler orphelin d’une vraie culture de gauche, culture de la justice socio-économique et des libertés sociales et politiques.
Pour autant, les mouvements sociaux qui travaillent la société, et pour une bonne part furent le déclencheur de la fameuse révolution que certains s’empressèrent à enfoucher pour la neutraliser, sinon la trahir, illustrent par la preuve qu’existent en Tunisie une ou des gauches sérieuses. Le poids électoral est affaire de circonstance, et c’est sur le terrain des luttes sociales et des valeurs défendues que s’incarnent la volonté de changement et celle, qui lui est consubstancielle, de la rupture avec les pratiques et le us du temps des dictatures.
Pour moi l’expression ”gauche libérale” est un mensonge pour vendre aux masses des politiques économiques et sociales de droites pour des politiques de gauche. c’est une manière de partager la poire en deux entre deux catégories de bourgeoisie historiques. il s’agit d’une belle division pour mieux régner et éviter des mouvements de masses dur à faire face.
pour moi, la gauche elle est marxiste ou elle n’est pas.
N’empêche , qu’en pourra toujours apporter une lecture de gauche au marxisme pour dépasser certaines certitudes ou idées rigides qui ne font plus partie de notre temps vu la fin du totalitarisme idéologique. animé politiquement par des dictatures militaires et de parti unique. je pense à la propriété privé à titre d’exemple.
En final, on pourra s’entendre au sujet de la démocratie, afin qu’elle devient un juste mécanisme ”de progrès” pour se relier sur le pouvoir et permettre aux masses le droit au changement.
La sociale démocratie a mieux réussie en Europe du nord, pour la simple raison (et ne pas unique), qu’elle a su poser des vraies politiques publiques de construction sociale (et non assistanat) et au même temps cette sociale démocratie à mis en avant la place de l’entreprise dans la création des richesses collectives.
C’est une équation qu’il faut surement réfléchir en Tunisie, pour permettre au pays de décoller, à l’individu de s’épanouir et au collectif national de mieux vivre ensemble..
Donc , gauche libérale (…).
Ben Ali harab
Mandhouj
Tarek.