Alors qu’il devait se rendre à Hammamet pour y jouer, Klay BBJ est interpellé par la police devant son domicile à Bab Menara, la nuit du 17 octobre 2015. Avec Sniper, lui aussi rappeur, ainsi qu’un autre jeune homme, ils sont amenés au poste de police de la Kasbah avant d’être placés au centre de détention de Bouchoucha. Selon le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Walid Louguini, cette arrestation répond à une demande du ministère public.
Au matin du lundi 19 octobre 2015, ils sont conduits au district de Tunis puis au Centre d’Assistance Médicale Urgente de Montfleury (CAMU) pour y effectuer un test dépistage THC*. C’est à ce moment que la thèse de l’inculpation pour consommation et/ou détention de matière stupéfiante se répand.
Klay BBJ va refuser de passer le test, conscient que c’est une atteinte à son intégrité physique. En plus, il n’a pas confiance dans les procédures du dépistage, déclare Maître Ghazi Mrabet, son avocat.
Un Rap très engagé
Klay BBJ, de son vrai nom Ahmed Ben Ahmed est un jeune de Bab Jedid. Boxeur à la base, il se convertit au rap peu après la révolution. Il rencontre Mohamed Amine Hamzaoui à bord d’une fourgonnette de police et partagent les mêmes menottes. De cette rencontre, ils sortent « Zakataka », un mélodieux single qui défend ouvertement la consommation de cannabis. Petit à petit, le rappeur gagne une notoriété dans le milieu du rap tunisien, pour devenir l’un de ses principaux ténors. Il multiplie ses créations artistiques de plus en plus engagées, parfois en solo, d’autrefois accompagné par ceux qui s’autoproclament « grosses gueules » de la scène underground. Il devient une icône des plus emblématique de la résistance artistique en défiant par ses paroles l’autorité et dénonçant l’injustice. Il plaide pour ceux qu’il dit représenter, les infirmes du bonheur, les têtes de turc de l’appareil judiciaire et les oubliés de l’équité sociale.
Klay BBJ se distingue des autres rappeurs par son flow virevoltant et ses textes poignants, comme dans son titre « لن يمرّوا » (No Pasaran) sorti en avril 2012. Ses couplets se politisent rapidement. Dans ce single, il dénonce la trahison de la révolution de la dignité. Peu après, il balance « شغل حرية كرامة وطنية » (Travail, liberté et dignité nationale), où il pointe le silence de l’opposition. Avec Phenix, ils sortent « حشيناهولنا » (On s’est entubé nous-mêmes), en mars 2013. Un titre qui fait scandale pour ses paroles licencieuses mais qui dresse un constat sans concession de la transition démocratique. En soutien à Weld El 15, en juin 2013, il adresse « رسالة إعـتذار» (Lettre d’excuse) à la police, où il fustige sans retenue les forces de l’ordre, l’institution judiciaire, le gouvernement et ses soutiens internationaux, le Qatar, en particulier.
L’actualité est plus qu’une source d’inspiration pour Klay BBJ, elle radicalise ses textes et aiguise sa créativité musicale. Avec Sniper, il sort en avril 2014, un hommage à Walid Danguir, arrêté en novembre 2013 à Bab Jdid pour trafic de drogue, il décède dans un poste de police de la médina quelques heures plus tard. Les images des traces de tortures sur le cadavre de Walid Danguir avaient suscité une vive émotion et une réaction en chaine de plusieurs ONG des droits de l’Homme. Suite à l’arrestation du blogueur Azyz Amami, Klay BBJ et Phenix sortent un titre audacieux, « تحبوا البولة » (Vous voulez l’urine) dans lequel ils dénoncent le test d’urine, la loi n°52 sur la consommation de stupéfiants et la répression policière. A l’occasion des élections de 2014, Klay BBJ n’hésite pas à appeler au boycott à travers « لـــسنا للبـيع » (Nous ne sommes pas à vendre) et invite le blogueur Azyz Amami pour le prologue du titre. Son message est clairement adressé à Slim Riahi qui ciblait la jeunesse des quartiers populaires et les supporters du Club Africain depuis son bastillon, Bab Jedid .
En pleine canicule estivale, il sort deux tubes « اكرام الميت ، حفتريش » (Hommage au mort et Vermines) et deux freestyle, dont un avec sniper « هِـــــزّوه ، مجنـــون » (Virez-le et Fou). Il revient sur l’acharnement policier et les arrestations arbitraires des jeunes des quartiers. Avec beaucoup de sincérité et un langage cru, il exprime son mal être et le sentiment d’être abandonné par sa patrie, à travers des paroles qui confrontent dans la même phrase l’amour et la haine, la joie et la peine. Klay BBJ n’a pas froid aux yeux. Il réclame dans ses derniers titres le départ de Béji Caïd Essebsi et clash les pseudos-artistes convertis en bouffons des campagnes électorales, Kafon en tête.
Pression, intimidation et répression
Malgré la censure des médias dominants, le rap enragé de Klay BBJ suscite l’enthousiasme des jeunes bien au-delà des quartiers populaires mais aussi l’animosité des forces de l’ordre. A la sortie du clip « وقتاش » (Quand ?) en janvier 2012, le Syndicat des agents de la douane dépose une plainte auprès du procureur de la République contre Klay BBJ et Hamzaoui Med Amine. En février 2013, le rappeur jouait au Maroc, sa mère déclare avoir reçu la visite de deux hommes à son domicile qui lui avaient demandé de convaincre son fils d’arrêter de faire des chansons politiques.
Le 22 août 2013, Klay BBJ et Weld El 15 (Aladine Yacoubi), fraichement sorti de prison, sont attaqués sur scène, trainés et tabassés dans les loges du Festival international de Hammamet par des agents en uniforme qui estimaient leurs textes offensants envers les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur. Le 30 août, les deux rappeurs sont condamnés par contumace à un an de prison pour outrage à fonctionnaire, à 3 mois pour atteinte aux bonnes mœurs et à 6 mois pour diffamation. N’ayant pas été prévenus de la date du procès, les deux rappeurs réussissent à annuler le jugement. A l’issue d’un nouveau procès, ils sont d’abord condamnés à six mois de prison puis acquittés, en appel.
A l’occasion du quatrième anniversaire de la révolution, seul Klay BBJ n’a pas été autorisé à se produire sur scène parmi tout un groupe de rappeurs. « En Mai 2015, j’ai essayé d’organiser un concert de Klay BBJ à Kairouan. Les forces de l’ordre ont refusé d’assurer la sécurité de tout évènement où Klay BBJ serait présent », regrette Imed Ben Khoud, promoteur de spectacles alternatifs.
En mai 2015, le ministère de l’Intérieur décide de fermer le « Whatever Saloon » définitivement et sans préavis. Dans une interview accordée à Nawaat, Wael Mhamdi, propriétaire de l’espace a souligné la coïncidence entre de l’annonce d’un concert de Klay BBJ et la décision de fermeture du café culturel.
Nous nous rappelons des problèmes que la police a encore avec le rap tunisien et surtout avec Klay BBJ. Leur menace d’interdire tous ses concerts en Tunisie résonnent encore dans nos oreilles, ajoute Wael Mhamdi.
Derrière les barrières d’El Mornaguia, Klay BBJ adresse en octobre 2013, une lettre à son public, ses amis et famille où il clame son innocence :
Je n’ai pas commis de crime. Je me retrouve en prison pour avoir défendu les droits du laissé-pour-compte, les jeunes des quartiers, et la liberté d’expression qu’ils veulent étouffer.
Dans ce reportage tourné en janvier 2015 par deux documentaristes, Marisa Holmes, américaine et Bruno Giuliani, italien, le rappeur évoque d’une manière prémonitoire son rapport au quotidien avec « El 7akem ».
* THC abréviation de tétrahydrocannabinol, constituant psychoactif du cannabis.
Ca y est la machine pour fabriquer des heros et desicones à commencer par fonctionner. Cette machine fabriqué par l’idéologie capitaliste/liberale/moderniste, doit produire n’importe quoi pour etretenir la consommation des zombis en rêves ou en illusions. Les chaines deTV ont trouvé la téléréalité pour encourager le voyeurisme des telespectateurs en exposant la pourriture de la société. Quand aux medias écrits ils ont toujours des pseudo journalistes et des pseudo intellectuels pour transformer les “baabes” en “rouss” ou pour blanchirn’importe quoi?
Nous vivons dans un pays ou “les baabes wellat riouss”, d’apris un vieux dicton populaire.Dans ce pays qui selon certain est devenu celui de la liberté et de “la karama” les Tunisien enragés doivent se compter par millions. Ces gens se taisent par pudeur, par respectou par dignité. Malheureusement on n’en parle pas et les TVne les invitent pas sauf pour exploiter honteusement leur niaiserie et leur ignorance pour gagner de l’argent (Al moussameh karim. Andi ma nkollok….etc).Or voilà qu’on trouve un jeune “enragé”, et du jour au lendemain on en fait une vedette et une icone?Qu’a-t-il de particuliers? Pourquoi lui?…etc. Parce ce qu’il se dit un enfant des quartiers? Et alors? Parce qu’il se dit un rappeur? C’est quoi? C’est une musique super pauvre, avec une musique à 2 temps, ou le chanteur est habillé en guenilles et chante des chansons totalement incomprehensible quelque soit la langue utilisée, pour critiquer et insulter tout tout.Bref les chansons des tribus primitives des buchmans sont plus comprehensibles etplus acceptables. Le tort en definitive n’est pas celui de ce “rappeur”, mais celui de ceux qui lui font de la publicité au non de l’information du peuple etde la liberté d’expression. Meskina Touness.