Organisé par l’Association des parlementaires tunisiens (anciens députés de Ben Ali), l’événement a de quoi surprendre. Sur le podium, Fathi Abdennadher, président du Conseil constitutionnel entre 1999 et 2011, connu pour ses « traficotages de textes juridiques » et tête pensante du projet de loi sur la réconciliation économique. À ses côtés, Mohamed Abdelaziz Ben Achour, ex ministre de la culture de Ben Ali entre 2004 et 2008, Sahbi Karoui, vice-président du parlement de Ben Ali, Moez Joudi, l’expert auto-proclamé en économie et Taoufik Bouachba, professeur de droit public, ardent défenseur, souvent intéressé, de l’ancien régime avant et après la révolution. Tout ce beau monde était réuni pour se convaincre que « la réconciliation est un choix stratégique pour la consolidation de l’union nationale ».

Mais, ces figures contestées devaient jouer le rôle de comparses avant l’entrée en scène de Saïda Garrach, ancienne militante d’extrême gauche, conseillère auprès de président de la République, chargée des relations avec la société civile,  Ridha Belhaj président contesté du comité directeur de Nidaa Tounes et… Rafik Abdesslam-Bouchleka, gendre de Rached Ghannouchi et ancien ministre des Affaires étrangères (2012- 2014).

reconciliation nidaa nahdha

Créée en 1988, l’Association des parlementaires tunisiens, devait oeuvrer à « renforcer les liens d’amour, de solidarité et de reconnaissance entre les différentes générations de la nation dans les domaines juridique, social et culturel ». Sans élections depuis 2010, son président Kacem Bousnina, ex ambassadeur de la Tunisie à l’Arabie Saoudite, a été remplacé en 2015, par Jameleddine Khemakhem, ancien membre de la Chambre des conseillers sous la dictature. Moncef Ben Fredj, vice président de l’association  fantôme, était membre du bureau exécutif du RCD et auteur d’un livre d’un autre temps : L’épopée tunisienne de Kheireddine Bacha à Zine El Abidine Ben Ali : fidélité aux martyrs, leaders et combattants.

« Organisée dans le secret, cette rencontre est encore une preuve que les partisans de la réconciliation nationale n’ont pas d’arguments solides pour défendre leur projet. Si non, pourquoi refusent-t-ils de nous laisser entrer ? Nous étions prêts à un débat serein et civilisé » affirme Sami Ben Ghazi, militant de Manich Msameh, venu soutenir les familles des martyrs. Tous contestent l’obstination du pouvoir à faire passer un projet de loi « qui a provoqué un grand mouvement contestataire et la réprobation d’une majorité de Tunisiens, entre août et septembre 2015, qui exigent de rendre des comptes avant de passer à la réconciliation » rappelle Samar Tlili, membre de Manich Msamah, avant d’ajouter « les pourris de l’ancien régime doivent comprendre que cette loi ne passera jamais. S’ils arrivent à se réunir, aujourd’hui, entre eux, pour le discuter, ils n’arriveront jamais à convaincre le peuple de son utilité ».

En préparation d’un passage en force à l’ARP, les lobbys de l’ancien régime s’échauffent. La semaine dernière, un autre séminaire, a été consacré au même thème : accélérer « la réconciliation nationale ».  Samedi, 23 avril, le Pôle tunisien de la citoyenneté, de la démocratie et des droits de l’homme, constitué par des « destouriennes » a annoncé le lancement d’un nouveau collectif de femmes pour « défendre la loi de réconciliation proposée par le président de la République ». Hajer Sahraoui, ex déléguée du gouvernorat de Tunis avant la révolution, a été nommée  porte-parole du cette nouvelle nébuleuse.

Mise en échec en septembre par la mobilisation citoyenne, invalidée par l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de lois, fin décembre, la loi sur la réconciliation économique et financière proposée par Béji Caïd Essebssi en août 2015, dispose de nouveaux soutiens : les RCDistes faussement décomplexés et le chef du parti islamiste. Son groupe parlementaire fait la pluie et le beau temps depuis la scission de Nidaa Tounes.