Pas une année scolaire sans que le climat social ne s’envenime entre le syndicat de l’enseignement secondaire ou du primaire et le ministère de l’éducation. Le feuilleton se poursuit depuis plus de six ans. Le dernier épisode de ce bras de fer s’est traduit par une grève administrative décrétée par le syndicat de l’enseignement secondaire. Le ministre Hatem Ben Salem va jusqu’à menacer de geler les salaires des professeurs s’ils ne remettent pas les notes à l’administration. En réponse aux menaces ministérielles, le syndicat hausse le ton et promet de prendre les mesures adéquates.
Face au blocage, parents et élèves se sentent désarçonnés et ne savent plus à quel saint se vouer. Une situation qui nous interpelle sur les tensions sans fin, entre le syndicat des enseignants et le ministère de l’éducation. Pour comprendre les racines de ce conflit, il faudrait se situer dans ce contexte post-révolutionnaire. Durant cette période de transition démocratique, l’Etat tente de reconquérir et d’asseoir son autorité. De son côté, l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), n’entend pas céder du terrain sur le plan social, dans l’ordre des choses, pour la plus grande organisation syndicale du pays. Tantôt alliée ou conciliante, tantôt adversaire coriace pour les gouvernements qui se sont succédé depuis 2014, l’UGTT est résolu à ne pas jeter du lest, surtout suite à la baisse notable du pouvoir d’achat des salariés.
Inflation record et baisse du pouvoir d’achat
En plusieurs occasions, l’UGTT a exprimé de vives réserves sur les mesures fiscales du gouvernement Youssef Chahed, instaurées par la Loi de finances pour l’année 2018. Rappelons au passage que l’augmentation des cotisations sociales des fonctionnaires et des taxes, a contribué à l’inflation record de 7,1% selon des statistiques officielles. Ces dernières semaines, le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, a publiquement fustigé ce qu’il considère comme étant l’incompétence du gouvernement dans le traitement des dossiers de l’évasion fiscale, de la contrebande et de la corruption. Ce tour d’horizon sur les relations entre l’UGTT et l’Exécutif permet de comprendre la toile de fond du conflit qui se poursuit entre le syndicat enseignant et le ministère de l’éducation.
La crise économique qui touche la Tunisie depuis 2011 a détérioré le pouvoir d’achat des classes moyennes, tout en profitant à certaines fortunés du pays. Il se trouve que le corps enseignant, avec environ 80.000 professeurs d’enseignement secondaire et 60.000 instituteurs, représente l’effectif le plus important et surtout le plus syndiqué de la fonction publique. Ce corps de métier est très représentatif des classes moyennes tunisiennes, laminées par la crise économique et les mesures fiscales des gouvernements successifs. Ces classes payent à elles seules un tribut lourd, que ce soit à cause de la chute du dinar, de l’envolée des prix ou de la pression fiscale. Malgré les augmentations salariales conséquentes et historiques de 2015, celles-ci se trouvent laminées par un taux d’inflation tout aussi historique. Les salaires augmentent en prenant l’escalier, alors que les prix, eux, s’emballent en prenant l’ascenseur.
L’épineux dossier des retraites et de la pénibilité du travail
Le dossier des retraites et de la pénibilité du travail, occupe une place non moins importante dans l’argumentaire syndical. Le gouvernement reconnait, implicitement, la pénibilité du métier d’enseignant, mais évite de réveiller les démons. Il n’y a pas que le corps enseignant qui soit à juste titre, en droit d’avoir des compensations matérielles ou des départs anticipés. D’autres métiers sont aussi pénibles et méritent compensation et raccourcissement de la durée du travail. Le gouvernement craint aussi de lancer une concurrence à la pénibilité entre les différents corps de métiers. Or il n’existe pour l’heure aucun consensus sur le dossier des retraites entre l’UGTT et le gouvernement Chahed. L’UGTT compte avancer prudemment en tâtant le terrain, et les syndicats enseignants constituent son fer de lance dans cette bataille.
Regain d’autoritarisme et diabolisation du syndicalisme
Depuis 2012, et à chaque mobilisation des enseignants, nous assistons à des campagnes de diabolisation, ciblant essentiellement le corps enseignant, représentants syndicaux et évidemment l’UGTT. Ces campagnes traduisent en fait un regain d’autoritarisme qui revient au galop, avec en ligne de mire le syndicalisme sous toutes ses formes. Cet autoritarisme émane aussi bien du camp des « islamo-conservateurs », qui vouent une admiration sans borne à Erdogan, que de celui des « démocrates-progressistes » (Nidaa Tounes et certains de leurs alliés) dont les idoles s’appellent Poutine et Al Sissi. L’opinion publique est chauffée à blanc par les foucades médiatiques et les discours oiseux des uns et des autres. A l’heure des réseaux sociaux, nous nous sommes retrouvés dans les réactions à chaud où le buzz l’emporte sur le discours rationnel.
Les attaques ad hominem ciblant des responsables syndicaux sont devenues monnaie courante. Lassaad Yaacoubi et Mastouri Gammoudi, dont certains médias nous dépeignent des portraits au vitriol, sont accusés d’être responsables de la déchéance de l’éducation nationale. Or, les grèves décrétées dans l’enseignement primaire et secondaire ont mobilisé massivement les enseignants eux-mêmes, qui sont loin d’être des moutons de Panurge entrainés dans un suivisme aveugle. Hatem ben Salem, l’ancien-nouveau ministre, a retenu les leçons du passé, évitant les écarts de langages ayant coûté à son prédécesseur, Néji Jalloul, son poste. Le dernier ministre de l’éducation de Ben Ali, aux allures de bonhomme avenant au langage bien soigné, entend bien reconquérir en douceur l’autorité de l’Etat.
A chaque crise dans l’enseignement, le scénario est connu d’avance. L’épilogue de chaque épisode de crise est une réunion entre la centrale syndicale, le chef du gouvernement et le ministre des Finances. Le gouvernement fait quelques concessions et la centrale syndicale se charge de calmer les ardeurs du syndicat enseignant. Les conflits entre syndicats et ministère de l’éducation traduisent : le malaise socio-économique des classes moyennes très représentées par les enseignants, les différends entre l’UGTT et le gouvernement sur les choix économiques ainsi que l’absence quasi-totale de réformes éducative réelles.
1 despot called beji plus 2 despots gone called bourghiba and ben ali
All this equal dead brain cells living in tunisia