Bien qu’ayant abouti à une confortable réélection d’Emmanuel Macron, l’élection présidentielle n’a pas tranché entre les options s’offrant aux Français. Son premier tour a abouti à une tripartition des forces politiques françaises. En additionnant les voix recueillies par les candidats selon leur appartenance, on obtient trois grandes tendances : le centre-droit libéral : 32,63% (Emmanuel Macron et Valérie Pécresse), l’extrême droite : 32,28% (Marine Le Pen, Eric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan) la gauche : 31,94% (Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel, Anne Hidalgo, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud).
Les élections législatives des 12 et 19 juin 2022 seront donc déterminantes pour l’orientation politique des cinq prochaines années. En effet, même si le président français dispose de plus de pouvoirs que la plupart de ses homologues occidentaux, la Constitution française, dans son article 19, précise que c’est le gouvernement qui « détermine et conduit la politique de la nation », « dispose de la force armée » et « est responsable devant le Parlement ». Les scrutins législatifs aboutiront à un gouvernement soutenu par l’une des trois forces précitées.
L’extrême-droite, blocus migratoire
Une majorité d’extrême droite a de très faibles chances de l’emporter. Les deux principales formations de cette famille politique (le RN et Reconquête) présenteront chacune ses propres candidats. L’affrontement entre Marine Le Pen et Eric Zemmour lors du premier tour de la présidentielle ont laissé des séquelles. Par ailleurs, les visions économiques des deux partis sont difficilement réconciliables entre un lepénisme aux propositions plus sociales que Macron et un zemmourisme néolibéral.
Une improbable victoire de ce camp aurait pour principale conséquence un quasi-arrêt de la politique migratoire et le renforcement des expulsions d’étrangers en situation régulière (chômeurs, délinquants) et irrégulière. Cela se traduirait par une plus grande pression exercée sur les pays du Sud pour les pousser à rapatrier leurs nationaux.
L’alliance macroniste, statu quo
Cette politique est déjà mise en œuvre par l’actuelle majorité macroniste. En septembre, les autorités ont décidé de réduire sensiblement les visas accordés aux ressortissants maghrébins. La Tunisie, le Maroc et l’Algérie sont en effet accusés de ne pas délivrer suffisamment de laisser-passez consulaires aux sans-papiers, document indispensable à toute reconduite à la frontière d’une personne dépourvue de passeport. Le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, a salué la coopération des autorités tunisiennes en la matière. Comme ont pu le constater plusieurs ONG à l’instar du FTDES, le rythme des réadmissions a sensiblement augmenté depuis le coup de force de Kaïs Saïed.
En dehors de quelques communiqués communs avec les pays du G7, la France a été relativement discrète sur les atteintes aux droits humains. Une reconduction de l’actuelle majorité présidentielle, qui passerait certainement par un rapprochement avec des élus de droite, ne ferait que renforcer cette démarche faisant primer le sécuritaire sur les grands principes.
La famille macroniste, rassemblée dans l’alliance Ensemble ! dont le chef de file est le parti La France en Marche (LREM), se définit également par son idéologie libre-échangiste. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, pas moins de 4 traités sont entrés en vigueur. Des ratifications faites en dépit de l’opposition de plusieurs partis politiques et associations qui dénoncent l’iniquité de ces conventions notamment en matières économique, sociale et environnementale. Parmi les discussions qui n’ont pas encore abouti figure l’ALECA. Un gouvernement macroniste continuera « d’encourager » Tunis à accepter cet accord léonin.
Enfin, Emmanuel Macron, fervent européiste et refusant tout retrait de la France de l’OTAN, exercera sans doute des pressions pour que la Tunisie, premier partenaire de la France, se range du côté occidental dans le conflit russo-ukrainien.
Le projet de la gauche, un semblant d’espoir
L’hypothèse d’une victoire de la coalition de gauche NUPES (Nouvelle union populaire écologique et sociale, à qui une étude donne une confortable avance) infléchira la position de la France sur les questions migratoires et dans le domaine du commerce international. En axant sa campagne sur les sujets économiques et en refusant de céder aux sirènes de la xénophobie, la France insoumise – principale force de la NUPES –rompt avec les surenchères concernant les objectifs d’expulsion. Dans le programme figurent des mesures de codéveloppement et une critique de la politique européenne de surveillance des frontières (FRONTEX). Faisant le lien entre migrations et appauvrissement des pays de départ, Jean-Luc Mélenchon s’oppose aux traités de libre-échange inéquitables.
Ces inflexions sont tout de même à relativiser. D’une part, la France insoumise ne promeut pas la liberté de circulation et d’installation totales. D’autre part, l’alliance avec des partis comme le PS et Europe écologie – Les verts, très attachés à l’intégration européenne, freineront toute modification radicale dans ces domaines. En effet, l’essentiel des prérogatives en matières migratoire et commerciale se décident au niveau de l’Union européenne.
Enfin, la Constitution française confie au président de la République la négociation, la ratification et le respect des traités. En cas de cohabitation avec Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron pourrait peser de tout son poids pour que la politique migratoire et celle du libre-échange (régie par plusieurs traités dont certains sont bilatéraux avec la Tunisie) soient respectées à la lettre. La révolution des rapports nord-sud ne sera alors qu’un vœu pieu.
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