La première semaine de la campagne #Manich_Msamah a été marquée par la violence policière, prétextée par l’état d’urgence. Les rassemblements ont été violemment dispersés ou avortés par l’arrestation des organisateurs, comme à Sfax, au Kef, à Sidi Bouzid, à Sousse, à Tunis… surtout avec la propagation de la vague protestataire dans plusieurs villes et la détermination des organisateurs à maintenir la manifestation nationale du 12 septembre à Tunis.

Lors de la première conférence de presse de la campagne #Manich_Msamah, tenue au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens, le 11 Septembre 2015, les coordinateurs ont souligné la réussite de la campagne dans les régions. Le maintien de la manif du 12 septembre ainsi que de nouvelles actions prévues pour les prochaines semaines afin de faire tomber le projet de loi.

A travers cette carte, Nawaat propose un tour d’horizon de la seconde vague de manifestation initiée par la campagne #Manich_Msamah dans les différentes régions ainsi que le relevé des infractions commises par les forces de l’ordre, entre le 8 et le 21 septembre 2015.

Mornag, 8 septembre 2015. Un nombre restreint de jeunes s’est rassemblé devant le siège de la délégation de Mornag (Ben Arous) à 17 heures. Les forces de l’ordre ont dispersé les protestataires avant le départ de la manifestation. Ils ont arrêté trois manifestants : Houssem Yousfi, Naiim Tlili et Walid Khloufi, libérés suite à l’intervention d’activistes de la société civile et de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH).

Kasserine, 10 septembre 2015. Ce rassemblement a réuni près de 120 manifestants, tous venus exprimer leur indignation face au projet de loi sur la réconciliation économique et financière.

Nabeul, 10 septembre 2015. Une heure avant le rassemblement prévu à 16 heures, les forces de l’ordre, très présentes, ont pris d’assaut les cafés où se trouvaient les manifestants pour les chasser, les insulter et confisquer leurs pancartes. Ils ont par la suite empêché violemment le départ d’une manif organisée par la coordination régionale de Nabeul de la campagne #Manich_Msamah. Le rassemblement qui a réuni une cinquantaine de personnes a été finalement dispersé par la police.

Gabes, 10 septembre 2015. La présence policière était nettement plus importante que le nombre de manifestants, estimé à 50. Les forces de l’ordre ont très vite dispersé le rassemblement.

El Hamma (Gabes), 11 septembre 2015. Le rassemblement a réuni plus d’une vingtaine de personnes. Les forces de l’ordre en retrait et en petit nombre, ne sont pas intervenues.

Monastir, 11 septembre 2015. Une trentaine de personnes se sont réunies devant le siège de la municipalité. Ala Aafi, coordinateur régional de la campagne #Manich_Masamah a été violement arrêté dans la rue par les forces de l’ordre, auxquelles, il a pu échapper par la suite. L’arrestation de Ala est consécutive a son discours dénonçant les abus policiers et la violence contre les manifestants. Des témoins oculaires ont noté que des policiers avait filmé, sous plusieurs angles, l’intervention de Ala.

Bizerte, 11 septembre 2015. Initié par le Front Populaire et des représentants de la société civil, ce rassemblement s’est tenu au centre-ville de Bizerte. Les manifestants qui ont scandé des slogans contre le projet de loi sur la réconciliation, ont exprimé leur indignation face à « la volonté gouvernementale de contourner la loi de la justice transitionnelle et la violation de la Constitution tunisienne ». Lors de ce rassemblement, étaient présents Jilani Hammami, député du Front Populaire ainsi que Maître Anouar Ksouri, au nom de la LTDH.

Degache (Tozeur), 12 septembre 2015. Une trentaine de personnes se sont rassemblées au centre de Degache contre le projet de la loi sur la réconciliation économique et financière.

Gabes, 12 septembre 2015. Un nouveau rassemblement s’est tenu à Gabes, face à une faible présence policière qui s’est contenté d’observer les manifestants.

Zarzis, 12 septembre 2015. Organisé par le Front Populaire et Al Massar, le rassemblement a réuni une trentaine de personnes face à une faible présence policière.

Gafsa, 12 septembre 2015. Initiée par le Front Populaire, La marche a démarré à 10h devant le siège de l’UGTT à Gafsa en présence de Ammar Amroussiya, député du front populaire. Contrairement au premier rassemblement violemment réprimé, la police très présente n’est pas intervenue.

Djerba, 12 septembre 2015. Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées à 16h, près de la municipalité de Houmet Essouk. Les jeunes ont dénoncé les répercussions du projet de loi. Des militants du Front Populaire se sont joints à la manifestation.

Sfax, 12 septembre 2015. A 10h30, plus de 500 personnes se sont rassemblées devant le siège de la municipalité. Les forces de l’ordre avaient assiégé l’avenue Habib Bourguiba et ont empêché le départ de la manifestation. Etaient présents, Chafik Ayadi député du front populaire, Zouhaier Louhichi (LTDH), Basma Om Ezzine (Al Massar).

Tunis, 12 septembre 2015. Sur l’avenue Habib Bourguiba, désormais lieu-symbole de la révolution du 14 janvier,  trois marches différentes ont eu lieu contre le projet de loi sur la réconciliation économique et financière.

A 14h, plus de 500 personnes se sont rassemblées près de la statue d’Ibn Khaldoun. Cette première marche, initiée par le Front Populaire, a vu défiler les députés de l’ARP, Ahmed Seddik, Fathi Chemkhi, Monji Rahoui, Nizar Amami, Jilani Hammami et Mbarka Brahmi (Front Populaire), des députés de l’ANC, à savoir Salma Baccar (Al Massar), ainsi que des leaders politiques du Front Populaire (Hamma Hammami, Zied Lakhdhar et Riadh Ben Fadhel) et d’Al Massar (Jounaidi Abdeljaouad) et des représentants de la société civile.

30 minutes plus tard , les initiateurs de la campagne #Manich_Msamah se sont regroupés devant le théâtre municipal de Tunis, scandant des slogans contre le projet de loi qu’ils qualifient « loi de blanchiment de la corruption et des corrompus ». Ce groupe, composé d’une centaine de jeunes, réclame le retrait immédiat et inconditionnel du projet de loi ainsi que la traduction en justice, de ceux qui sont impliqués dans la corruption financière et politique, durant les dernières décennies.

Initiée par la coordination des partis de l’opposition, une troisième marche comptant quelques centaines de personnes, a démarré à 15h de la rue d’Alger vers l’avenue H. Bourrguiba. En tête de cortège, des députés de l’ARP tels que Samia Abbou (Courant Démocratique), ceux de la Constituante, Maya Jribi (Al Joumhouri), Mustapha Ben Jaafar (Ettakatol), Mohamed Hamdi (Alliance démocratique), ainsi que des ex-ministres Elyes Fakhfakh et Khlil Zaouia (Ettakatol), et des figures politiques, parmi eux Om Zied, Zouhaier Maghzaoui (Mouvement Echâab) et Jaouhar Ben Mbarek (Doustourna).

En marge des trois manifestations, Mondher Belhadj Ali, député Nidaa Tounes, a accordé une déclaration au JT de Wataniya 1. Il justifie sa présence par « la volonté de son parti de préserver le droit des citoyens à la liberté d’expression, d’opinion et de manifestation ». Il a indiqué que les initiateurs du projet de loi pourrait y apporter quelques amendements.

Peu après 15 heures, les trois marches convergent sans fusionner devant le ministère de l’Intérieur. Au-delà de la polémique suscitée par les médias dominants sur le nombre des manifestants, les protestataires du 12 septembre ont rappelé la nécessité de préserver les acquis de la révolution comme la liberté de manifestation, le processus démocratique et la justice transitionnelle.

Malgré les alertes sur de possibles attaques terroristes annoncées par le ministère de l’Intérieur, la journée était plutôt calme. Les forces de l’ordre déployées en grand nombre sur l’avenue Habib Bourguiba et dans les rues adjacentes, ont procédé à la fouille des manifestants. Des agents en uniforme ont formé des cordons sécuritaires sur tout le parcours de la manifestation.

Medenine, 15 septembre 2015. Une soixantaine de personnes se sont réunies sur la place des martyrs, à quelques mètres du siège de la recette des finances et du poste de police. Les forces de l’ordre sont restées en retrait. Ce rassemblement était marqué par la présence de représentants de partis politiques (Front Populaire, Mouvement Echaab, Al Joumhouri), de militants de l’UDC ainsi que des indépendants.

Sousse, 15 septembre 2015. Ce rassemblement, initié par les coordinateurs régionaux de la campagne #Manich_Msamah, a eu lieu place Chelly, à partir de 17h30. Il a réuni au départ une dizaine de personnes qui ont résisté aux tentatives de la police pour confisquer les pancartes et disperser le rassemblement, en rappelant qu’il n’a pas été autorisé. Peu de temps après, le nombre de manifestants atteint la cinquantaine. Les forces de l’ordre ont confisqué la caméra de Nawaat, interdisant à nos deux confrères, Mohamed Ali Al Mansali et Sami Kacem de filmer l’événement. Après une longue négociation, ils ont finalement pu poursuivre leur travail. Entre temps, le harcélement des manifestants par la police s’est soldé par l’arrestation de trois manifestants, libérés par la suite. Etaient présents à ce rassemblement des représentants de la société civile, quelques militants du Front Populaire, ainsi que Charfeddine Kellil, avocat et l’un des coordinateurs nationaux de la campagne #Manich_Msamah.

Siliana, 16 septembre 2015. Initiée par l’Union des diplômés chômeurs (UDC), une marche de protestation a réuni plus d’une trentaine de personnes pour dénoncer le projet de loi sur la réconciliation et réclamer le droit au travail.

Mass’ART, 18 septembre 2015., à 18h, s’est tenu un rassemblement de protestation artistique, initié par Zwewla et Street Poetry, contre le projet de la loi sur la réconciliation économique et financière. Lors de cette manifestation, des musiciens de Fn’ART, Groupe Khatt, Rap Mass’ART de jeunes poètes (Marwen Meddeb et Taieb Bouallague), des slameurs de Street Poetry et des tagueurs du collectif Zwewla ont pris d’assaut la scène du petit théatre.

Acharnement médiatique et diffamation : #Manich_Msamah riposte

Malgré le blackout médiatique et l’oppression policière pour réduire au silence le mouvement contestataire #Manich_Msamah, l’initiative s’est très vite installée dans les rues de plusieurs villes tunisiennes et s’est forgée une place sur les plateaux télévisés publics comme privés.

En réponse aux attaques auxquels ils font face, les initiateur(ice)s de la campagne ripostent dans un communiqué, publié dimanche 20 septembre 2015. Ils y dénoncent en plus des abus policiers, l’acharnement médiatique et les diffamations portées à leur encontre, durant ces deux dernières semaines et les tentatives de récupération du mouvement par l’Union Générale Tunisienne des Etudiants (UGTE, islamiste) lors du rassemblement du 12 septembre 2015.

Durant l’émission « Walakoum sadid anadhar » [A vous de juger], diffusée le 18 septembre sur Watania 1, un invité s’est lancé dans une diatribe calomnieuse contre #Manich_Msamah. Les coordinateurs de la campagne ont demandé un droit de réponse, refusé à ce jour par la direction de la Télévision Tunisienne.