Décharge sur une plage près de SIAP à Sfax, Tunisie.
Décharge sur une plage près de SIAP à Sfax, Tunisie.

Encore un  crédit de la Banque mondiale ! Le 31 août, la banque a annoncé un financement additionnel de 18 millions de dollars à l’Office Nationale de l’Assainissement (ONAS) pour compléter le projet d’assainissement de Tunis-Nord, lancé en 2010.

La Banque estime que les deux institutions étatiques chargées de la distribution de l’eau et de son assainissement, la SONEDE et l’ONAS, « ont fourni des standards de services adéquats à la population, et se sont établis parmi les meilleurs opérateurs de la région ». Or, depuis 2011, la gestion de l’eau, et en particulier le système d’assainissement, auraient souffert de ressources humaines et financières insuffisantes, de la saturation de stations de traitement, et de l’absence de solutions pour la gestion des eaux usées traitées. Alors que 86 % des eaux usées collectées dans le Grand Tunis sont traitées dans les quatre stations de la région, « l’infrastructure actuelle ne permet pas le traitement adéquat et l’élimination des effluents », constate un rapport de la Banque datant d’avril 2015.

Le golfe de Tunis, point noir de la pollution

Ça fait des années que les plages de Tunis-Nord sont contaminées par les décharges des eaux usées et des rejets industriels. Selon la Banque mondiale, le Golfe de Tunis serait « de loin le plus grand hot spot de pollution ». Une situation que ne cesse de s’aggraver depuis 2011. Evoquant de « très mauvaises » conditions environnementales, une étude publiée par la Banque mondiale en avril 2015 décrit le système de traitement/assainissement Tunis-Nord : des quatre stations de traitement des eaux usées, deux opèrent conformément aux normes nationales, tandis que les deux autres sont saturées, déchargeant 70 millions de mètres cubes d’eaux usées traitées dans le canal El Khélij (qui va de Choutrana à Raoued) où elles se mélangent avec le drainage d’irrigation, les eaux pluviales, la décharge des eaux non-traitées et des déchets solides.

Tunis-Nord : une nouvelle trajectoire et déversoir sous-marin

canal el khelij tunisie-01

Le Projet d’assainissement Tunis-Nord vise à remédier la situation actuelle avec l’introduction d’une trajectoire de 12 kilomètres pour transporter les 70 millions de mètres cubes des eaux usées traitées de la zone urbaine de Tunis Nord. Il est composé de trois parties :

  1. Le transfert des eaux usées traitées (du point de décharge actuel près du canal de drainage El Khélij, à un bassin de stockage compartimenté pour augmenter son utilisation dans les activités agricoles.
  2. L’amélioration de la décharge en mer à travers une canalisation du bassin de stockage à Raoued plage et un pipeline sous-marin qui déchargera à 6 km de la côte.
  3. Les contours du troisième volet restent flous pour l’instant. Il s’agit d’offrir une assistance technique pour la mise en place « d’une station d’assainissement dans le nord de Tunis ou le futur transport des eaux usées traitées dans le sud de Tunis ».

Les travaux en mer (deuxième volet du projet) ont été estimé par l’ONAS à 28 millions de dollars. L’Office a ainsi demandé un financement additionnel de 25 millions de dollars.  Le dernier crédit approuvé par le Conseil des administrateurs de la Banque mondiale pour 18 millions de dollars est dédié à ce chantier qui devrait augmenter la quantité et améliorer la qualité des eaux usées traitées mises à la disposition des agriculteurs de Borj Touil, à 9 kilomètres de Raoued Plage.

L’ONAS : « compétent et fiable » ?

« L’ONAS s’est avéré un partenaire compétent et fiable durant le mise en place de plusieurs projets de la Banque mondiale et des donateurs internationaux ».

Si la Banque demeure optimiste concernant la performance et les capacités de l’Office National de l’Assainissement, d’autres le sont moins. En 2014, la Cour des comptes a observé un faible taux de couverture par l’ONAS avec 37% de communes qui reliées au réseau d’assainissement. Un taux qui chute à 10% dans les zones rurales. Plus grave, elle a révélé un taux élevé de non-conformité aux normes nationales des eaux traitées : 61% du volume des eaux traitées sont non-conformes, et 33 stations d’épuration sont totalement hors normes. Cette non-conformité aurait un impact dégradant dans les rivières, vallées et mer ou se déversent ces eaux traitées et aurait des conséquences sur la production agricole. Il n’y a aucun contrôle des périmètres agricoles irrigués avec des eaux traitées dont 50% n’est pas conforme aux standards nationaux.

Début septembre, le président de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP) a souligné la pénurie de ressources hydriques résultant d’une pluviométrie insuffisante mais aussi la gestion des eaux traitées et les déchets industriels déversés sur terre et mer qui ont endommagé aussi bien la faune que la flore.