Le taux directeur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a été relevé de 75 points de base, passant ainsi de 5% à 5,75%. C’est ce qu’a annoncé Marouane Al Abassi, le gouverneur de l’institution financière, lors d’une conférence de presse organisée le 8 mars.

La mesure intervient au terme de la réunion ordinaire du Conseil d’administration de la BCT, tenue le 5 mars. L’objectif étant d’expliquer la portée d’une initiative désapprouvée par de nombreux experts économiques et organisations professionnelles à l’instar de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat.

La BCT a justifié sa mesure par ses efforts visant à contenir le taux d’inflation, qui a progressé de 2% par rapport à l’année précédente, atteignant un niveau record de 7,1% en mars courant, selon l’Institut national des statistiques. Le tout dans un contexte marqué par la dégradation de multiples indicateurs économiques.

Pour le gouverneur de la BCT, l’initiative devrait porter ses fruits à la fin de l’année 2019. Cependant, la même mesure a été à plusieurs reprises adoptée périodiquement depuis 2012, sans pour autant parvenir à juguler la hausse du taux d’inflation. Pis : la hausse du taux directeur est susceptible d’aggraver les problèmes de secteurs économiques en crise depuis plus de 7 ans.

Taux directeur revu à la hausse à 7 reprises en 7 ans

La récente mesure décidée par la BCT afin de faire face à la détérioration du pouvoir d’achat des citoyens, n’est pas une première. Chedly Ayari, le précédent gouverneur de l’institution, a eu six fois recours à la hausse du taux directeur en moins de six ans.

En cette même période, ce taux est ainsi passé de 3,5% à la fin de 2011 à 5,75% en mars 2018. Alors même que le taux d’inflation, estimée à 4,9% en août 2012, a atteint 7,1% en mars 2018.

Le graphique ci-joint, établi selon les données de l’Institut national des statistiques et de la BCT, démontre que le recours à cette politique monétaire à sept reprises au cours des sept dernières années n’est parvenu à freiner la hausse du taux d’inflation que pour une période limitée.

Ainsi, l’inflation évaluée à 5,8% au cours du premier trimestre de 2015, est revenue à 4% en 2016. Mais la situation s’est de nouveau détériorée en 2017 et au début de 2018, avec une hausse continue du taux d’inflation, qui a dépassé la barre des 7%.Une hausse qui n’a pu être jugulée par les deux augmentations successives du taux d’intérêt directeur en avril et en mai 2017.

Répercussions de la guerre contre l’inflation

L’inflation est l’une des répercussions les plus importantes de la crise économique qui affecte directement le pouvoir d’achat et le niveau de vie des citoyens. Le problème, qui s’est aggravé après l’année 2011, a incité la BCT à tenter de juguler la tendance haussière des prix à la consommation.

Dans cette «guerre» contre l’inflation, elle a recouru à l’un des principaux instruments de la politique monétaire, à savoir le taux d’intérêt directeur.

Schématiquement, la hausse du taux directeur implique la hausse du taux d’intérêt payé par les banques commerciales à la banque centrale pour obtenir des liquidités, ultérieurement destinés aux emprunts à la consommation ou en vue d’investissement. Ces prêts sont ainsi fixés à des taux supérieurs à celui du taux directeur, décidé par la Banque centrale.

Par conséquent, sa hausse contribue à freiner les emprunts, et entraîne un rétrécissement des liquidités disponibles sur le marché, aboutissant ainsi à une contraction de l’inflation. Cependant, cet instrument de politique monétaire affectant directement la consommation, impacte également l’investissement, et la croissance économique.

En somme, ce type de mesure affecte directement les différents secteurs, dont celui de l’immobilier, sans épargner l’emploi.

Selon les données de la BCT, on assiste ainsi à la réduction du volume des investissements. La hausse des taux d’intérêts à l’investissement comme à la consommation freine en effet les intentions d’investir ou de consommer. La hausse du taux d’intérêt directeur aura ainsi contribué à favoriser la stagnation économique.

Or les problèmes de l’économie tunisienne ne se limitent pas au déséquilibre de l’offre et la demande de liquidité ou à une hausse de la consommation. D’une part, l’Etat paraît dans l’incapacité de contrôler les liquidités en circulation sur le marché parallèle, représentant près de 50% du volume total de l’argent en circulation dans le pays.

En outre, l’économie tunisienne connait une récession, une baisse de la croissance économique, et un déséquilibre budgétaire qui a dépassé les 6% en 2017. Le recours à une contraction de l’économie ne lui sera donc en aucun cas bénéfique.