Décidément, l’art bande mou à Carthage. Au moment de la piqûre de rappel de la Fête des Martyrs en son 79ème anniversaire, la Présidence de la République met les bouchées doubles pour trompeter ténacité et résistance du peuple tunisien au cours de l’histoire. Organisée en collaboration avec les ministères de la Culture et celui de l’Education, Résistances se veut une exposition itinérante qui sillonnera toutes les régions du pays jusqu’à la fin du mois d’avril 2019. On aura beau tourner sa langue mille fois dans sa bouche, on a beau fouiner dans son vocabulaire, il n’y a pas d’autre mot pour qualifier cette initiative poussiéreuse d’une expo qui ne l’est pas moins : nulle.
Douraïd Souissi, photographe des hautes solitudes
En une dizaine de portraits, le geste photographique de Douraïd Souissi en dit beaucoup plus sur l’éthique du point de vue que sur le petit quart d’heure de gloire promis par les feux de la rampe. Ce ne sont d’ailleurs pas des images, mais des contre-images dont les sujets se refusent à notre regard. De ces sujets, en grande partie masculins que l’on voit se replier sur leur intimité, nous ne saurons d’ailleurs que les prénoms qui donnent son titre à cette troisième exposition personnelle du photographe. Celle-ci se poursuit actuellement à la galerie A. Gorgi, jusqu’au 10 mai 2017.
Aïcha Snoussi : quand le dessin réinvente les sexes de l’art
Des cahiers d’écolier, aux fines lignes horizontales, Aïcha Snoussi se fait de bien perverses idées. Composé d’un ensemble de cahiers d’écoliers, distribuées dans les années cinquante au sein des écoles primaires tunisiennes, son « Livre des anomalies » claque comme une baffe dans les têtes trop pleines. Le savoir dont celles-ci se targuent n’étant pas désopilant, les dessins à l’encre noire d’Aïcha Snoussi balaient les limites du goût comme la frontière entre les sexes. Présenté du 30 mars au 02 avril 2017 sur le stand de la galerie A. Gorgi, lors de l’Art Paris Art Fair au Grand Palais, ce travail déprave avec force une large vulgate rétinienne.
« Derrière la vague » de Fathi Saidi : l’immigration clandestine en contre-champ
“Derrière la vague” sonde les conditions qui pousse ces jeunes dans les embarcations de fortune et expose les répercussions dramatiques pour leurs familles. Entre calvaires et mobilisations pour réclamer aux autorités tunisiennes et italiennes des explications quant au sort de leurs enfants, le point de vue de ces familles permet à Fathi Saidi de déplacer le problème de l’immigration clandestine du champ au contre-champ. Le film sera projeté ce dimanche 9 avril 2017 à 17h, au 4ème Art (Tunis), dans le cadre de la 11ème édition de Doc à Tunis.
Kamel Daoud et le gardien de son sommeil
La rhétorique onirique de Kamel Daoud cherche à évincer le sommeil dans un récit national qui pourtant l’impose. Mais par le procédé d’identification imaginaire, il fixe bien le rétroviseur. C’est qu’en déposant des œillères sur le présent de la transition tunisienne, Daoud pense au refoulé algérien, pris en tenaille entre les fantasmes nostalgiques et les incertitudes du futur.
ثورة الكيراتين واعتصام الست نجوم
ما العجب في عودة الطبيب النفساني فرانتز فانون إلى الرازي ؟ وأين الغرابة في عودة غريمه سليٌم عمار، الذي كان أبعده من المستشفى أواخر الخمسينات، إلى المشهد ؟ عاد سليٌم عمار بعينيه الزرقاوين ” محنطا ملفوفا كمومياء رفقة زبانيته لتهشيم عظام كل من يلتحق بفانون “. أما المفكر والمناضل الثائر على الاستعمار فعاد محملا بمشروع ” الكارتين الذي يهدف إلى تحويل أقسام المستشفى إلى معاهد تجميل ومنتجعات راحة “. مشروع بديل ضرب لوبيات الأطباء ومخابرالأدوية في الصميم. هذيان أيمن الدّبوسي الأدبي أشعل ثورة الضحك للإطاحة بمضادات الذهان الكلاسيكية وغير التقليدية، مستعملا كل مفردات الثورة.
Kamel Zaghbani, la littérature et son bordel
C’est un bordel, la littérature. Et un bordel signé Kamel Zaghbeni mérite qu’on y mette les pieds, ne serait-ce que pour les petites pilules d’ecstasy qu’il nous prodigue sans complexe. C’est que sa Machina Bona Hora remet au goût du jour un appétit de littérature dévergondé. Mais cette littérature, Zaghbani ne la porte pas en brassard. Ce qui l’intéresse, c’est une chose rêvée qui paradoxalement s’offre à la réprimande. Avec En attendant la vie, c’était la vie. Et avec son deuxième roman, placé sous le signe de Spinoza, c’est une machine à illusions qui nous fait baver.
Machina Bona Hora a obtenu le prix du roman de la 33 ème édition de la Foire internationale du livre de Tunis (24 mars-2 avril 2017).
Médias : Quand le ministère de la Culture se conjugue en ministère de l’Evénementiel
Le tapage médiatique autour de la démission d’Amel Moussa de la direction du Festival International de Carthage rappelle une tendance devenue norme au fil des années : La couverture des activités du ministère de la Culture renvoie l’image d’une institution dont la principale vocation est la production événementielle. Pourquoi autant d’intérêt pour cette vocation ? Est-il justifié ? A quel point cette image médiatique concorde-t-elle avec la réalité ?
The Tunisian body, on and off screen
The body in cinema was the theme of the 17th edition of Cinéma de la Paix? organized by the Tunisian Federation of Film Clubs (Fédération Tunisienne des Ciné-Club, FTCC) in Tunis. March 8-12, at the Quatrième Art theater downtown, cinephiles, directors, students, FTCC members old and new filled café tables and spilled out into the street, clutching programs and caricatures sketched out by an on-site cartoonist. On Sunday evening, a musical performance by Pardon My French marked the end of the festival, five days of reflections and discussions on what the body in cinema reveals about society.
Massinissa Selmani : le dessin contre le consensus visuel
S’il faisait de la psychanalyse, on dirait qu’il couchait l’inconscient sur du papier-calque. Mais comme il ne fait que de l’art, on dira que les dessins de Massinissa Selmani dérangent plus que les audaces de toute interprétation. Dans « Le vent ne veut jamais rester dehors », sa première exposition en Tunisie, l’artiste franco-algérien offre d’intelligentes parenthèses à l’interrogation. Le recadrage des clichés tirés des coupures de presse et leur transposition en montages de dessins, fixes ou animés, lui permettent de fictionner le réel, la politique et ses images médiatiques, avec humour et lucidité. L’exposition se poursuit à la Galerie Selma Feriani jusqu’au 26 mars 2017.
أن تكون مصريا وتشاهد فيلما سعوديا بتونس
عندما ذهبت لسينما ”الريو“ لمشاهدة ”بركة يقابل بركة“ للمرة الثالثة في غضون أقل من أسبوعين لم أقابل إلا ثلاثة فقط دلفوا معي في صمت إلى القاعة الفسيحة قبل أن تنطفئ كل الأضواء. وقد كنت أمنى النفس باهتمام أكبر بمقابلة ”بركة“ بعدما أغرقتنا لعقود في مصر وتونس كتب إبن كثير وأبن تيمية وشيوخ الوهابية القادمة من المملكة ولاقت رواجا منقطع النظير حتى في معارض الكتب المسماة بالدولية والتي تدّعى حمل لواء أفكار الأنوار.
« Corps étranger » de Raja Amari : du réchauffé à basse température
En langage placé sous haute surveillance, on dira que le cinéma de Raja Amari est un cinéma paillard, par sa manière de mettre le désir à toutes les sauces. Ce qui est louable en soi. Les Secrets (2009) s’est nourri aux mêmes mamelles que son premier court-métrage Avril (1998). En changeant de terrain, Corps étranger navigue aussi un peu dans les mêmes eaux que Satin rouge (2002). Serait-ce le modèle d’un cinéma indisposé à l’évolution ?
La censure des imbéciles
Les empires n’ont de pouvoir qu’autant qu’ils ont de l’influence. Tout empire qui prétend régner uniquement par les armes se condamne à disparaître rapidement. La force brute est, certes, une porte d’entrée dans les civilisations que l’on souhaite subjuguer, mais le véritable pouvoir ne provient que de l’influence que l’on exerce sur une civilisation. Et l’influence s’acquiert par le désir de ressemblance et de mimétisme instigué à ceux sur qui l’on veut exercer son pouvoir. Ces principes élémentaires de la philosophie martiale sont vieux comme Sun Tzu, mais il serait peut-être temps de comprendre ce que cela veut dire lorsque l’on parle de la guerre des consciences.
Auto-censure au Théâtre National Tunisien : une capitulation si facile
Contesté par un groupe d’imams fondamentalistes, le titre en arabe du spectacle chorégraphique Alhakom Al-Takathor a été rapidement censuré par l’auteur de l’œuvre et son producteur, le Théâtre National Tunisien. Retour sur les péripéties d’une polémique où la liberté d’expression a été trahie par une institution de l’Etat.
”سهرت منه الليالي“ لعلي الدوعاجي : عن الأدب المرح والنقد اللاذع
إن المتمعن في أقصوصات “أبو القصة في تونس”، كما سماه الناقد توفيق بكار، يلاحظ أنه جعل نصوصه مطية لتضمين آرائه في السياسة الاستعمارية وانعكاساتها السلبية على المجتمع التونسي آنذاك. ولعل ما يميزه عن غيره وجعله رائدا من رواد الأدب التونسي هو قدرته على إضفاء بعد هزلي رغم جدية وحساسية المواضيع المطروحة في قصصه فهو لا يفضل الوعظ الثقيل فالقصة “صورة صادقة لمنظر شاذ” على حد تعبيره.
« Chroniques du Râzi » d’Aymen Daboussi : l’ordre psychiatrique mis à nu
À l’image des rapports sexuels dont ils sont pétris, les rapports textuels d’Aymen Daboussi avec ses lecteurs se méritent. Ses dédicaces aussi, semble-t-il. Sauf que l’auteur de ces Chroniques du Râzi a eu la très mauvaise idée de me dédier son dernier rejeton. Allez savoir pourquoi. D’ailleurs, je ne suis pas du tout sûr de mériter cet honneur. Mais rendre compte de ce recueil oblige à faire la part des choses. Ainsi, la déontologie sera-t-elle quitte, et ne fera pas de bourdes. Car d’un livre sur le mal, peut-on dire autre chose que le mal qu’il nous fait ?
برقو 08 : موسيقى الجبال بين الأصالة والتجديد
من جبال الشمال الغربي الشاهقة – أين تتفجر أصوات النساء والرجال ببحة فريدة – تنهل فرقة برقو 08من هذا النبع الموسيقي وتحاول تعصير المقطوعات القديمة النادرة عبر إعادة التوزيع ومحاولات المزج مع الموسيقى الإلكترونية في إطار مشروع الجبهة الموسيقية الشعبية، مختبر موسيقي، يعيد خلق التراث الموسيقي بنفس معاصر.
« Demain dès l’aube » de Lotfi Achour : sur le terrain glissant de l’intime
Avec « Demain dès l’aube », Lotfi Achour a fait le pari d’un film intimiste où l’intimité serait un tremplin plutôt qu’un enjeu. Le risque, dans ce film plein de conviction, est de ne convaincre qu’en pinçant la corde de l’émotion. Pour distiller à l’écran le vague à l’âme d’une jeunesse désenchantée et d’une révolution confisquée, le cinéaste a beau jeu de le montrer d’un œil saturé, sa fiction se prend les pieds dans un tapis psychologisant. Bien qu’empaqueté dans son écrin de joliesse, ce premier long-métrage peine à embrasser d’un geste tout ce qu’il convoque.