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V- La réaction de Bourguiba : rejet de la tentative de prise de contrôle du bureau politique du P.S.D. par Ahmed Mestiri et ses alliés dont Béji Caïd Essebsi.

Cette période a été marquée par la réaction de Bourguiba qui n’a pas du tout apprécié les résolutions du Comité Central du P.S.D. et qui selon lui constituent un complot pour s’accaparer de son bureau politique du P.S.D. et tenter de le renverser par la nomination d’un autre successeur…

Le 20 octobre 1971, Ahmed Mestiri a été suspendu de toute activité au sein du parti, l’accusant de vouloir prendre le pouvoir à travers sa mainmise sur le Comité central et le bureau politique du P.S.D.

C’est ainsi que Bourguiba a rapidement maintenu sa volonté de désigner lui-même les membres de son bureau politique du P.S.D., refusant également toute succession automatique à la Présidence, préférant par conséquent désigner lui-même son futur successeur en cas de vacance de la Présidence, en l’occurrence Hédi Nouira.

Le 22 octobre 1971, Bourguiba a réuni le Comité Central du P.S.D. au Palais de Carthage et a présenté aux membres du Comité Central une liste comportant 20 membres qui ont été choisis par lui-même. Le Comité Central a été appelé par Bourguiba afin d’élire 14 membres parmi la liste comportant les 20 membres qui ont été désignés par Bourguiba lui-même pour former le nouveau bureau politique. Le choix du Comité Central des membres du bureau politique ne pouvait se faire que dans le choix des membres désignés par Bourguiba.

A ce sujet, le Comité Central a procédé à l’élection des 14 membres parmi les 20 noms désignés par Bourguiba pour former le bureau politique pour faire apparaître les noms suivants :

Hédi Nouira- Dhaoui Hannablia- Ferjani Bel Haj Ammar- Mustapha Filali- Mohamed Masmoudi- Habib Achour- Taïeb Sahbani- Jallouli Farès- Mansour Moalla- Hédi Khfacha- Sadok Mekaddem- Abdallah Farhat- Béchir M’Hedheb- Rachid Driss.

Dans cette liste présentée par Bourguiba, Béji Caïd Essebsi n’a pas été élu le 22 octobre 1971 comme membre du bureau politique du P.S.D., puisque son nom ne figurait pas parmi les 20 candidats désignés par Bourguiba…alors que Béji Caïd Essebsi était membre de ce bureau politique depuis le 16 août 1965 ! Il convient de rappeler que Béji Caïd Essebsi occupait en octobre 1971 la fonction d’Ambassadeur de la Tunisie auprès de la France depuis le 14 août 1970 (voir supra sous III).

Lors de cette réunion du Comité Central du 22 octobre 1971 au Palais de Carthage, à Tunis, réunion tenue afin d’élire les membres du bureau politique du P.S.D., Bourguiba s’est adressé au membres du Comité Central ( voir pour le contenu de ce discours de Bourguiba, le journal tunisien “L’Action” du 26 octobre 1971). Dans l’un des passages de ce discours du 22 octobre 1971 précité, le Président Bourguiba s’est adressé à Béji Caïd Essebsi qui était présent lors de ce discours en tant que membre du Comité Central du P.S.D., lui déclarant dans ces termes :

J’ai eu l’occasion de dire à Mr.Béji Caïd Essebsi que la séparation envisagée à la base et à l’échelon des gouvernorats entre les attributions du gouvernement et celles du Parti ne devrait pas revêtir une forme pyramidale et se répercuter au sommet. Toute séparation entre les attributions du Chef de l’Etat et celles du Chef du Parti serait inconcevable, dans un régime présidentiel où tout doit procéder des pouvoirs du Président. Il est également impensable que le rôle du Président du Parti consiste à entériner purement et simplement le choix de personnes dans lequel il n’a pas son mot à dire.

Vous n’admettrez pas, je pense, que Bourguiba, Chef de l’Etat soit réduit, au bout d’une carrière de quarante ans de lutte, à un rôle de figurant consistant à signer les décrets de nomination des hommes à devenir collaborateur, ministres ou autres.

De même, après la nomination de Hédi Nouira comme Premier Ministre, le 2 novembre 1971, et la composition de son gouvernement le 6 novembre 1971, Béji Caïd Essebsi a été écarté de ce Gouvernement de Hédi Nouira. Fin 1971, étant exclu du bureau politique du P.S.D. et du gouvernement de Hédi Nouira, Béji Caïd Essebsi a démissionné le 14 décembre 1971 de sa fonction d’Ambassadeur en France et a regagné la Tunisie pour rejoindre cette fois-ci non pas le clan de Bahi Ladgham qui n’existe plus mais le clan d’Ahmed Mestiri.

Dans son discours prononcé le 12 janvier 1972, à la clôture de la Conférence des Gouverneurs ( voir pour l’extrait de ce discours, le Journal tunisien de l’époque ” l’Action ” du 14 janvier 1972 ) Bourguiba voyant dans les manoeuvres des amis de Bahi Ladgham et des amis d’Ahmed Mestiri un complot visant tout simplement sa succession, en affirmant à ce sujet :

Mais voilà qu’ils estiment, eux que j’ai trop duré et qu’ils ont hâte de me voir disparaître. Chaque fois que j’échappe à la maladie, ils sont déçus et ils étaient au grand jour leur désappointement. L’un deux se serait exclamé : ” Bourguiba ne veut ni mourir ni céder la main…” Ces gens-là sont impatients de me voir passer de vie à trépas. J’en ai eu preuve l’année dernière au moment de mon départ en Amérique pour me soigner, lorsqu’on a dû me transporter à bord d’avion sur la civière. L’un avait choisi ce moment particulièrement pénible pour me presser de signer un décret le nommant Ministre d’Etat, c’est-à-dire le désignant comme second personnage après le Premier Ministre. Je fus outré de cette démarche. L’heure de la curée n’avait pas encore sonné et ma succession n’était pas encore ouverte. Tels sont les intérêts sordides qui inspirent ces personnages.

Ahmed Mestiri a été traduit le 9 et 25 décembre 1971 devant une Commission de discipline du P.S.D. et le 21 janvier 1972, il a été exclu du P.S.D. Également, le 20 juillet 1973, il est exclu de l’Assemblée Nationale.