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VI- Début de l’année 1972 : Béji Caïd Essebsi et ses alliés d’Ahmed Mestiri, écartés du Gouvernement, sont passés à l’opposition contre Bourguiba, mais ont été par la suite rapidement exclu du P.S.D. en 1974.

Étant exclu du Gouvernement et du bureau politique du P.S.D., Béji Caïd Essebsi a pu conserver sa qualité de membre du Comité Central du P.S.D. qu’il vient d’avoir lors des élections de ce Comité par le 8ème Congrès tenu à Monastir du 11 au 17 octobre 1971 ( Voir supra sous IV). Mais son exclusion par Bourguiba du bureau politique le 22 octobre 1971 était d’une grande importance et faisait comprendre à Béji Caïd Essebsi qu’il est devenu indésirable pour Bourguiba.

Toutefois, Béji Caïd Essebsi n’était pas encore exclu du P.S.D. Son exclusion de ce parti allait intervenir en 1974. Du début de novembre 1971 jusqu’à la date de son exclusion du P.S.D, le 14 septembre 1974, Béji Caïd Essebsi n’avait jamais démissionné du P.S.D. ainsi que ses activités politiques n’ont pas été gêlées, comme il le laissait croire… Au contraire, durant cette période 1971-1974, Béji Caïd Essebsi s’est accroché à son mandat de député à l’Assemblée Nationale d’appartenance P.S.D., obtenu lors des élections du 2 novembre 1969 ainsi qu’à son mandat de membre du Comité Central du P.S.D. jusqu’à son exclusion du P.S.D le 14 septembre 1974.

Passant à l’opposition contre Bourguiba du fait qu’il a été écarté du Gouvernement de Hédi Nouira, Béji Caïd Essebsi rejoint dès le début de l’année 1972 le groupe d’Ahmed Mestiri constitué par Radhia Haddad, Hassib Ben Ammar, Habib Boularès, Mohamed Salah Belhaj, Mohamed Ben Amara, Mohamed Moada, Sadok Ben Jemaâ.

De même, se ralliant aux critiques formulées par Ahmed Mestiri à l’encontre du régime de Bourguiba et du Bourguibisme, Béji Caïd Essebsi affirme dans le même sens dans un article paru au journal “Le Monde” en date du 11 janvier 1972, que :

la stabilité réalisée par la fidélité à un homme (en l’occurrence Bourguiba) doit être remplacée par une fidélité fondée sur des institutions démocratiques.

Ce virage de Béji Caïd Essebsi pour sa défense de la démocratie est très opportuniste car dans le passé, notamment lorsqu’il était Ministre de l’intérieur, Béji Caïd Essebsi ne s’était jamais prononcé pour la démocratie et le multipartisme mais au contraire, Béji Caïd Essebsi ne faisait que défendre constamment le P.S.D, ainsi que Bourguiba et son régime comme étant le seul garant de la stabilité et de la démocratie !

Le 13 octobre 1972, le groupe d’Ahmed Mestiri faisait parvenir à Bourguiba une lettre dans laquelle il proposait la réforme de la Constitution, le respect des libertés individuelles et publiques, la révision objective de la politique économique et que la jeunesse ne soit plus considérée comme une classe figée. Cette lettre a été signée par dix membres de l’aile libérale d’Ahmed Mestiri, parmi eux, figurait Béji Caïd Essebsi, Radhia Haddad, Mahmoud Mesaâdi, Mohamed Salah Bel Haj, Ahmed Mestiri.

Quant à Radhia Haddad, celle-ci a déjà démissionné du P.S.D le 6 mars 1972. Il est à rappeler que Radhia Haddad est la soeur de Hassib Ben Ammar.

De même, à l’Assemblée Nationale présidée par Sadok Mokaddem, Béji Caïd Essebsi était le porte-parole de l’aile libérale d’Ahmed Mestiri, alors qu’i était élu député d’appartenance du P.S.D… S’il n’était pas d’accord avec la politique de Bourguiba, pourquoi Béji Caïd Essebsi n’avait démissionné en 1972 de son mandat de député d’appartenance du P.S.D de Bourguiba !

Lorsque le 1er février 1974, le Premier Ministre Hédi Nouira, avait appelé à l’union nationale pour serrer les rangs autour de Bourguiba, Béji Caïd Essebsi, en tant que député du P.S.D. avait répondu devant l’Assemblée Nationale le 6 février 1974 que le gouvernement devrait faire aussi preuve d’ouverture politique pour parvenir à cette union nationale ( voir pour cette déclaration de Béji Caïd Essebsi, le journal tunisien “La Presse” du 7 février 1974).

Cette opposition de l’aile libérale représentée par Ahmed Mestiri n’a pas pu durer longtemps au sein du P.S.D.

En ce qui concerne Ahmed Mestiri, son exlusion du P.S.D. a été prononcée par le bureau politique du P.S.D. le vendredi 21 juin 1972. Quant aux autres membres de l’aile libérale, leur exclusion du P.S.D était intervenue lors du 9 ème Congrès du P.S.D tenu à Monastir du 12 au 15 septembre 1974, baptisé le “Congrès de la Clarté”

Lors de ce 9ème Congrès, les membres du Comité Central en particulier ceux appartenant à l’aile libérale d’Ahmed Mestiri n’ont pas été admis. Ce qui a provoqué une protestation des membres de l’aile libérale à l’encontre de leur interdiction de participer aux travaux du 9ème Congrès à travers la publication d’un communiqué diffusé le 11 septembre 1974 et signé par Habib Boularès, Béji Caïd Essebsi,, Hassib Ben Ammar, Mohamed Ben Amara, Sadok Ben Jemaä, Mohamed Moâda, Mohamed Salah Bel Haj.

Les congressistes de ce 9ème Congrès du P.S.D. ont adopté le 14 septembre 1974, à l’unanimité, une résolution relative à l’exclusion du P.S.D. de Bourguiba de : Béji Caïd Essebsi- Mohamed Ben Amara- Hassib Ben Ammar- Sadok Ben Jemaâ- Habib Boularès – Mohamed Salah Bel Haj – Mohamed Moâda.

Dans cette résolution d’exclusion, Mohamed Masmoudi était également cité mais son exclusion n’était pas due à son appartenance à l’aile libérale d’Ahmed Mestiri, mais plutôt à l’affaire de la fusion tuniso-lybienne qui a été avortée au courant de l’année 1974.

Béji Caïd Essebsi a été par conséquent exclu du P.S.D. par les congressistes du 9ème Congrès, le 14 septembre 1974. Auparavant, Béji Caïd Essebsi n’a jamais démissionné du P.S.D. en 1971, et ses activités politiques n’ont jamais été gêlées comme il le laissait entendre… Si vraiment Béji Caïd Essebsi avait démissionné en 1971, il n’aurait pas eu la nécessité pour les Congressistes de l’exclure du P.S.D. le 14 septembre 1974 !

Au cours de ce 9 ème Congrès du P.S.D, Bourguiba a tenu le 15 septembre 1974 une Conférence de presse au cours de laquelle il s’est exprimé à propos de l’exclusion des 7 membres de l’aile libérale comprenant Béji Caïd Essebsi, en précisant ainsi :

Je ne pense pas qu’un Parti aussi ouvert au dialogue que le nôtre doive se plier aux caprices des trois tondus et de quatre pelés dont le rôle se limite à créer des diversions. J’estime en toute conscience qu’il faudrait se débarrasser de ces personnes qui se servent de leurs qualité de Destouriens comme couverture pour saboter les travaux de ce congrès et pour s’imposer une seconde fois en usant des mêmes méthodes détournées que lors du précédent congrès. Vous vous souvenez tous du nombre impressionnant d’observateurs (plus de 500) et de femmes. Tout était à l’enchère. La raison de tout cela. Je me suis contenté de prononcer des brèves allocutions à l’ouverture comme à la clôture du Congrès. J’ai voulu me reposer et prendre du champ afin de montrer leurs capacités. Or, leur premier geste après le congrès fut d’élire le bureau politique parce qu’ils s’imaginaient qu’ils étaient majoritaires. Ils pensaient sans doute que le Président n’en avait que pour quelques jours. Agir avec une telle petitesse, ce n’est pas faire de l’opposition.

Exclu du P.S.D, les membres de l’aile libérale (comprenant Béji Caïd Essebsi ) ont décidé de mieux s’organiser et de s’ériger désormais comme mouvement politique d’opposition. C’est ainsi que cette aile libérale a publié en mars 1976 un manifeste affirmant sa volonté de s’organiser désormais comme un mouvement d’opposition, outre le P.S.D.

Et c’est le 14 juin 1978 qu’Ahmed Mestiri a décidé de fonder le “Mouvement des Démocrates Socialistes” (M.D.S.). Cependant, en désirant déposer les statuts de ce mouvement auprès du Ministère de l’intérieur, il avait reçu l’opposition notamment de Béji Caïd Essebsi qui après avoir adhéré au M.D.S. estime prématurée cette constitution en parti politique. Cette opinion de Béji Caïd Essebsi a été exprimée par lui dans une interview publiée par la revue “Jeune Afrique” en date du 28 juin 1978 dans laquelle il jugeait inopportune la demande d’autorisation du “M.D.S” pour se constituer comme parti politique.

D’ailleurs, le M.D.S. d’Ahmed Mestiri n’a été reconnu comme parti politique en obtenant sa légalisation que le 19 novembre 1983.