Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.
Femen
Photo : Page Facebook Femen France

Un article, paru récemment, nuance les propos des Femen, tenus lors d’une conférence de presse, sur les raisons d’incarcération de la plupart des femmes en Tunisie. Je ne m’étalerai ni sur les conditions carcérales exécrables, ni sur la justice qui continue d’agir sur ordre politique, car se sont des évidences. La question qui me turlupine est plutôt la suivante : pourquoi les trois Femen ont-elles donné une version saugrenue, non pas de l’état des prisons, mais des motifs d’incarcération des femmes qui y croupissent (port de mini-short, baisers, adultère, virginité, etc.) ?

Je vais tenter d’y répondre par une espèce d’extrapolation hypothétique.

Je ne pense pas que les Femen aient inventé ces histoires, car cela risque de les décrédibiliser. Je pense plutôt qu’elles ont dû tout simplement croire aux témoignages des prisonnières. Je suppose que ces dernières, par simple parade, au lieu d’avouer un crime ou un délit de prostitution, se seraient donné des motifs d’incarcération qui caressent l’imaginaire occidental dans le sens du poil, espérant ainsi, peut-être, une libération Deus ex machina, le dieu ici étant l’Occident sauveur.

Après tout, et j’assume entièrement cette affirmation/diffamation, l’homo tunisianus (sans jeu de mots s’il vous plaît) n’est-il pas connu par ses frasques et ses récits fantaisistes, surtout quand il se trouve face à l’Autre absolu (d’où la fameuse frasque que subissent les touristes : tu me donnes ta fille, je te donne deux chameaux) ?

Donc, le problème ici, si mon hypothèse s’avère juste, n’est pas simplement le manque d’indépendance de la justice, ni les conditions carcérales. L’origine du mal serait contenue dans la perception que l’homo tunisianus a de la réalité, de lui-même et des autres. Combien de fois avez-vous entendu divers témoignages, incompatibles et contradictoires, sur un même événement (un accident, un crime, un discours rapporté, etc.) ? L’exemple de certains journalistes qui manquent de rigueur en rapportant un fait ou un discours est notoire.

Cette perception tronquée de la réalité donne, comme symptômes (Jacques Lacan dirait sinthome), une culture de la rumeur, de l’exagération de faits banals ou de la banalisation d’actes graves, de la diffamation, du mensonge et de la fictionnalisation du réel. En contrepartie, la personne qui s’imprègne de cette culture a tendance à croire les exagérations, mensonges et rumeurs des autres. C’est-à-dire qu’une personne sensible à cette chaîne symptomatique aurait plus de facilité à croire un mythomane (certains Tunisiens vivant à l’étranger peuvent raconter n’importe quoi, la plupart des gens vont tout gober), à adhérer aux mythes (Abraham, les saints, etc.),  à craindre les djinns et la sorcellerie. Je vous renvoie ici à une des scènes d’ouverture du film documentaire de Hichem Ben Ammar, J’en ai vu des étoiles, où un vieux boxeur raconte la force mythique de son oncle, premier boxeur musulman, contribuant ainsi à la construction du mythe.

En somme, avant de nous attaquer aux symptômes, réglons l’origine du mal : notre perception du monde.

PS : Si vous trouvez que ce texte est du délire et que vous ne comprenez pas comment est-on passé des Femen à la sorcellerie, relisez-le et vous allez mieux comprendre les points d’articulation. Si vous n’arrivez toujours pas à comprendre le lien, c’est que je suis tombé, malgré moi, dans les travers de ce que je critique, étant moi-même Tunisien, ce qui paradoxalement viendrait confirmer mon hypothèse.