Photo de Ali Laaridh, Chef du gouvernement tunisien, le 23 juillet 2013, lors de son entretien avec quatre journalistes des  radios Mosaique FM, Shems  FM, Express FM et Nationale. Crédit photo : Page facebook officielle du chef du gouvernement

Le chef du gouvernement Ali Laârayedh a tenu une conférence de presse ce mardi 27 août, au palais du gouvernement à la Kasbah. Au programme : la situation politique et sécuritaire du pays.

Ali Laârayedh a décidé de frapper fort. « Ansar al-Charia est responsable des assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, des réseaux de trafic d’armes et d’autres opérations », a affirmé le chef du gouvernement, dès le début de sa conférence de presse, tenue aujourd’hui 27 août à midi au palais de la Kasbah.

Une annonce qui intervient quasiment un mois jour pour jour après l’assassinat, le 25 juillet 2013, de Mohamed Brahmi, et presque un an après l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis, pour laquelle vingt personnes décrites comme “salafistes” avaient été condamnées.

« À partir de maintenant, toute personne appartenant à cette organisation [Ansar al-Charia] en sera tenue responsable devant la loi », a insisté le chef du gouvernement.

Pourtant, en Tunisie, aucune organisation n’a jamais été classée comme « terroriste », et il n’existe dans le pays aucune « liste officielle d’organisations terroristes », à l’instar de ce que l’on peut trouver en Europe ou aux États-Unis.

Le 19 mai 2013, le jour où devait se tenir à Kairouan le meeting d’Ansar al-Charia, Ali Laârayedh avait déjà qualifié les membres de l’organisation salafiste de « terroristes », déclarant en marge d’une visite au Qatar : « Ansar al-Charia est une organisation illégale qui défie et provoque l’autorité de l’État. […] Elle est en relation avec le terrorisme et y est impliquée. »

« Nous ne criminalisons pas une idéologie. Nous criminalisons des faits et des actes. »

Une conférence de presse du ministre de l’Intérieur Lotfi Ben Jeddou doit avoir lieu demain mercredi 28 août, pour présenter « les résultats de l’enquête et les preuves » qui confirment l’implication d’Ansar al-Charia dans les assassinats politiques, le trafic d’armes et les événements du mont Chaâmbi, a annoncé Laârayedh. « Ansar al-Charia a des liens avec Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique] », a-t-il également déclaré.

Ali Laârayedh avait déjà mis en cause des membres d’Ansar al-Charia lors d’une conférence de presse tenue le 26 juillet, au lendemain de l’assassinat de Mohamed Brahmi.

« Nous n’utilisons pas notre appareil sécuritaire pour combattre ou criminaliser une idéologie, mais nous jugeons et criminalisons des faits et des actes », a tenu à préciser le chef du gouvernement. Une façon d’anticiper la réaction des partisans de l’organisation salafiste, tout en affichant sa fermeté : « Pas de trêve pour le terrorisme, pas de trêve pour ceux qui utilisent les armes contre la loi et la société », a-t-il ajouté.

Pour Ali Laârayedh, la Tunisie fait aujourd’hui face à trois « défis prioritaires » : la sécurité, l’économie, et la finalisation de la période de transition.

Pour la reprise des travaux de l’ANC, et contre un gouvernement de compétences

« Tous les pays qui ont connu une révolution passent par une période difficile. Aujourd’hui, la Tunisie s’en sort mieux », a ajouté le chef du gouvernement. Ainsi, tout en relativisant la gravité de la crise actuelle, Laârayedh a insisté sur les problèmes qui touchent le pays pour réaffirmer son refus d’un gouvernement de compétences :

Cette situation ne peut pas pas être gérée par un gouvernement de gestion des affaires courantes, et nous ne pensons pas que les tensions politiques actuelles seront résolues par une dissolution du gouvernement.

Ali Laârayedh a également déploré la suspension des travaux de l’Assemblée nationale constituante (ANC), gelée depuis presque un mois : « Plus de 60 projets de loi sont suspendus », a-t-il regretté. Laârayedh a ainsi appelé à la reprise des travaux de l’ANC :

L’ANC doit reprendre ses travaux, avec une feuille de route claire pour finaliser la préparation des élections d’ici au 23 octobre.

« L’ANC devrait garder toutes ses prérogatives, pour prévenir une éventuelle vacance du pouvoir dans le pays si le gouvernement est dissout ou remanié », a ajouté le chef du gouvernement, n’excluant donc pas tout à fait l’éventualité d’un changement de gouvernement.

Ali Laârayedh en a également profité pour lancer une pique à l’adresse des députés sit-inneurs du Bardo :

Investir la rue, ce n’est pas une pratique démocratique pour résoudre les conflits politiques.

Les partisans d’Ennahdha et de la légitimité de la Troïka sont pourtant eux aussi déjà descendus dans la rue, le 13 août, pour manifester leur soutien au gouvernement.

Quatre jours après la lancement de la semaine du « Rahil » (départ), à l’occasion de laquelle, samedi 24 août, des milliers de manifestants ont une nouvelle fois réclamé la démission du gouvernement, Ali Laârayedh campe sur ses positions : « Le gouvernement doit finir sa mission. »

Laârayedh affiche sa fermeté, et affirme sa bonne volonté

Les déclarations du chef du gouvernement se situent ainsi dans la continuité de sa précédente conférence de presse, au cours de laquelle il avait déclaré fermement qu’il n’y aurait « aucune hésitation ou recul face à ceux qui, par le terrorisme, l’anarchie ou la révolte, porteront atteinte aux institutions de l’État ».

Alors qu’Ennahdha est régulièrement accusée par l’opposition de vouloir s’accaparer tous les pouvoirs, le chef du gouvernement est allé jusqu’à effectuer des calculs pour déclarer : « Ce gouvernement est composé de 60 % d’indépendants. Ennahdha a 26 % des ministres, et 10 % des secrétaires d’État. »

Pour sortir de la crise, Ali Laârayedh a donc proposé, comme l’avait fait le chef d’Ennahdha Rached Ghannouchi au cours d’une interview sur Nessma TV dimanche 25 août, « un gouvernement d’élections » après la fin des travaux de l’ANC, et un dialogue national pour « préparer les élections ».

Le chef du gouvernement a également affiché un optimisme sans faille pour l’avenir du pays, ajoutant : « Rien n’empêche la Tunisie de devenir une démocratie comme en Suisse ou dans les pays scandinaves. »

Enfin, Ali Laârayedh a cherché à montrer sa bonne volonté, à rebours de ceux qui accusent Ennahdha de vouloir s’accrocher au pouvoir :

Si la démission du gouvernement permettait de calmer les choses, je n’aurais pas hésité à le faire. Nous avons fait toutes les concessions pour l’intérêt du pays.