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Je ne peux plus faire partie de ce régime présidentialiste camouflé par une Constitution. Lazhar Akremi – Ancien ministre dans le gouvernement de Habib Essid.





Cinq ans après la révolution, Carthage détient de nouveau le monopole de la décision politique en Tunisie : les rencontres hebdomadaires de Habib Essid et Béji Caïd Essebsi, les différentes initiatives du Président de la République, la révocation récente du gouvernement … 
Ainsi, le problème de partage des pouvoirs entre le chef d’Etat et le chef du gouvernement se manifeste pour la première fois sur la scène politique.





Un retour à la dictature ?



Le Tunisien associe fréquemment les termes « présidentiel » ou « présidentialiste », qui sont deux termes différents, à l’époque de la concentration des pouvoirs entre les mains de Ben Ali et des abus de son régime autoritaire. 
De plus, quelques politiciens et médias diffusent des idées fausses dans le but de convaincre l’opinion publique que la présidentialisation signifie la dictature et le retour à la persécution.

Cela a entrainé la naissance d’une certaine vigilance populaire envers cette évolution que connait notre régime. 

Cependant, les Etats-Unis ont un régime présidentiel dans lequel le Président a un rôle primordial, la France connaît une période de présidentialisation actuellement avec François Hollande : Un régime présidentiel ou bien présidentialiste ne veulent pas dire un régime autoritaire.


En droit constitutionnel, la présidentialisation est inévitable lorsque le Président, le Premier Ministre et la majorité parlementaire sont de la même tendance politique.


Cette domination d’Essebsi s’explique également par la légitimité acquise lors de son élection au suffrage universel par la majorité des Tunisiens et aussi par son rôle important au niveau du parti, tandis que le chef du gouvernement est simplement nommé par les quatre partis politiques au pouvoir qui peuvent à tout moment retirer leur confiance (tel était le cas du gouvernement de Habib Essid).


Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy – ancien Président français – disait « Il est normal que celui qui a été élu fixe le cap par rapport à celui qui est nommé ».



La personnalité du Président détermine l’importance de son rôle



Si Adnen Manser avait été Premier Ministre pendant le mandat de Moncef Marzouki, ce dernier aurait-il été dominant ? 

On a vu son rôle négligeable pendant la période de cohabitation entre un Président et un chef de gouvernement appartenant à de différents courants politiques.

Durant cette période la Constitution a été appliquée de manière stricte et l’intervention du Président a été restreinte.
De plus, l’ancien Président n’avait pas assez de légitimité pour s’imposer puisque d’une part il a été élu par les députés de l’ANC et non pas par le peuple, et d’autre part il a perdu la confiance des citoyens à cause du faible rendement de son mandat.


Néanmoins, s’il y avait eu un Premier Ministre issu du CPR, Moncef Marzouki aurait sûrement eu un rôle plus ou moins important malgré son caractère timide.


Quant à Essebsi, il est connu pour son caractère autoritaire et strict. Il est donc capable de contrôler son chef de gouvernement et ainsi déterminer et conduire la politique de l’Etat.


La nomination de Youssef Chahed





Jeune politicien de 41 ans, Youssef Chahed doit son succès politique à Essebsi. En conséquence, il sait bien qu’il restera au pouvoir tant que son « créateur » le souhaite. Sans compter que plusieurs politiciens ont confirmé l’existence d’un lien de parenté entre eux.


Mais encore, on a tous vu  la « rébellion » de Habib Essid qui a décidé de chercher sa propre légitimité. C’est pourquoi cette nomination pourrait être une tentative de restaurer la dominance de Béji Caïd Essebsi et de renforcer sa participation à la prise de décision.



C’est ainsi que notre Constitution a été faite par les députés de l’ANC : Un régime hybride instauré par une Constitution susceptible d’être interprétée de diverses manières. 
Certes, la présidentialisation peut susciter la crainte de quelques uns, mais la Tunisie ne reviendra pas à la dictature tant qu’il y a des activistes, des médias et des citoyens qui contrôlent l’activité des dirigeants.