Caricature de Tawfiq Omrane

Je me souviens toujours de la voix rauque du président Ben Ali, qui, à 6h30 du matin sur la Radio Nationale, nous tirait de nos somnolences matinales pour nous annoncer le texte de « la déclaration du 7 novembre ». Ce texte nommé ainsi promettait des réformes politiques telles qu’exprimées par l’opposition et surtout le renoncement à la présidence à vie, que connut la Tunisie sous le règne de Bourguiba. Une fois, remis de leurs torpeurs matinales, les Tunisiens étaient divisés sur la question. Alors que certains, à travers leurs partis, s’empressaient d’apporter leur soutien à la Déclaration, d’autres avaient exprimé leurs distances. Ces derniers ne pouvaient y adhérer : un militaire devenu ministre de l’Intérieur et Premier ministre sous Bourguiba ne pouvait pas susciter la confiance, d’autant qu’il occupait, en 1978, un poste important lors de la répression des syndicalistes. Pour bien de Tunisiens, la destitution de Bourguiba était tout simplement « un coup d’Etat blanc ». Pour d’autres, le changement était pacifique. Il libérait le pays du chaos face à la sénilité de Bourguiba : valse des ministres, santé chancelante de Bourguiba, ampleur des intrigues du palais, étendue de la contestation islamiste et de la multiplication des procès les condamnant jusqu’à la peine de mort et aggravation d’une situation économique et financière, avec l’application, à partir de 1986, d’un programme d’ajustement structurel (P.A.S.).

La faute de la fatalité

Avec du recul, nous sommes en droit de se poser bien des questions : N’y avait-il pas eu manipulation et utilisation de cette ambiance d’insécurité propagée, à bon escient, pour légitimer un départ qui était, à mon sens, nécessaire à ce moment de l’histoire du pays ? Y aurait-il eu une participation étrangère indéniable ? Les islamistes avaient-ils pactisé avec une quelconque partie moyennant une reconnaissance ultérieure pour entretenir la subversion et le chaos nécessaires à tout changement institutionnel ? Rached Ghannouchi, leader du mouvement islamiste, sauvé de la potence par Ben Ali a été bien reçu, discrètement, par le nouveau président, au lendemain du « 7 novembre », le mouvement islamiste toléré, le syndicat estudiantin islamiste (UGTE) autorisé et le quotidien « El Fejr » [L’Aube] permis. D’ailleurs, jusqu’à ce jour, persistent des interrogations sur le départ discret de Ghannouchi en exil, à Londres où il a vécu jusqu’à la révolution du 14 janvier. Toutefois, d’aucuns reconnaissent que les islamistes ont joué un rôle fondamental dans la destitution de Bourguiba.

Durant ces premiers jours du « changement », les espoirs avaient repris. Le texte de la Déclaration qui aurait été écrite par Hédi Baccouche, un cacique du parti au pouvoir, devenu, pendant quelque temps, chef du gouvernement avant d’être écarté par Ben Ali pressé de donner moins de pouvoir au Premier ministre dont il rectifia le tir en modifiant, par la loi constitutionnelle no 88-88 du 25 juillet 1988, l’article 57 y afférant. Sans doute de peur de pouvoir subir, un jour, le même sort que Bourguiba destitué, selon la constitution, par son Premier ministre, Bourguiba n’a jamais, son règne durant, associé les militaires à son pouvoir civil. Il a toujours veillé à tenir l’armée à l’écart de toute participation à la vie politique. Et, voilà que, pour la première fois de son règne sans partage, il fit appel à un militaire en la personne de Ben Ali, et, comme par une ironie du sort, il fut destitué par ceux-là qu’il a toujours craints. On appellera cela « la faute de la fatalité », selon la formule flaubertienne.

Ainsi, la vie politique connut, après le 7 novembre 1987, un dynamisme et une vitalité relatives, avec des changements juridiques, une reconnaissance de quelques associations, une reprise de quelques titres de presse, une ouverture sur les composantes de l’opposition tunisienne avec lesquelles, sous la houlette d’une figure indépendante présidant aux destinées de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), on entreprit l’élaboration d’« El Mithek El-Watani » [Pacte national] : texte réaffirmant les principes fondateurs de ce qu’on appelait abusivement « la nouvelle république » et qu’avaient également signé les islamistes.

Je fus, à cette époque, sollicitée, en tant que journaliste, pour participer à un débat télévisé sur ce pacte auquel j’apportais mon soutien quant à un consensus de toutes les parties sur les droits fondamentaux de la personne humaine, en réaffirmant toutefois, l’urgence et la nécessité de séparer l’Etat du parti, de la distinction entre les trois pouvoirs, de la dynamisation de la vie publique et de la reconnaissance, dans les textes comme dans la pratique, du principe de l’égalité des citoyens et particulièrement des femmes et des hommes. On ne passa à la télévision, ce soir-là, que le passage relatif à la défense des droits des femmes. J’étais cantonnée dans le seul domaine dont on me permettait de me préoccuper : la question spécifique des femmes. Certes, à cette époque, je dirigeais au Maghreb une rubrique « Femmes » et m’activais dans un mouvement autonome de femmes. J’avais publié le premier article qui ait été écrit, à cette date (15 novembre 1987, à la Une du quotidien La Presse), sur la question de la menace qui commençait à peser sur les droits des femmes au lendemain du « 7 novembre ».

J’avais écrit ce texte pour montrer à quel point, dans nos pays, la régression nous guette, telle une épée de Damoclès. En effet, la destitution de Bourguiba accomplie, le bruit courut, incessant, dans le pays, autour du renoncement à la monogamie et d’une éventuelle institution d’une bigamie restrictive.

A la propagation de cette rumeur se sont employés les chauffeurs de taxis qui sont, pour la plupart, soit des indicateurs du ministère de l’Intérieur, soit des sympathisants des islamistes. « Bourguiba est parti, s’évertuait-on à nous rappeler, fini le code du statut personnel ». Cela pouvait démontrer à quel point Bourguiba s’était identifié, tout au long de son règne, à un « libérateur incontesté des femmes » et un protecteur sûr et intransigeant du « sexe faible », au point qu’il avait réussi à faire admettre que la question des femmes était d’abord la sienne propre.

Une panique s’empara de nous. Et, nous engagions, dans tous les cadres qui nous étaient permis ou d’autres créés à l’occasion, une campagne pour la défense et la consolidation de nos droits et aussi pour leur évolution. Des pétitions et appels en direction de la Présidence furent lancés jusqu’au discours du 20 mars 1988 dans lequel le président Ben Ali assura qu’il n’y aurait aucun retour en arrière. Nous avions attendu trois mois pour avoir droit à une confirmation définitive qu’il n’y aurait aucun changement.

Aujourd’hui, avec du recul, qui avait intérêt, à cette époque, à un tel renversement de situation ? En répandant une telle rumeur, oh combien efficace, pour tester les opinions et les orienter dans nos pays fermés aux pratiques démocratiques, le nouveau pouvoir ou encore les islamistes n’auraient-ils pas été tentés d’opérer le changement ? Je ne saurais l’affirmer mais nous nous sommes tellement « accommodés » de telles pratiques d’opinion que tous les doutes seraient permis.

L’illusion démocratique

Ces trois années (1988-fin 1990) pendant lesquelles l’on débattait, s’activait, tentait de construire quelque peu un pays autre, passèrent vite. Elles connurent, à la suite des élections présidentielles et législatives du 2 avril 1989, une bipolarisation RCD / Nahdha (Destouriens/ islamistes) parfaitement manigancée, le Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS) et les autres partis participants ayant été marginalisés par de faibles scores. L’opposition légale avait, en effet, commis une terrible erreur tactique et stratégique qui coûtera à la Tunisie un long règne absolu de ce même parti-Etat qui emploiera tous les moyens pour verrouiller la vie politique du pays et s’imposer comme la seule autorité « légitime ». Au lieu de négocier ou, au mieux, d’imposer, une présidentielle pluraliste dans un contexte où le nouveau président était à la recherche de la seule légitimité démocratique qui lui permettrait d’exercer le pouvoir en l’absence –et bien heureusement- d’une « légitimité historique » dont Bourguiba s’est targué durant son règne, l’on vit –hélas déjà- un blanc-seing donné par l’opposition légale au seul candidat Ben Ali qui briguera seul la magistrature suprême et s’imposera, durant toutes ces années, comme le seul chef incontesté.

Aussi, face à cette bipolarisation de la vie politique, nombreux étaient-ils ceux qui s’étaient d’emblée rangés derrière le pouvoir par crainte du danger intégriste. Et ce fut les retournements de vestes d’une certaine élite, le ralliement de nombreux militants de gauche et d’extrême gauche au parti au pouvoir et l’intégration dans le gouvernement de personnalités indépendantes.

L’apport de certains éléments de la gauche fut, à mon sens, déterminant pour le parti qui les a utilisés pour mieux manœuvrer contre nos milieux syndicaux et de droits de l’homme. Je pense, aujourd’hui, profondément qu’une certaine gauche a joué un rôle fondamental dans l’institution d’un nouvel autoritarisme étouffant toutes les autres formes d’expression libre et indépendante d’une Tunisie qui se voulait démocratique.

Je ne peux nier qu’à cette époque, j’avais soutenu l’entrée dans le gouvernement du nouveau ministre de l’Education nationale, personnalité indépendante malmenée, d’une part, par les nationalistes arabes et les « démocrates progressistes » critiquant sa « francophilie », et d’autre part par les islamistes conscients de l’enjeu que constituait sa nomination par Ben Ali à la tête de l’Education nationale. En effet, le gouvernement Mzali des années 1980 a énormément aidé les islamistes, en révisant les programmes, en arabisant l’enseignement de la philosophie et en l’orientant dans le sens d’une interprétation ne relevant pas toujours d’une rationalité rigoureuse. Et puis, étant enseignante, j’étais outrée par l’état de nos écoles, de nos programmes et par l’intolérance de plus en plus affichée de nos élèves. Et aussi par l’instabilité ministérielle qu’a connue notre secteur à la fin du règne de Bourguiba où l’on vit se succéder divers ministres qui ne restaient pas parfois plus de 6 mois. Le nouveau ministre de l’Education nationale que je ne connaissais pas du tout, personnellement, à cette époque, représentait, pour moi, un espoir de changement compte tenu des valeurs qu’il portait en tant que défenseur des droits humains et juriste respecté, se réclamant de tout cet outil rationnel et de cette philosophie des droits humains qui pouvaient permettre à nos élèves de réfléchir par eux-mêmes. Oui, j’assume pleinement aujourd’hui ce soutien, à cette époque. J’ai cru aux principes de sa réforme et à sa dynamique de changement. Plus tard, avec la répression farouche des islamistes et la mort de deux étudiants au campus universitaire, nous envoyions des messages à notre ministre pour qu’il démissionne. Nous avions compris à quel point nous étions piégés.

Pourtant, ce fut une époque où nous nous exprimions librement dans Le Maghreb et menions les débats les plus beaux.

L’impossible construction

Durant ces années 1989-1990 et face à cette bipolarisation qui ne reflétait en rien le paysage politique du pays, dans nos milieux de gauche et indépendants, nous entreprîmes le projet de créer une alternative démocratique et progressiste pour briser cette bipolarisation artificielle. Le mouvement, pour avoir été lancé par une déclaration signée d’abord par 150 personnes, fut dénommé « Les 150 ». Il draina beaucoup de gens de toutes tendances confondues et de tous horizons: libéraux, marxistes, syndicalistes, sans idéologies etc… Nos réunions se succédèrent et notre initiative fut très fortement soutenue par l’hebdomadaire Le Maghreb. Je fus la seule femme à faire partie du comité de liaison que nous avions constitué à cet effet. Mais, divers facteurs militèrent en défaveur de l’éclosion de ce mouvement : les divergences qui s’aggravaient, les manœuvres avec le pouvoir de certains animateurs, la lutte pour le leadership qui commençait timidement à se manifester et enfin la crise du Golfe de 1990 qui nous divisa et brisa définitivement cette dynamique qui avait pourtant apporté un petit brin d’espoir à ceux et celles qui voulaient réhabiliter le politique et construire une alternative sérieuse et crédible. Un rêve de plus parti en fumée qui nous a fait rater un moment historique important où nous aurions pu fixer notre présence sur l’échiquier politique du pays. Voilà encore ce que j’appelle « l’impossible construction » qui a fait de nous des générations ratées.

La crise du Golfe provoqua des débats houleux qui ont terriblement marqué le mouvement dit démocratique autour du soutien apporté à la dictature de Saddam Hussein et à ses velléités hégémoniques. Ces événements ont vu la déroute du mouvement islamiste et surtout les excès et l’hystérie de certains militant(e)s des droits de l’homme qu’on regardait, hébétés, dans nos manifestations, appeler à l’utilisation par Saddam des gaz chimiques contre Israël alors que nous, nous nous réfugiions derrière nos banderoles réclamant la paix et l’arrêt de la guerre. Les discours belliqueux d’une certaine opposition ne cessèrent de nous étonner au point de consommer la rupture. Le pouvoir profita de cet événement régional pour verrouiller toute voix discordante. Le Maghreb fut interdit et son directeur arrêté et condamné à 10 mois de prison ferme. Ainsi commença ma longue période de « taisance » et de repli sur moi-même dans un pays qui m’était devenu étranger et duquel je m’étais sentie totalement exclue.

Ce petit pays qui est pourtant mien

Et c’est ainsi que les Tunisiens congédiés d’un espace public devenu continuellement quadrillé, apprirent à organiser leurs lieux en dehors de toute sociabilité ouverte, retranchés dans leurs propres territoires, fermés sur eux-mêmes et recroquevillés sur leurs familles, exacerbant leur égoïsme et leur individualisme. Nous perdions nos rires d’antan pour retomber dans nos humeurs maussades et nos déprimes devenues.

Car, nous, Tunisiens, vivions depuis le 7 novembre 1987 cette « taisance » et ce terrible paradoxe : Tout en existant dans une société de « communication », nous demeurons une société de censure. Nous vivons dans ce qu’on appelle « un village planétaire » mais qui est, pour nous, un monde fermé à la pratique démocratique. Et cette parole blessée, interdite d’exhibition, a trouvé un refuge dans nos fors intérieurs pour tisser des petits forums privés où nous faisions en silence le travail de nos désillusions. Comme je m’évertuai à penser à la crise de l’engagement et de ses vertus démocratiques qui a frappé l’élite tunisienne en m’interrogeant de la sorte : Signer des pétitions, s’engager dans une participation citoyenne est-il devenu archaïque pour certains car nous avons disparu du paysage public pour camper dans un attentisme circonspect ? Nos idées sont-elles mortes ? Sont-elles immolées sur l’autel de la Bourse ? Notre rapport à la politique a-t-il changé au point que l’engagement sartrien n’est plus vécu comme « une injonction morale » ? Car, il est vrai que beaucoup de démocrates se sont détournés du champ politique qui n’est plus valorisant, au profit d’affaires privées et de leur réussite sociale somme toute légitime mais qui se mesure désormais à l’argent gagné et à la réalisation des rêves devenus soudain bourgeois. Et, pour mieux dénoncer cette manière qu’a eue une certaine élite tunisienne de s’accommoder de cet état de fait produit par le 7 novembre, je m’armai du très bel essai du penseur américano-palestinien Edward Saïd, « Des intellectuels et du pouvoir ». Dans son analyse que j’ai trouvée très vraie pour notre cas, il écrivait :

Le monde d’aujourd’hui regorge plus que jamais de ces membres de professions libérales, d’experts, de consultants, d’universitaires, en un mot d’intellectuels dont la principale fonction est de faire autorité dans leur domaine tout en gagnant beaucoup d’argent.

Pourtant, écrivait-il encore, « rien ne défigure l’image de l’intellectuel que le louvoiement, le silence prudent, le vacarme patriotique et le reniement théâtral » tout en définissant l’intellectuel comme « un exilé, un marginal, (…), l’auteur d’un langage qui tente de dire vrai au pouvoir ». Je tombai, un jour, sur un excellent article sur la Tunisie de 1987, « Tunisie, le mirage de l’Etat fort », publié par la revue Esprit que je savoure, jusqu’à ce jour, pour la pertinence de son analyse. L’auteur, fin connaisseur de la Tunisie comme il n’en existe pas beaucoup, avait si bien écrit : « Le repli, pour ne pas dire, l’apparente soumission des intellectuels tunisiens qui ont abondamment témoigné de leur sens critique sous le règne de Bourguiba, relève de plusieurs facteurs : la désillusion avec la fin des certitudes d’un marxisme compact et les premiers engouements pour une pensée poste moderne légitimant le relativisme, l’illusion avec la pratique de l’autocensure et l’accoutumance à la censure au nom de la défense d’une société civile menacée par les nouveaux barbares » (les islamistes). Et, cela est d’autant plus vrai qu’il m’est arrivé d’entendre des intellectuels disserter sur la nécessité d’un « despotisme éclairé » pour la Tunisie du 7 novembre face au « danger intégriste », soutenant et justifiant la répression farouche du mouvement islamiste qui, par inadvertance peut-être, s’était présenté, en 1989, sur des listes indépendantes, aux premières et seules élections libres de la Tunisie du « 7 novembre » et avait réalisé, dans certaines circonscriptions, près de 30% du suffrage exprimé. Le pouvoir mesurant ses réelles forces qui ne lui permirent pas toutefois d’accéder à la Chambre des députés, s’engagea, au lendemain de la Guerre du Golfe, dans une répression sans merci du mouvement islamiste qui nous donna beaucoup de panique et d’effroi. Je me souviens que j’avais eu des discussions houleuses avec des compagnons de route à propos de cette répression qui frappait, ces jours-là, les islamistes pour s’étendre, après, à toutes les composantes d’une société civile naissante.

Je n’adhère pas, de toute évidence, au projet islamiste et me suis engagée à le combattre parce qu’il ne peut s’adapter aucunement à l’évolution de notre société ni à celle du monde. Je pense que les islamistes ont fini par le comprendre, après leurs déboires en Algérie, en Egypte, au Maroc etc…pour chercher à s’intégrer plus intelligemment dans le jeu politique et dans les institutions républicaines en se réclamant de la philosophie des droits de l’homme islamique.

La politique du tout sécuritaire

Alors sa seule politique est de contrer toute déviation, manu militari, avec toujours et rien que le « tout » et les moyens sécuritaires en employant des méthodes répressives pour harceler, interdire et condamner et empêchant d’en informer ou d’engager le moindre débat sur la question de ce regain impressionnant de religiosité dans un contexte particulier de l’histoire du monde musulman. Alors comment peut-on reprocher, à nos jeunes et moins jeunes concitoyens, de verser dans des formes d’intolérance ou de dissidence, quand les débats font défaut, que l’information est muette et que l’expression est interdite sur ce qui les préoccupe, les travaille et les inquiète ?

Car, il s’agit bien de l’image du pays ternie par l’option sécuritaire du régime politique bâti sur un Etat qui se veut fort, avec des réflexes de préservation se traduisant par plus de fermeture et d’aliénation et par une sorte d’unanimisme, créant un immobilisme ambiant et empêchant l’émergence d’un leadership alternatif. En cela, cette « ère nouvelle » a échoué à consommer la rupture avec le bourguibisme dans son absolutisme pour l’avoir régénéré en l’aggravant par une logique sécuritaire qui nous a bien donné des frissons.