Kamel Daoud et le gardien de son sommeil 

La rhétorique onirique de Kamel Daoud cherche à évincer le sommeil dans un récit national qui pourtant l’impose. Mais par le procédé d’identification imaginaire, il fixe bien le rétroviseur. C’est qu’en déposant des œillères sur le présent de la transition tunisienne, Daoud pense au refoulé algérien, pris en tenaille entre les fantasmes nostalgiques et les incertitudes du futur.

Reportage à Redeyef : Derrière les coupures d’eau, les horizons bouchés du phosphate

La grève générale prévue à Redeyef le 16 mars par les sections locales de l’UGTT pour protester contre les coupures d’eau a été annulée suite aux négociations avec les pouvoirs publics. Mais la situation est loin d’être résolue. Derrière le problème des coupures d’eau, les défaillances des organismes publics et la soif insatiable de l’industrie du phosphate, qui empoisonne les habitants et leurs perspectives d’avenir.

Gramsci, boîte à outils ou moule à gaufres ?

On ne sait jamais les visages que prennent les morts à distance. Les rides plus ou moins gommées, Gramsci revient après une certaine éclipse. Il revient timide, mais toujours derrière ses bésicles en fil de fer de Nuremberg. Tout dit qu’un petit vent souffle en faveur de son néo-marxisme. Mais après les latinos et les férus des subalterns studies, en quoi cette pensée trouve-t-elle encore à nous parler ? L’occasion nous est donnée d’en savoir un peu plus grâce à la tentative de Penser la transition avec Gramsci. Tunisie (2011-2014), signée Baccar Gherib.
Ce livre a obtenu le prix de l’essai en sciences humaine de la 33 ème édition de la Foire internationale du livre de Tunis (24 mars-2 avril 2017), ex æquo avec celui de Yadh Ben Achour, Tunisie, une révolution en pays d’Islam. Tunis, Cérès, 2016.

Serge Halimi, directeur du Monde Diplo. : la critique des médias, toujours d’actualité

Serge Halimi, directeur du Monde Diplomatique, est également auteur de l’essai Les nouveaux chiens de garde, vendu à 270 000 exemplaires et adapté au cinéma avec un succès qui lui a valu environ 250 000 entrées. Il y développe une critique acerbe des collusions entre médias, pouvoir politique et barons de la finance et de l’industrie. Nawaat l’a rencontré pour parler de la situation des médias et de la conjoncture politique française à l’approche des élections présidentielles au moment où l’inquiétante montée de l’extrême droite aux Etats-Unis risque de contaminer l’Hexagone.

Congrès national des mouvements sociaux : complexité, espoirs et risques

À l’exception de deux victoires des habitants de Kerkennah contre la société Petrofac et l’expérience, jusqu’à maintenant unique, des oasis de Jemna, les mouvements sociaux, et surtout les sit-ins des chômeurs, sont de plus en plus isolés. Essoufflés par le silence des autorités locales et nationales, la criminalisation de la contestation et les compagnes médiatiques de dénigrement, la majorité des mouvements sont dans l’impasse et frôlent le désespoir. Réunis par le FTDES dans un congrès national les 25 et 26 mars à Nabeul, plus de 200 participants ont débattu des perspectives des luttes sociales.

Lettre à Monsieur et Madame Lefèvre, mes professeurs de français et de mathématiques

Madame et Monsieur Lefèvre vous m’avez enseigné respectivement la langue française et les mathématiques au lycée de la Goulette – Banlieue Nord de Tunis. C’était au tout début des années soixante-dix. C’était aussi l’époque où le ministère de l’Education nationale faisait appel aux enseignants français pour épauler leurs collègues tunisiens dans leur rude tâche de dispenser le meilleur enseignement possible des sciences, de la technologie et de la littérature. Je me rappelle encore, comme si c’était hier.

Kamel Zaghbani, la littérature et son bordel

C’est un bordel, la littérature. Et un bordel signé Kamel Zaghbeni mérite qu’on y mette les pieds, ne serait-ce que pour les petites pilules d’ecstasy qu’il nous prodigue sans complexe. C’est que sa Machina Bona Hora remet au goût du jour un appétit de littérature dévergondé. Mais cette littérature, Zaghbani ne la porte pas en brassard. Ce qui l’intéresse, c’est une chose rêvée qui paradoxalement s’offre à la réprimande. Avec En attendant la vie, c’était la vie. Et avec son deuxième roman, placé sous le signe de Spinoza, c’est une machine à illusions qui nous fait baver.
Machina Bona Hora a obtenu le prix du roman de la 33 ème édition de la Foire internationale du livre de Tunis (24 mars-2 avril 2017).

Immersion au cœur de la fuite des cerveaux

Copinage, clientélisme, corruption, bureaucratie, etc… Emir, Darine, Noureddine et Hamza ont quitté leur pays pour des raisons différentes, mais ils font tous le même constat : l’égalité des chances, l’accès équitable aux opportunités économiques, et la promotion par le mérite ne sont qu’un mirage en Tunisie.

On ne saurait libérer le présent sans libérer le passé

Les héros qui se sont exprimés vendredi sur nos écrans de télévision ne nous ont certes rien appris. Ils ont fait beaucoup plus que cela. De faits relégués à l’histoire des historiens, à moitié oubliés, déformés, tronqués, maltraités, noircis ou volontairement occultés par la parole bourguibiste, ils ont fait une histoire toujours vivante, une histoire présente, une histoire qui marche encore, une l’histoire réelle et vraie, parce qu’elle vit, qu’elle est présente et qu’elle marche encore, malgré ses béquilles.

Nawaat Leaks-Migration : Sebsi et Chahed s’inclinent devant le diktat d’Angela Merkel

Le 3 mars 2017, la chancelière allemande et le chef de l’Etat Béji Caid Essebsi ont scellé le sort des 1500 Tunisiens demandeurs d’asiles déboutés en Allemagne. Selon un « protocole conjoint », la Tunisie s’engage désormais à identifier dans «  les trente jours  »ses ressortissants en situation irrégulière et à leur délivrer en une semaine les documents nécessaires à leur rapatriement par vols spéciaux sur l’Aéroport d’Enfidha. Plus inquiétant, sous couvert de coopération technique, nos consulats en Allemagne risquent de perdre une partie de leur souveraineté et les Tunisiens qui y sont enregistrés, leurs droits constitutionnels à la protection de leur vie privée.
Nawaat a obtenu une traduction française non officielle du texte de cet accord, rédigé en allemand.

L’arrière-pays serait-il notre ultime planche de salut ?

Il y a une solution qui pourrait faire son chemin et apporter à notre pays à bout de souffle le bol d’air tant espéré. C’est celle qui consiste à faire valoir les potentialités de l’arrière-pays. Foyer de toutes les contestations politiques, de tous les irrédentismes et de la fronde sociale et d’où naguère l’insurrection contre la dictature de Ben Ali est partie, les régions du Nord-ouest au Sud-ouest, limitrophes à l’Algérie ont été confrontées depuis l’indépendance aux avatars d’une politique de développement inappropriée et mal ajustée.

Médecine tunisienne : le coup de grâce

On est réellement dans une impasse dont personne ne voit l’issue, et ce qui devait être une banale affaire de justice traitée dans la sérénité, dans le total respect de la spécificité de la pratique médicale, en recourant aux conclusions des expert médicaux, est en train de se transformer en un malheureux bras de fer entre le secteur judiciaire et le secteur médical, aux conséquences désastreuses sur la santé de millions de patients et sur l’image de marque de la justice et de la médecine tunisiennes.

Les discriminés politiques encore sous le joug de la répression

Mardi 21 mars 2017, les discriminés politiques se sont rassemblés à la Kasbah. Ils ont été accueillis par un cordon sécuritaire pour les maintenir bien loin de la Présidence du gouvernement. Très vite la tension est montée d’un cran… Même si le ministère de l’Intérieur a reconnu ses crimes d’espionnage, de torture et de discrimination contre des centaines de militants en 2015, les négociations n’ont pas abouti à la réparation des préjudices. De Bizerte, Kef, Sidi Bouzid et Sfax, quatre militants racontent le calvaire de la dictature qui continue jusqu’à aujourd’hui.

Violence : carton rouge pour le football Tunisien

Il s’agit d’un acte de violence “ordinaire” à l’égard d’une femme, qui en dit long sur le racisme, la misogynie et le manque de savoir-vivre de la société tunisienne contemporaine. Retour sur l’agression dont s’est rendu coupable d’un joueur d’un club de première division, envers une passagère à bord d’un vol de la Royal Air Maroc, le 19 mars 2017. Une histoire d’autant plus scandaleuse que l’affaire ne donnera lieu à aucune suite.

Soja, la Tunisie importe les OGM

Dans un rapport publié fin février 2017, le département agricole américain prévoit une augmentation de l’importation de soja en Tunisie « pour répondre à la demande croissante du secteur de transformation ». Alors que la vaste majorité de soja est génétiquement modifié et que la Tunisie n’a toujours pas de législation concernant les OGM, les importations de cette culture devrait augmenter jusqu’en 2025.

Borhen Bsaies chez Nida, caricature du conflit d’intérêts politico-médiatique

Borhen Bsaies a une veste magique. Ses retournements sont innombrables. Et elle a bien plus que deux facettes, bien plus que trois couleurs, encore plus de modèles. Mais son tissu est le même : l’affairisme et la propagande. Toutefois, Bsaies n’est qu’une caricature révélatrice de la situation maladive où les médias audiovisuels se convertissent en vestiaires ou en tremplins des partis politiques.

Que faut-il faire de l’UGTT ?

Cette grève est-elle opportune ? Qui a raison des deux instances de l’organisation syndicale ? La question la plus importante n’est peut-être pas là. Le problème fondamental est ailleurs, plus précisément dans le fonctionnement hiérarchique et fortement centralisé de l’UGTT qui autorise son BE à prendre des décisions en lieu et place des structures intermédiaires ou de base.