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La semaine politique du 1er au 6 octobre fut dominée par deux évènements majeurs théoriquement indépendants l’un de l’autre, mais qui en réalité sont intimement liés, voire corrélés. Entre la conférence de presse de l’IRVA qui ouvre la semaine et la tenue de la session inaugurale du dialogue national qui la clôt, s’il n’y a pas de relation de cause à effet entre les deux happenings, la pression exercée par le premier sur le second est indéniable.

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IRVA VS Ennahdha : la parole de l’un contre la parole de l’autre

Mercredi, toute la classe politique est suspendue aux révélations en provenance de la grande messe initiée par Taieb Laguili, président de l’IRVA. L’heure de vérité tant attendue semble être synonyme d’heure de gloire pour certains politiciens de l’opposition, ceux de Nidaa Tounes en tête, alignés en marge de la tribune.

Malgré les approximations inhérentes au mode de présentation retenu (leaks recoupés avec des données glanées sur le web), la prestation de l’IRVA assène quelques coups considérables en direction du ministère de l’Intérieur dont elle pointe les lenteurs et les incroyables négligences sans lesquels les deux martyrs Belaïd et Brahmi auraient pu échapper à leurs bourreaux.

Le volet consacré aux complicités présumées au sein d’Ennahdha est en revanche moins convaincant. Dans les 24 heures qui suivent, les dirigeants du parti islamiste mènent assez facilement une contre-offensive par médias interposés. Les points les plus contestables sont réexaminés, à l’image de leur amitié déclarée avec le libyen Abdelhakim Belhaj et du caractère armé et radicalement religieux de la révolution libyenne qui n’est un secret pour personne.

Démentis et communiqués n’empêcheront pas le dialogue national d’être décalé de quelques jours, tant les répliques du séisme IRVA ont besoin d’être absorbées. Qu’en est-il des forces en présence ? A l’évidence, Ennahdha arrive politiquement affaibli à un dialogue national vers lequel le parti allait déjà à reculons.

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Ouverture du dialogue : dénouement ou non-évènement ?

Samedi, le soulagement est perceptible dans la salle lorsque Rached Ghannouchi se penche, enfin, sur le document du quartet pour y apposer sa signature. Difficile de ne pas penser à une forme de capitulation d’un chef de guerre auquel on impose des termes potentiellement humiliants.

Le diable étant dans le détail, ce sont précisément les détails de la feuille de route qui sont négociés une ultime fois dans les coulisses d’une salle annexe du Palais des congrès où s’engouffrent les protagonistes, à l’abri des regards des médias. Les 3 heures de tractations et d’attente qui en résultent portent la marque d’une agaçante culture de l’opacité, chronique même après la révolution.

Durant d’âpres discussions, Ennahdha et le CPR emploient le même terme fort de « chantage » en provenance de l’opposition. Des pressions ouvertement revendiquées notamment par les chefs du Front Populaire.

Au final ce sont 21 des 26 partis présents qui signent une copie « légèrement modifiée » du texte sésame. Avec 3 autres trouble-fêtes, le CPR conforte son rôle d’irréductible rempart, en s’absentant de signer tout comme en 2011 où le parti présidentiel avait assumé son isolement, en refusant de s’engager à une année de mandat.

Le reste de la journée a consisté en les mêmes solennités et vibrants discours sur la nécessité du consensus en ces temps de crise. En somme le péché originel de cette initiative reste son caractère non-contraignant.

C’est d’ailleurs ce qui explique que le quartet ait accolé en dernière minute l’adverbe « obligatoirement » aux closes clés se rapportant à la fin du mandat de l’Assemblée constituante. Or, ni l’UGTT ni les autres chambres syndicales ne disposent d’un quelconque pouvoir supra ANC autorisant une telle formulation.

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L’opposition entre reconfiguration et droitisation

Rassembler pour rassembler. Telle semble être la devise d’une démonstration de force mondaine organisée vendredi par le parti de Béji Caïd Essebsi aux Berges du Lac. Mais que rassemble-t-on au juste ?

Nidaa Tounes y annonçait en grande pompe le ralliement de 100 personnalités politiques qui viennent grossir ses rangs.

L’opération se fait au détriment de l’un de ses alliés, le parti al Joumhouri de Néjib Chebbi qui perd encore quelques figures dont Saïd Aïdi, ex ministre de l’Emploi du gouvernement Essebsi. Le reste des nouvelles recrues est composé des fameux « technocrates » d’autrefois, à l’image de Mehdi Houas et consorts, ce qui brise une fois de plus le mythe de l’indépendance de ce qui reste des hommes politiques comme les autres, généralement adeptes du libéralisme.

Dans cette droite qui fait son coming out, il y avait, en sus des représentants de la famille multi milliardaire Elloumi, celui que l’on pourrait littéralement appeler « the elephant in the room » : Mohamed Ghariani, ex secrétaire général du RCD. C’est sans complexes qu’Essebsi avait avoué son adoubement quelques jours auparavant dans cette famille mi destourienne mi nostalgique.

Lorsque rassemblement rime avec contre-révolution, il y a de quoi susciter le scepticisme même chez ceux pour qui rassembler est une fin en soi.