C’est avant tout une question de mémoire, bien loin des raccourcis et des approximations du mainstream tunisien et international. A l’occasion de la sixième commémoration du déclenchement du soulèvement populaire, nous partageons avec vous cette playlist qui inclut les morceaux qui ont circulé le plus sur les réseaux sociaux durant la révolution. Dans quel contexte ont-ils été créés ? Que sont devenus les artistes auteurs de ces titres ? Focus
Badiaa Bouhrizi – Labes
C’était le 26 décembre 2010, une des journées sanglantes de la révolte, que Badiaa Bouhrizi a réagi à la répression en musique. Installé à Londres à l’époque où elle faisait partie du groupe d’afrobeat Awalé, la jeune artiste contestataire a été bouleversée par le défilé d’images des affrontements entre les protestataires de Sidi Bouzid et de Kasserine et la police. Dans un enregistrement maison, par un dispositif rudimentaire, quelques accords de guitare et de sa voix suave lui ont suffi pour exprimer dignement sa mélancolie et sa solidarité avec le soulèvement populaire. Révélée au grand public après la chute de la dictature, Badiaa Bouhrizi alias Neyssatou, de retour en Tunisie en 2011, n’a toujours pas sorti son premier album solo malgré la richesse de son répertoire. En 2016, elle s’est installée au Mexique où elle continue à se produire.
https://soundcloud.com/neyssatou/labess
Bendir Man – Système
Enregistré dans la clandestinité avec des moyens rudimentaires, ce morceau a été un de ceux qui ont révélé Bendir Man aux internautes en 2009. Le super héros à la cape mauve, resté anonyme jusqu’à son concert dans les locaux du Mouvement Ettajdid (voir ci-dessous), y critique, à coups de satire, la dictature de Ben Ali et sa répression de toutes voix dissonantes dans cette chansonnette à la musique simpliste et joviale. Après la révolution, il a intégré le paysage mainstream avec une forte médiatisation et diverses collaborations et a enfilé la casquette de producteur. Aujourd’hui, il prépare toujours son premier album professionnel dont la sortie a été repoussée plusieurs fois depuis 2012, après l’album « Marhaba », fruit d’un enregistrement amateur distribué dans des cercles restreints fin 2010.
https://www.youtube.com/watch?v=FGtJHWnSaY4
Emel Mathlouthi – Kelmti Horra
Un véritable tremplin pour cette artiste qui l‘a amené à signer son premier album solo éponyme sorti en janvier 2012. Il lui a également apporté une notoriété qui l’a propulsé dans une tournée dans les quatre coins du monde. Or, le morceau date de 2006. Emel Mathlouthi a composé et chanté ce poème d’Amine El Ghozzi dans diverses manifestations culturelles de la Fédération Tunisienne des Ciné-Clubs (FTCC) et de l’Union Générale des Etudiants de Tunisie (UGET). C’était avant qu’elle n’intègre les circuits officiels comme le Festival International de Hammamet en 2010. L’une des interprétations les plus mémorables du morceau est celle de la cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix au quartet du dialogue national en 2015. La version qui a le plus circulé sur les réseaux sociaux durant la révolution est celle de sa performance live au concert Rythmes Africains tenu à Paris, Place de la Bastille en juillet 2007. La sortie de son deuxième album Ensen est prévue pour février 2017.
https://www.youtube.com/watch?v=fJvLpjBUHYk
El Général – Rayes Lebled
Révélé par ce morceau sorti en octobre 2010, El Général a brisé la muraille du silence avec un morceau où il s’adresse directement au président déchu trois mois plus tard. Audacieux et relativement candide, le texte du rappeur originaire de Sfax interprété dans un flow austère lui a valu trois jours de détention au ministère de l’Intérieur entre le 06 et le 09 janvier 2011. Il est aussi à l’origine de sa notoriété internationale après la révolution. Une réputation qui l’a catapulté dans la liste du Time Magazine des 100 personnalités les plus influentes du monde. Mais depuis la révolution, malgré sa productivité en hausse, El Général n’arrive pas à traduire le succès de « Rayes Lebled » en un triomphe durable. Même la deuxième partie du morceau sortie le 14 janvier 2014 a fait pschitt. Son morceau, « #24 », où il affiche son soutien à la candidature de Moncef Marzouki à la présidentielle ne lui a pas non plus donné une visibilité particulière.
Ferid El Extranjero – Libertad
Il a déjà capté l’attention dès 2006 avec 3bed fi Tarkina , un morceau poignant où il s’attaque frontalement aux violences policières. Mais à l’époque, il n’a pas mis en avant son nom déclenchant ainsi une campagne policière ciblant les rappeurs les plus visibles. Plusieurs parmi eux ont subi des interrogatoires musclés dont Balti. En 2009, Ferid a récidivé avec Libertad, connu également sous le titre War9a Stylo, un appel de mobilisation pour la liberté d’expression pour dénoncer les abus du régime autoritaire. Installé en Espagne, Ferid est un des pionniers du rap tunisien avec son groupe Filozof. L’enfant de Djebel Lahmar est également membre de Delahoja, groupe galicien produit par Jose Manuel Pinto, gardien de but du FC Barcelone. Récemment, Ferid El Extranjero s’est installé en Allemagne et y poursuit une carrière solo.
Il y a aussi le titre de Phénix et Hamzaoui, Réalisé par Zied Litayyem, “Tounes Khadhra Bch9oufetha w belcha3b el battal” qui a été écouté par une grande frange du peuple, et ou on voit les “moulathamoun” comme “élément artistique”, sorti le 30/12/2010.
Oui, je m’e souviens très bien. Il y a aussi “Touche pas à ma Tunisie”de l’Armada Bizerta et “Besoin d’expression” de Lak3y mais ils n’ont pas circulé autant que les cinq morceaux sélectionnés.
Belle rétrospective, mais celles de petits jeunes lycéens boutonneux qui se croient déjà des “artistes”à l’images de héros des comics japonais des années 60.On est pourtant un pays à la culture arabo millénaire.On n’a aucun artiste jeune ou vieux? Aucun musiciens?…..Il faut être complètement aveugle visuellement, auditive ment et surtout intellectuellement.Il n’y a des artistes et de la musique que dans les poubelles de la société? Bizarre et très grave et maladif
Les grands artistes eurent jadis été des “lycéens boutonneux”..
“3bed fi tarkina” est une œuvre d’art de part sa poésie vache, son audace historique et sa lucidité à la fois ironique et désenchantée. Je salue l’auteur qui m’avait permis de chanter et danser la détresse “aux temps du choléra”.
Badiâa, Bendir et Amel sont des amis, je m’abstiens de commenter de peur d’être subjective car pour moi ils n’ont jamais été boutonneux :-))