Culture 477

JCC 2017 : « La Belle et la Meute » de Kaouther Ben Hania, mal vu mal dit

Faut-il trop s’emballer devant « La Belle et la Meute » ? L’actualité lui étant favorable, il se dote non sans raison d’un certain potentiel de séduction. Mais on est plutôt déçu de découvrir dans nos assiettes un film qui se pare des attributs « coups de poing », plutôt dans le ventre qu’en pleine figure. Car il y a fort à redouter d’un cinéma en prise avec de gros sujets bien collants, guetté par le risque du sensationnel ou par sa surenchère racoleuse. Projeté en avant-première mercredi 8 novembre au Colisée, il est en lice dans la compétition officielle des longs métrages de fiction, dans le cadre de la 28ème édition des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC).

JCC 2017 : « Mustapha Z. » de Nidhal Chatta, portrait au vitriol de l’un des nôtres

Non sans causticité, c’est d’un type à coté de la plaque que « Mustapha Z. » brosse le portrait. En la réchauffant par quelques ingrédients de la comédie loufoque, Nidhal Chatta mijote sa recette fictionnelle avec la loi des séries : quand quelque chose tourne mal, le reste s’ensuit presque automatiquement en une cascade improbable de coups du sort qu’on n’a pas cherchés. Forte du jusqu’au-boutisme de son scénario, la satire sociale met ici par moments de gros sabots. N’empêche, ce quatrième long-métrage de l’auteur réussit sans prétention à nous offrir une pinte de bon sang. Projeté en avant-première le lundi 6 novembre au Colisée, il est en lice dans la compétition officielle des longs métrages de fiction, dans le cadre de la 28ème édition des Journées Cinématographiques de Carthage.

JCC 2017 : « Vent du Nord » de Walid Mattar, du cinéma social en contrepoint

Avec l’envie assumée de remettre la fiction à l’ordre du jour, Walid Mattar fait souffler son Vent du Nord entre deux rives. L’histoire, propulsée ici par l’indomptable vent d’une économie sauvage, se replie sur les trajectoires de vie de deux ouvriers qui, du nord de la France vers la banlieue de Tunis, prennent valeur de destin. Sans repousser l’horizon d’un cinéma social auquel son propos tend les bras, ce premier long-métrage laisse effleurer une sensibilité qui en fait un film intelligemment construit et délicatement accueillant. Projeté en avant-première hier dimanche au Colisée, il est en lice dans la compétition officielle des longs métrages de fiction, dans le cadre de la 28ème édition des Journées Cinématographiques de Carthage.

Gilbert Naccache, l’intempestif

À l’heure du bilan, le militant a de l’énergie à revendre. Dans le dernier opus de sa quadrilogie, fraîchement paru sous le titre « Ana…chroniques » (Chama éditions, 2017), Gilbert Naccache remonte ses « souvenirs des dernières années du vingtième siècle et un peu au-delà ». Il prend tout ce qui remonte, depuis sa sortie de prison en août 1979 jusqu’à la révolution du 14 janvier 2011, en se livrant à une manière alerte d’historiciser le présent et d’actualiser l’histoire. Sur soixante-dix ans de distance, ces mémoires font vibrer chez lui deux cordes jumelles, celle de l’observation et celle de l’analyse.

Malek Gnaoui à Dream City: Immersion mémorielle dans la Prison du 9 Avril

Au cœur de la Médina, à Dar Dey, maison abandonnée depuis des décennies, la mémoire d’un ancien condamné à mort, Naceur, détenu numéro « 0904 » de la prison civile du 9 Avril, surgît pour témoigner de la souffrance humaine et nous inviter à réfléchir l’enfermement et l’absurdité de la peine de mort. Voulant interpeller la mémoire de l’ancienne prison fermée en 2003 et démolie en 2006 à travers ce personnage, Malek Gnaoui, artiste plasticien, se retrouve confronté au silence et à la surdité de l’administration tunisienne. Il choisit alors de se laisser inspirer par les récits d’ex-prisonniers pour créer un espace où images, sons, oiseaux, cages et autres objets embarquent les visiteurs dans une rencontre avec l’homme décédé depuis de longues années dans une cellule individuelle.

« Tunis by Night » d’Elyes Baccar: mollesse partout, cinéma nulle part

La formule n’est pas neuve : avec un argument qui pioche dans l’avant 14 janvier, « Tunis by Night » mêle la petite histoire d’une crise familiale à la grande histoire d’un pays étouffé. Bon à faire de la mousse autour du drame, Elyes Baccar fait mine de gérer la circulation des points de vue avec une caméra bonne poire. Corsetée dans un écrin de joliesse nocturne, la morosité du récit ne va pas ici sans la mollesse de la mise en scène.

« Journal d’un apostat » d’Anouar El Fani : de la littérature dispensable

Difficile de ne pas serrer les dents devant le « Journal d’un apostat ». L’actualité post-révolutionnaire servant de prétexte, cette fiction d’Anouar El Fani brasse les événements qui se sont déroulés du 17 décembre 2010 au mois de janvier 2016, du point de vue d’un imam mal dans sa peau, pour verser dans une démystification des impostures de l’islam politique. Mais on n’y voit que du feu : ce récit aux coutures lâches peine à ressembler à un journal intime.

« Zabor ou les Psaumes » de Kamel Daoud : L’écriture à contre-jour

Qu’on ne se trompe pas : « Zabor ou les Psaumes » remonte un récit qui n’est pas tout à fait un roman, même si c’en est un, où l’écriture tente de faire oublier l’agonie pour mieux se souvenir. C’est l’épopée façon Daoud, quand il réfléchit sur le pouvoir de la fiction, et sa quadrature du cercle. L’écriture, ici, ne sert pas tant à faire l’ange qu’à réparer une langue de fiction comme une affaire de pare-brises. De toute son insuffisance, elle entend pousser la langue dans ses derniers retranchements. Néanmoins, Kamel Daoud n’évite pas la cuisine des exercices de style où la sauce du style fait oublier la farine de l’exercice.

Le travail de fourmi de Mounir Baaziz pour une Mutuelle Tunisienne des Artistes

Après quatre ans de lutte, la mutuelle tunisienne des artistes, des créateurs et des techniciens du milieu culturel est devenue une réalité. L’arrêté du 8 août 2017 paru dans le Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT) du 25 août 2017, consacre sa structure, ainsi que son statut légal et indépendant. A travers cette « structure de solidarité » impliquant tous les intervenants du secteur culturel, les fondateurs de la mutuelle, un groupe d’artistes et de syndicalistes persévérants, pourront mieux défendre les réformes qu’ils proposent pour une couverture sociale décente et inclusive. Au premier rang, Mounir Baaziz, un infatigable cinéaste déterminé.

Graffiti : Debo inaugure à Hammamet le premier mur légal de Tunisie

Il y a plus de 1484 murs légaux dans le monde, des espaces libres consacrés au street-art. En Tunisie, le premier dans le genre a été inauguré le 19 août à l’Avenue Habib Bourguiba de Hammamet. Il pourrait représenter un lieu de répit pour les graffeurs tunisiens souvent interpellés par la police, parfois même poursuivis en justice. L’événement s’inscrit dans les activités de la 2ème édition des Urban Days organisé par le Centre Culturel International de Hammamet (CCIH) en marge du festival qui s’y tient. L’initiative est portée par l’association Debo, co-organisatrice de cette manifestation culturelle.

FIFAK 2017 : « Le Silencieux » d’Oussama Azzi, un poème contre la guerre

La caméra tout en sensibilité d’Oussama Azzi sait prendre de l’altitude. D’une fine épaisseur poétique, son film « Le Silencieux », met en scène le trauma mal dégluti de la guerre. Projeté le 17 août dans le cadre de la 32ème édition du Festival International du Film Amateur de Kelibia (FIFAK), ce court-métrage de fiction est reparti avec le Faucon d’or de la compétition internationale, ex-æquo avec le film d’animation « My life don’t want » du myanmarien Nyan Kyal Say.

FIFAK 2017 : « 1999 » de Haithem Sakouhi, une autofiction déjantée

Les films tunisiens de la 32ème édition du Festival International du Film Amateur de Kelibia (FIFAK) semblent peu mouillés. L’un des rares qui sortent du lot est 1999 de Haithem Sakouhi, projeté dans la soirée du 13 août 2017. Plongeant son spectateur dans un bain d’eau tout sauf bénite, ce film cherche à se faire du street art un vrai allié, le temps de nous faire oublier pour une fois qu’on est assis sur un siège en béton, impitoyable aux fesses et cruel au dos.

Hip hop : Rencontre avec Underground Family, collectif de jeunes agitateurs culturels

Underground Family a vu le jour en avril 2015. Ce collectif d’une quarantaine de jeunes lycéens entre 15 et 19 ans a pour objectif de promouvoir la culture hip hop en Tunisie. Ils cherchent à atteindre leurs objectifs en organisant des événements tels que Bil Underground, Micbox et Underga3da dont la deuxième édition se tiendra le 24 août 2017 avec la participation des rappeurs Karkadan, A.L.A & Castro ainsi que le danseur Zulu Rema, Dj Gamra et autres. Nawaat est parti à la rencontre de Hazem Hamrouni et Nour Thlijani, deux jeunes agitateurs culturels d’Underground Family. Interview.

Le groupe palestinien « 47Soul » en concert à Hammamet : La contagieuse énergie du Shamstep

Les gradins du théâtre en plein air de Hammamet n’ont pas connu de répit en cette soirée du 8 août. Le public, debout tout au long du concert, a dansé la dabka à l’unisson. La musique de 47Soul est contagieuse. A la fois festive et engagée à briser les frontières, c’est à la fois une célébration de la lutte pour l’émancipation et une démonstration de l’innovation et l’authenticité d’une jeunesse palestinienne moderne et créative malgré les barrières de la colonisation.

Reportage à Tabarka : Le festival de jazz, réussira-t-il à relancer le tourisme local ?

Sur la côte du nord-ouest tunisien, à 18 km de la frontière algérienne, s’étendent les plages rocheuses de Tabarka. Sur leurs nids perchés en haut des poteaux, les cigognes ressemblent à des statues. Des lauriers-roses bordent l’autoroute qui mène vers la ville. Un énorme saxophone de 6 mètres occupe le carrefour à l’entrée de la ville. Ici, et aussi sur la gigantesque contrebasse au centre-ville, des affiches bleu-ciel annoncent le Tabarka Jazz Festival, qui s’est tenu du 22 au 29 juillet 2017. Cette édition qui marque le comeback du festival, permettra-t-elle à la ville de redorer son image et accroitre sa compétitivité en tant que destination touristique ?

« L’enfant du Lazaret » de Kamel Ben Ouanès : l’adaptation, à ses risques et périls

À la base de « L’enfant du Lazaret », un témoignage autobiographique éponyme, signé Jean-Claude Versini, d’origines corse et maltaise. Le récit revient sur l’enfance de ce fils du gardien en chef du bagne de Porto Farina. Mais de l’écrit à sa mutation cinématographique, il y a toujours à craindre de se retrouver avec une adaptation qui, compensant mal le peu de ses dispositions formelles, ferait pâle figure ou pèserait plus que son juste poids. Voilà pourquoi on hésite devant ce nouveau film de Kamel Ben Ouanès, projeté en avant-première le 1er juillet 2017, à la Maison de la Culture de Ghar El Melh.

Interview avec Klay BBJ : Sa censure, les festivals publics et les syndicats policiers [Vidéo]

Suite à la suppression de sa performance prévue dans le show du 27 juillet au festival de Carthage, Klay BBJ se retrouve avec 18 concerts annulés, l’intégralité de sa tournée estivale. A l’origine de cette censure, l’appel des syndicats policiers à boycotter les événements du rappeur après l’incident survenu lors de son concert à Mahdia le 16 juillet. Le ministère de la Culture, organisateur de plusieurs festivals publics ayant programmé Klay BBJ, s’est soumis à leur diktat. Nawaat est parti à Bab Jdid à la rencontre du rappeur pour en savoir plus. Interview.

Edito #6: De Boujenah à Klay BBJ, des polémiques symptomatiques d’une politique culturelle désengagée

L’agression policière contre le rappeur Klay BBJ, dimanche dernier à Mahdia, a suscité la polémique. Idem pour la programmation de l’humoriste Michel Boujenah au festival de Carthage. Souvent réduites à des controverses anecdotiques, ces actualités sont symptomatiques d’une politique culturelle désengagée qui cherche la fuite en avant en se drapant de slogans creux et d’effets d’annonce de programmes importés.