Culture 499

Dossier : Jaou Tunis 2018, de l’art et de son ballon dégonflé

Alors que Jaou Tunis 2018 vient de refermer ses quatre pavillons, le constat s’impose cette fois-ci sans appel : le ballon aura été bel et bien dégonflé. Pourquoi dès lors s’y intéresser ? Parce qu’avec sa cinquième édition, cette manifestation est devenue symptomatique par certains aspects d’une situation problématique des arts visuels en Tunisie, du discours dont on les drape ainsi que des conditions de leur exposition.

Dendri, quand le Stambeli s’affranchit de l’espace et du temps

Le dendri est une boisson servie aux mausolées en Tunisie. Elle se compose de sorgho, lait fermenté, eau et sucre. Un breuvage atypique tout comme le projet musical qui porte son nom. Présenté en concert mercredi 27 juin à la salle de la Bourse du Travail dans le cadre de la 5ème édition du festival « Jaou Tunis », Dendri propose une fusion entre instruments traditionnels afro-berbères comme le guembri et la gombra et instruments occidentaux tels que la batterie et la guitare. Une manière de défier l’espace et le temps en sortant ce genre de musique soufi de son cadre classique et en lui donnant un coup de jeune permettant aux nouvelles générations de se l’approprier.

Hommage : Sophia Baraket, fondu au noir

L’une de ses dernières photos capte un jeu d’enfant. Mais à côté du jeu, il y a le temps que demande l’enfant terrible tapi en elle. Maintenant que le sablier est renversé, persiste sur la rétine ce bout de vie qui nous rapproche de Sophia Baraket, décédée dans la nuit du mercredi 18 au jeudi 19 juillet 2018, à mesure que le temps nous sépare d’elle. Hommage.

Jaou Tunis 2018 : Pavillon « Feu », métaphores ininflammables

Avec un corpus de pièces inégalement intéressantes en soi, mais rentrées au forceps dans un propos thématique qui les décontextualise, le deuxième pavillon de Jaou Tunis 2018 rate son coche. Se voulant fidèle à l’élément feu, l’exposition réduit ses œuvres à des métaphores ininflammables. Elle se poursuit dans l’imprimerie Cérès, jusqu’au 27 juillet 2018.

Exposition « Lieux de nulle part » : insularités photographiques

Sur les différents territoires, géographiques et intimes, que Lieux de nulle part a transportés avec elle sur l’île de Kerkennah du 21 au 27 juin 2018, une sensation de dépaysement se fait jour. Au fil des travaux de huit photographes, cette exposition collective draine une réflexion variée sur les insularités aussi bien visuelles que psychiques. Organisée dans le cadre la première édition du Festival International de Photographies et d’Arts visuels Kerkennah, elle se poursuit à Ghaya Gallery, à Sidi Bousaïd, jusqu’au 27 juillet 2018.

Festival Kerkennah 01 : Fakhri El Ghezal, de l’intime collé à la rétine

Ce ne sont pas des photogrammes et encore moins des optogrammes. On dirait plutôt des intigrammes qui s’impressionnent en se surexposant au contact du dehors. Dans sa série « I was a prisonner in your skull », qu’il a réalisée après un séjour d’un mois en prison, Fakhri El Ghezal pousse les latitudes de son regard au point que ne subsiste plus qu’un jeu d’aller et de retour entre les absences, un trajet du vécu. Il participe par cette série à l’exposition collective « Lieux de nulle part », organisée par Ghaya Gallery, dans le cadre la première édition du Festival International de Photographies et d’Arts visuels Kerkennah, du 22 au 27 juin 2018.

« L’Amour des hommes » de Mehdi Ben Attia : regards inversés

Sans rien renier de ses deux précédents films, Mehdi Ben Attia poursuit avec « L’Amour des hommes » sa quête de désirs fragiles et de corps qui se cherchent. C’est une histoire de regards inversés entre une jeune photographe tunisienne et ses jeunes modèles masculins. Sauf qu’en renversant le schéma iconoclaste de ce rapport de force, bonne idée du reste, la caméra cherche à se caler moins aux côtés des personnages qu’à leur place. Le film est en salles depuis sa sortie le 11 avril 2018.

Interview avec Anouar Brahem: « Devenir musicien… c’est vivre la liberté absolue !»

Après une tournée dans les plus prestigieuses salles européennes en avril avec son nouvel album « Blue Maqams », Anouar Brahem est de retour à son atelier à Tunis où Nawaat l’a récemment rencontré. Un entretien riche avec un compositeur et maître d’oud tunisien ayant su imposé une nouvelle vision de la musique arabe à travers une approche subtile mêlant sa virtuosité à l’univers jazz débridé et au caractère innovant de la musique contemporaine. Dans cette interview, Anouar Brahem nous a permis une immersion inédite dans son monde créatif et ses spécificités.

Hip hop: Yasiin Bey et Debo enflamment Tunis Block Party

La 3ème édition de Tunis Block Party a été marquée par la présence de Yasiin Bey. Icône de la scène hip hop mondiale, cet artiste américain, précédemment connu sous le nom de Mos Def, s’est produit, le 10 mai, au Carpe Diem à la Marsa face à un public assoiffé de groove new-yorkais et de rimes engagées. Sa performance a été précédée par celle de Dj Youstaaz, Massi, Pazaman, Tiga Black’na et Vipa du collectif hip hop tunisien Debo. De quoi les pousser à donner le meilleur d’eux-mêmes en présentant leur nouvelle mixtape « Debo fou9 E’tawla ».

Cannes 2018 : «L’Oiseau Bleu» de R. Omrani & S. Sivakumaran, sans substance

« L’Oiseau Bleu » du Tunisien Rafik Omrani et de la Sri-lankaise Suba Sivakumaran n’est au meilleur des cas que le prétexte d’un décor propice à la fiction sociale, le temps d’une soirée arrosée. Raté, malheureusement, malgré sa bonne volonté. Produit dans le cadre de la Tunisia Factory 2018 et projeté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, il est actuellement en salles en Tunisie.

Cannes 2018: «Best Day Ever» d’A. Daoud & A. Amini, un court qui en dit long

S’il ouvre ses quatre points de vue à la relativité généralisée, « Best Day Ever » de la Tunisienne Anissa Daoud et de l’Afghan Aboozar Amini fait que les quiproquos cognent fort dans une cellule familiale, avec une mise en scène qui vient donner un joli coup de pied dans la fourmilière. On ne peut que s’en réjouir. C’est l’une des propositions les plus maîtrisées de Tunisia Factory 2018. Projeté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, il est actuellement en salles.