Livre 63

Disparition d’Albert Memmi : adieu au penseur de la différence

Albert Memmi, écrivain et penseur franco-tunisien, vient de nous quitter à l’âge de 99 ans. Écrivain de langue française bien que sa langue maternelle fut le judéo-arabe. Bon élève sous la colonisation, et en particulier de l’Alliance israélite universelle, il fut également un militant pour l’indépendance de la Tunisie. Une pluralité d’identités qu’il a incarné à l’instar d’une génération qui a vécu à la fois le colonialisme, l’indépendance nationale et l’émigration avec ses engagements mais aussi ses déboires. Albert Memmi m’a tout à la fois fasciné pour son étincelant “Portrait du colonisé et du colonisateur”, et déçu par son brûlot postcolonial “Portrait du décolonisé arabo-musulman”.

«Équilibre instable» de Kamel Moussa: portraits d’une désillusion

Ce qui distingue « Équilibre instable », le premier livre de photographies de Kamel Moussa (Éditions Le Bec en l’air, Marseille et Arp2 Editions, Bruxelles, 2019), ce n’est pas seulement sa volonté assumée de faire pièce aux images bruyantes de la révolution. C’est surtout le regard de proche en proche qu’il engage pour articuler quelque chose de socialement engagé, autour d’une jeunesse tunisienne aux ailes coupées.

Parution de l’édition arabe de «Cristal»: Interview avec Gilbert Naccache [Vidéo]

36 ans après la sortie de « Cristal » de Gilbert Naccache, une édition en arabe de cet ouvrage francophone vient de paraitre chez Chama Editions. Ecrivain et ancien militant du mouvement dissident de gauche Perspectives, Gilbert Naccache, né le 15 janvier 1939, a connu les prisons sous le régime de Bourguiba de la fin des années 60 au début des années 80. Il y a écrit en cachette ce livre, brouillant les frontières entre l’autobiographie et la fiction, sur le papier d’emballage des paquets de cigarettes. Nawaat l’a rencontré lors d’une séance de dédicace à la librairie le Gai Savoir à Tunis.

Edition en Tunisie : la faillite morale et éthique du système mise à nu

Dans une récente conférence de presse, Héla Ouardi, directrice du livre au ministère de la Culture, a présenté, preuves à l’appui, un cas de faux et usage de faux aux fins d’obtention de fonds publics de la part du président de l’Union des Editeurs Tunisiens assorti d’une tentative de corruption d’un auteur dans le but d’acheter son silence. Elle a déclaré en avoir informé son supérieur hiérarchique, le ministre de la Culture, qui aurait réagi en la destituant de son poste.

Pour l’édition tunisienne

Karim Ben Smaïl dirige les éditions Cérès depuis bientôt 30 ans. Il dresse ici un tableau de l’état de l’édition en Tunisie, et tire plusieurs sonnettes d’alarmes. La principale étant le dysfonctionnement des mécanismes de soutien de l’Etat à l’édition :
« Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de quémander encore et toujours plus de subsides auprès d’un Etat en quasi-faillite, mais d’exiger que les budgets existants soient gérés plus sainement. Les deniers publics destinés à l’édition doivent faire l’objet d’une attention et d’un contrôle accrus, il y a péril en la demeure ».

« Diva Mother F… » de Jihène Charrade : la modernité du burlesque

Fin août, Jihène Charrade publie son premier livre « Diva Mother F… ». Un recueil d’histoires drôles de jeunes femmes tunisiennes racontées dans un style burlesque qui défraye la chronique. Personne n’avait peint avec autant d’humour le comportement de la jeunesse féminine tunisienne. L’auteure développe une singularité qui, en aucun moment de ses chroniques, ne la quitta et ne la dévia d’un pas de ses satires jubilatoires envers ses compatriotes du même sexe.

American psycho : confessions d’un enfant du siècle.

Choquer, toujours plus, aller aussi loin dans la torture et en amont, dans la description des sévices subis par les victimes, majoritairement féminines, de Bateman après avoir joui d’elles. Voilà comment Ellis confronte le lecteur à sa propre image, comme si à chaque chapitre il donnait la possibilité à Patrick de murmurer à son fervent lecteur, dans l’un de ses innombrables costumes Ralph Lauren « Tu pourrais être moi ».

Les mots qui ont défait la révolution

Cet ouvrage de plus de trois cent pages se présente avec humilité comme une enquête journalistique autour d’une soixantaine de mots, d’expressions et de slogans qui auraient transformé la Tunisie depuis le déclenchement de la révolution le 17 décembre 2010 jusqu’à nos jours. Comme les Aborigènes d’Australie qui balisent de mots chantés leur histoire-territoire, les auteurs nous proposent ainsi un voyage dans la Tunisie des cinq dernières années à travers le langage qui a fleuri sur le territoire de la révolution.

L’autre addiction de Khmaies Khayati

On le sait, pour être un bon addict, il n’est pas recommandé de tout avaler. Mais, on sait moins qu’il faut du style pour ne pas simuler la jouissance en succombant au charme des métaphores. Si La Culture, une succulente addiction de Khmaies Khayati est à consommer sans ordonnance, saura-t-il au moins faire planer « sec » les opiomanes éclairés de demain ?

L’Abécédaire « soft » de la révolution. Notes sur l’ouvrage de Hédia Baraket et Olfa Belhassine

Que peuvent bien avoir en commun des expressions comme « Complot », « Houmani », « Sit-in», « Dérapage sécuritaire » ? Existe-t-il un point commun entre une rengaine qu’on aime se chanter, un slogan qui sentirait le souffre et un mot d’ordre qui circule plus vite que la rumeur ? Quel rapport peut-il y avoir entre des expressions telles que « Résidu de la francophonie » et « Feuille blanche », ou des signifiants aussi intrigants que « Prestige et autorité de l’État », « Âne national », et « Sniper » ?