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En parcourant toutes nos chroniques de critique tv publiées en 2015, nous avons essayé de déceler les tendances dominantes de l’année écoulée. Cinq ans après la révolution, la persistante teinture mauve, qui a nettement perdu du terrain ces dernières années, a repris les devants. Les voyants virent au pourpre. Restauration en marche.

Le retour en force des ténors de la propagande benaliste, le soutien partisan des chaînes tv aux forces politiques au pouvoir, le blackout contre certaines contestations dissidentes, la dévalorisation des droits de l’Homme sont les tendances télévisuelles les plus marquantes de l’année 2015. En bref, les acquis de la révolution sont pris pour cible.

Consensus contre le pluralisme

L’alliance scellée entre Nidaa Tounes et Ennahdha a balayé la polarisation sur le plan politique mais aussi sur les petits écrans. Instrumentalisées par les deux principales forces politiques gouvernantes, certaines chaînes tv ont adhéré au consensus national imposé par la coalition Nidaa Tounes- Ennahdha.

Révisionnisme et rebranding mauves

Cependant, celles qui n’ont pas adhéré à cette logique, El Hiwar Ettounsi en l’occurrence, dopent leur audimat en cherchant l’adversité entre de faux représentants de la révolution et des figures de l’ancien régime. De quoi donner libre cours au rebranding du clan Ben Ali et au discours révisionniste. Et ce, quand ils ne tombent pas dans un équilibrisme d’un temps révolu.

TV publique ou celle du pouvoir ?

Quant aux télévisions publiques, elles ne le sont pas vraiment. Le pouvoir exécutif se déchaîne à les asservir. De vieux réflexes ressurgissent pour favoriser un alignement sur la position du Palais de Carthage et celui de la Kasbah. Le Journal Télévisé de 20h récidive alors que les émissions de débats courent derrière la tendance dominante sur les chaînes privées.

Égarement des outsiders

De leur part, les chaînes tv, récemment créées ou en cours de refonte, se cherchent. Ils ne se taillent qu’une très faible part de l’audimat. Entre l’absence d’une réelle réflexion sur leurs lignes éditoriales et les choix de programmation obsolètes, elles se perdent. Leur manque de transparence contribue à cet égarement et diminue leurs chances d’acquérir un capital de crédibilité auprès des téléspectateurs.

La HAICA en poupée vaudou

Un contexte également marqué par des campagnes contre la régulation des médias. La Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA), instance transitionnelle de régulation, est fréquemment attaquée par les chaînes privées. Le lynchage médiatique se déclenche au gré des motivations politiques d’un patron ou des élucubrations d’animateurs tv étoffant leurs shows par des querelles puisant dans le discours de haine.

Attaques contre les droits de l’Homme

Mis à part les attaques contre le seul socle institutionnel d’une tant attendue régulation du secteur audiovisuel, c’est au principal fondement de la législation postrévolutionnaire que certaines chaînes tv s’acharnent à saper. Les droits de l’Homme, comme ensemble de valeurs juridiques mais également sociales garantes du vivre-ensemble, sont présentés comme une entrave à la sécurité nationale.

Nostalgie castratrice

Sur le plan intellectuel, le faible sens critique des expériences du passé et le confort du positionnement consensuel ligotent le traitement médiatique des questions relatives à la mémoire nationale. La nostalgie et le sensationnalisme contribuent à ancrer les dogmes. Ils condamnent, ainsi, les contenus télévisuels à la superficialité.

Autant de persistance à marcher vers l’arrière en 2015. L’année 2016 se montre donc riche en enjeux. La réforme du service public, restée au point mort en 2015, avancera-t-elle en 2016 ? Le remplacement de la transitionnelle HAICA par la constitutionnelle ACA, ramènera-t-il son lot de réformes ou sera-t-il dans la tradition des tractations partisanes aveugles ? La cession des entreprises médiatiques confisquées et gérées par l’Etat et Karama Holding, mettra-t-elle un terme à un provisoire qui dure ? Les probables nouvelles entrées dans le marché, pourraient-elles changer la donne ? Autant de perspectives tributaires des soubresauts de l’échiquier politique.