Bien réalisé – et à condition de sortir de s’en tenir purement aux faits et non à leur exégèse – le fact checking se révèle précieux quel que soit le lieu, le contexte et le régime politique. Au-delà de démentir ou d’alimenter des polémiques (la logique froide du “vrai” ou “faux”), celui-ci permet très souvent d’obtenir des éléments de contextualisation (historiques, sociologiques ou encore économiques). Dit autrement : le travail du fact-checkeur ne se limite pas à démentir ou confirmer une information, comme le ferait un détecteur de mensonges ou un commissaire de police.
Est-il vrai que le taux de participation des forces de l’ordre aux élections municipales en Tunisie ne dépasse pas les 17% ?
Le taux de participation aux élections municipales des forces de l’ordre, qui votaient pour la toute première fois en Tunisie la semaine dernière (avant le reste de leurs compatriotes, qui votent le 6 mai), est encore plus faible que cela.
Les soupçons de corruption concernant les élections à venir en Tunisie sont-ils avérés ?
Depuis le début de la campagne, on entend partout des rumeurs de corruption. Il s’agirait le plus souvent de listes candidates qui proposent de l’argent ou des cadeaux à des électeurs potentiels pour acheter leur vote.
Quel est le candidat(e) favori(e) pour remporter l’élection présidentielle ?
La prospection politique est toujours un exercice complexe – combien d’éditorialistes y ont laissé leurs dents et parfois, leur dignité ? Elle l’est d’autant plus dans un contexte socio-économique précaire, où certains mouvements politiques se retrouvent dans une logique de survie (financière, mais aussi idéologique) et plus encore, d’apprentissage. Une cinquantaine d’années de dictature marquent profondément un champ politique. C’est sommaire, mais à cette échelle, même les clivages basiques ne sont pas toujours clairement définis. Qui est réellement contre qui, et surtout, sur quelles bases ?
Est-ce que l’amnistie fiscale que promettent certaines listes était déjà utilisée par Ben Ali pour acheter la paix sociale ?
Difficile de répondre frontalement à la question sans prendre parti. Cependant, elle soulève plusieurs points sensibles.
Les islamistes d’Ennahdha en Tunisie peuvent-ils gagner ces élections municipales?
Ennahdha a de fortes chances de rafler la majorité des sièges dans un grand nombre de localités. C’est le seul parti ayant des listes candidates dans toutes les circonscriptions (350). Largement impliqué dans l’élaboration du chapitre 7 de la Constitution de 2014 portant sur le pouvoir local, Ennahdha a exprimé, depuis 2015, un grand attachement à la tenue, souvent repoussée, de ce rendez-vous électoral.
Est-ce qu’il y a dans le programme électoral d’une liste le projet de jumelage avec une ville française ?
A notre connaissance, le candidat de Nidaa Tounes à la municipalité de La Marsa et celui d’Afek Tounes à Hammam Sousse ont évoqué dans leurs programmes la possibilité d’un jumelage avec une ville internationale, sans préciser s’il se ferait avec une mairie française ou avec celle d’un autre pays.
Municipales 2018 : Aicha Gorgi, entre sa galerie d’art et son QG de campagne
Tête de liste de la coalition de l’Union Civile à Sidi Bou Saïd, la galeriste Aicha Gorgi ambitionne de donner à ce village tunisois, mondialement réputé pour son charme atypique, un nouvel éclat grâce à une dynamique culturelle dépassant le tourisme de consommation. Pour elle, gérer une localité, c’est comme gérer une galerie d’art.
L’homosexualité pourra-t-elle être dépénalisée si des progressistes arrivent au pouvoir après les municipales tunisiennes ?
Les maires élus n’ayant pas vocation à modifier le Code pénal, les chances que l’homosexualité soit dépénalisée en Tunisie à la suite des élections municipales sont nulles. Car c’est l’article 230 du Code pénal tunisien qui criminalise l’homosexualité, punie de trois ans d’emprisonnement.
Comment est déterminé le nombre de candidats élus par liste aux municipales tunisiennes ?
D’après l’article 117 de la Loi organique n° 2014-16 du 26 Mai 2014 relative aux élections et aux référendums, amendée le 14 février 2017, les sièges sont répartis au niveau des circonscriptions sur la base de la représentation proportionnelle au plus fort reste.
Quels seront les pouvoirs des municipalités tunisiennes ?
«Les compétences propres ne sont pas une révolution en soi, précise Mahdi Elleuch, de l’ONG tunisienne al-Bawsala, spécialisée dans le suivi de la gestion des affaires de l’Etat. Mais à partir de maintenant, les municipalités n’auront plus à obtenir l’approbation finale du Gouverneur, qui est le représentant de l’Etat dans la région, pour mettre en œuvre leur politique.» Ces prérogatives concernent les services et équipements de proximité: plan d’aménagement du territoire, éclairage public, routes, propreté, jardins publics, etc.
Quelles seront les ressources financières des collectivités locales tunisiennes ?
Le financement des collectivités territoriales tunisiennes reposera sur trois piliers : les impôts, les redevances et le fonds de péréquation. Éclairage.
Les candidats aux élections municipales ont-ils le droit de parler à la presse étrangère ? Certains disent que non.
Mouna Ghariani, membre du conseil de la HAICA, nous a précisé que «les noms des candidats qui ont parlé aux correspondants étrangers ont été transmis à l’ISIE. Des sanctions sous la forme d’amendes allant de 2 000 à 5 000 dinars seront bientôt prises», conformément à l’article 153 de la loi électorale de 2014.
Est-il vrai que 80% des candidats aux élections municipales sont RCDistes ?
Le chiffre de 80 % a été avancé par Mohamed Ghariani, ancien secrétaire général du RCD, au cours d’une émission de radio. Selon des chiffres officiels, le RCD comptait 2,3 millions d’adhérents. Leur liste n’a jamais été rendue publique. Il est donc impossible de déterminer combien d’entre eux se présentent aux élections municipales, où se présentent 53 668 candidats dans 350 circonscriptions.
En Tunisie, en plus des municipales, des régionales sont-elles constitutionnellement prévues avant la fin de l’actuel quinquennat ?
Les articles 131 et 133 de la Constitution prévoient en effet des conseils régionaux élus au suffrage universel direct, mais sans indiquer de date précise pour le tenue de ces élections. Selon le ministère des Affaires locales, les élections régionales ne pourront avoir lieu avant les prochaines élections législatives, prévues en décembre 2019. Les raisons invoquées sont d’ordre techniques : instauration des sièges des conseils régionaux en lieu et place des gouvernorats, instauration d’un haut conseil des collectivités locales, etc.
Peut-on organiser des élections pendant un état d’urgence ? Et si oui, comment se tiennent les meetings pendant la campagne ?
Le décret de 1978 qui règlemente l’état d’urgence ne dit pas que tout rassemblement est interdit, mais stipule que le Ministre de l’intérieur peut interdire « les réunions de nature à provoquer ou entretenir le désordre » et peut également ordonner « la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boisson et lieux de réunion de toute nature ».
Combien y a-t-il de villes avec seulement deux listes pour les municipales tunisiennes ?
Pour les élections municipales tunisiennes, il existe six municipalités (sur 350) avec seulement deux listes, le minimum enregistré. Il s’agit de Khemaira (Jendouba), Azmour (Nabeul), Sidi Alouane (Mahdia), Sidi el Heni (Sousse), el Marja (Kef) et Cheraita (Kairouan).
Pourquoi les forces armées ont voté une semaine avant les autres citoyens?
C’est la première fois, dans l’histoire de la Tunisie, que les membres des forces de sécurité et de défense du pays votent. Jusque-là, ils ne prenaient pas part au scrutin, pour des raisons de neutralité.