Unique survivant de ce que certains appellent abusivement « un printemps arabe », dans un monde musulman devenu (ou redevenu) fou et dominé par la violence, la Tunisie a également réussi à passer sans trop de dégâts d’un régime autoritaire de parti unique à un régime démocratique de multipartisme. Et pourtant, sept ans après la chute du dictateur Ben Ali, les Tunisiens, par vagues successives, fuient leur pays vers d’autres cieux et d’autres horizons.
Interview avec Sghaier Salhi: Les non-dits de la Tunisie postindépendance
Sghaier Salhi est l’auteur d’un ouvrage publié en 2017, aujourd’hui épuisé, intitulé « Le colonialisme interne et le développement inégal : le système de marginalisation en Tunisie comme modèle » (en arabe). Il y démontre le caractère systémique des inégalités de développement entre les régions en Tunisie, arguant qu’une partie du pays colonise l’autre partie. Nous avons souhaité discuter avec Sghaier Salhi des tensions entre le récit national tunisien et les mémoires particulières de certaines régions et groupes sociaux, à l’heure où l’Instance Vérité et Dignité (IVD) est attaquée par des historiens et des politiciens pour son traitement de l’histoire de l’indépendance.
Instance Vérité & Dignité : honnie par Nida Tounes, sacrifiée par Ennahdha
Le différend avec l’IVD s’inscrit dans le cadre du retour sur la scène politique des symboles du régime de Ben Ali. Il s’agit de raboter l’indépendance des organes constitutionnels afin d’imposer l’hégémonie du pouvoir exécutif sous couvert de promouvoir l’efficience de l’État. Tandis qu’Ennahdha favorise la mise à l’écart de l’IVD.
Juges et avocats appellent à établir une police des tribunaux
L’Association des Magistrats Tunisiens (AMT) a exigé la mise en place d’une police des tribunaux en vue de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire. Une requête revêtant une acuité particulière, dans un contexte marqué par les événements survenus au tribunal de première instance de Ben Arous, le 26 février 2018. Les syndicats sécuritaires ont été accusés d’avoir tenté de faire pression sur le pouvoir judiciaire.
Salah Farzit, l’autre facette du “zoufri”
Rencontre avec l’un des monuments de la musique populaire tunisienne qui révélera des facettes méconnues de l’artiste. Celle de l’auteur de poésie dans une langue arabe aussi classique que châtiée. Le chanteur, célèbre pour son cultissime mezoued lancinant, est aussi un passionné de littérature et de poésie. Entretien dans le vieux Tunis, avec un artiste dont les refrains incisifs n’ont pas perdu de leur tranchant au fil des années.
Réforme de la loi sur les associations: vers une dérive liberticide en Tunisie ?
Une réforme du cadre législatif régissant les associations semble à l’ordre du jour si l’on en croit la réunion tenue par Mehdi Ben Gharbia avec un groupe de juristes en février dernier. Cette initiative fait écho à la rétrogradation de la note de la Tunisie par le GAFI, au niveau de la recommandation sur le secteur non-lucratif. La lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme semble être l’argument clé du gouvernement en matière de législation des associations. Un dérive liberticide à l’horizon qui, alliée à la diabolisation de certaines associations, semble augurer un verrouillage progressif.
Quand le ministère de l’Equipement menace le patrimoine architectural
En deux semaines, la pétition contre le projet de loi « Immeuble Menaçant Ruine » a déjà réuni plus de 1 100 signataires. Lancée par les associations de défense du patrimoine bâti, elle tire un signal d’alarme contre le projet de loi élaboré par le ministère de l’Équipement et prochainement soumis à l’Assemblée des Représentants du Peuple. Une proposition législative considérée comme précipitée, absurde et dangereuse par des experts en patrimoine.
Education nationale : Derrière la diabolisation des grévistes
Le corps enseignant, avec environ 80 000 professeurs d’enseignement secondaire et 60 000 instituteurs, représente l’effectif le plus important et surtout le plus syndiqué de la fonction publique. Ce corps de métier est très représentatif des classes moyennes tunisiennes, laminées par la crise économique et les mesures fiscales des gouvernements successifs.
Psycaricatures de -Z- : Béji Caïd Essebsi
Le président tunisien Béji Caid Essebsi, maître d’œuvre de la loi sur la réconciliation, espère donner le coup de grâce à la justice transitionnelle, tandis que des attaques tous azimuts sont orchestrées contre l’Instance Vérité et Dignité.
Promotion du « Leadership » en Tunisie: prosélytisme néolibéral sous couvert associatif
Nombreux sont les activistes tunisiens qui suivent des formations sur le leadership, quelques-uns sont même invités à des conférences à l’étranger réunissant les « jeunes leaders de demain ». Et voilà que même la présidence de la République s’y met avec un classement des « 100 leaders du futur tunisiens » établi par l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques (ITES) célébré samedi 24 mars à Carthage. Mais derrière l’optimisme rhétorique qu’entendent transmettre les inoculateurs de cette notion, c’est une vision pauvre de la politique, empreinte de néolibéralisme, qui est inculquée, sous couvert de neutralité idéologique.
Samir Majoul ou la tentation autoritaire
Le nouveau patron des patrons est francophone, parle « à la bourguibienne », tient un discours d’autorité avec une pointe d’humour. Le dernier qui s’est essayé à cet exercice a décroché un bail à Carthage pour au moins, cinq ans !
Le devoir de résister à la tyrannie de la majorité
Allumez la télé, ou la radio, ou même votre ordinateur —jusqu’ici vous avez le choix. Connectez-y votre cerveau. Réceptionnez le flux. Identité, guerre, terrorisme, nationalisme, islamisme, consensus, démocratie, liberté, peuple… Veuillez retenir ces mots-clés, vous en aurez besoin durant la semaine à venir.
Exposition « Awj » de Nja Mahdaoui : un néo-kitsch pris à la lettre ?
Si la pratique calligraphique de Nja Mahdaoui requinque un lettrisme ambiant, suffit-il qu’elle s’entretienne à feu tiède par une dextérité lyrique pour laver l’œil de quelques habitudes visuelles ? Encensée plus que méditée, cette démarche ne résiste pas pour autant à rameuter le contingent des réflexes décoratifs. Où le vérifier ? À la galerie ElMarsa, à Tunis, où se tient actuellement sa rétrospective « Awj » jusqu’au 7 avril 2018.
Chants populaires, mémoire vivante de la résistance tunisienne
Les poètes populaires tunisiens ont clamé les hauts faits d’armes de la résistance contre l’occupation française, gravant l’épopée nationale dans les mémoires en lettres de sang. Mais la résistance sait aussi prendre à l’occasion des accents anarchistes et libertaires, avec l’irrévérencieux poème, « Al-Zaboubiya ».
Stockage en ligne des archives de l’IVD, menace sur les données personnelles ?
Le stockage des archives audiovisuelles de l’IVD fait l’objet d’un âpre conflit. Suite au lancement d’un appel d’offres pour créer une plateforme web par l’Instance en janvier dernier, les Archives Nationales et certaines organisations de la société civile sont montées au créneau. Ils accusent l’IVD de faire un choix qui « présente des risques de violation de la vie privée des témoins et pourrait nuire à la souveraineté nationale », l’appel d’offres n’excluant pas de faire appel à des prestataires étrangers. Une bataille sur les données personnelles qui risque de s’envenimer.
Cadavres dans le placard de l’Indépendance tunisienne
Le président Caïd Essebsi revient sur la polémique soulevée par la diffusion des documents sur l’accord sur l’Indépendance tunisienne. Un historien confirmant la version officielle des faits est même reçu au Palais. Tandis que d’autres relèvent les cadavres mis au placard de l’histoire officielle.
Centres de planning familial : La pilule ne passe plus
Une centaine d’employées des centres de planning familial régionaux, venues principalement de Kasserine et Gafsa, ont manifesté mercredi 14 mars au siège de l’Office National de la Famille et de la Population (ONFP) à Tunis. Contractuelles, elles protestent contre leurs conditions de travail en dégradation permanente. Une colère révélatrice des dysfonctionnements internes qui affectent directement l’accès à la santé reproductive des femmes dans le Centre et le Sud de la Tunisie et reflète le manque de stratégie et de stabilité au sein de l’ONFP.
« Prestige de l’État », concept malléable aux accents autoritaires
Où en est le prestige de l’Etat (haybet ad-dawla) ? Où en est cette promesse d’un retour à l’ordre qui a été la principale raison de l’élection de l’actuel président de la République fin 2014 ? Les réactions à une éventuelle prorogation du mandat de l’IVD et celles au scandale des syndicats policiers au tribunal de Ben Arous, en disent long sur les partisans de ce slogan politicien et sur son essence.